Contre-Regards

par Michel SANTO

Pendant que le bourgeois dort tranquillement…

 
 
 
 
Ma.23.5.2023
 
Humeur !
 
Bénédicte Bonzi est chercheuse associée au Laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales de l’EHESS. Sous le titre « Le don de nourriture est devenu la béquille d’un système alimentaire prédateur » – Oui ! prédateur ! –, elle répond, dans le Monde d’hier, aux questions de Youness Bousenna. J’en extrais ce passage – qui m’a fait sursauter ! –, car, débarrassé des afféteries rhétoriques obscures propres au milieu universitaire des sciences humaines, il me semble très révélateur des parti-pris idéologiques et politiques des très nombreuses cohortes de « chercheurs » – sociologues, anthropologues, politologues et divers – régulièrement invités dans les colonnes des quotidiens Le Monde et Libération, notamment. L’intérêt de ce genre de publications – entretiens, chroniques, etc., oui ! l’intérêt, est, en effet, d’en faire ressortir les idées directrices qui, banalement militantes, ne se distinguent guère, si l’on en retire le vernis pontifiant, de celles abondamment exposées dans les tracts des diverses obédiences « wokistes et insoumises ». Il arrive même, parfois, pour mon plus grand plaisir en tout cas, comme ici, qu’une ou deux phrases en révèle aussi le caractère hautement et bêtement comique. Voici :

Ce clocher de Saint Paul, qui résiste.

 
 
 
 
 
 
 
 

(Narbonne) La Basilique Saint-Paul vue de la tour sud du Palais des Archevêques

 
 
Sa.20.5.2023
 
De ma terrasse !
 
Ce clocher de Saint Paul, qui résiste. Ces hirondelles, qui chassent. Ces mousses, qui colorent les tuiles. Cette coulée verte, qui frissonne. Ce yucca, qui plastronne. Ce ciel gris, qui grimace. Ce soleil, qui viendra. Ce silence, sous les toits. La Clape, qui s’étire. Ces mots, qui hésitent. Tout persiste. Le monde gronde. L’horizon écoute.
 
 
 
 
 

Inexorablement vieux, oui ! Mais…

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Di.14.5.2023
 
Moments de vie. Sur la vieillesse.
 
Il suffit de quelques jours à peine pour que celui que nous connaissions toujours alerte et vivant malgré son âge – le mien ! – montre à son insu et sur son visage les signes d’une humeur sombre et affligé. Celui de René, rencontré hier sur la promenade des Barques, exprimait de manière frappante ce brusque changement d’état. Je m’en étonnai à haute voix. Il me répondit sur un ton faible et las, qu’il avait été hospitalisé récemment. Entre-temps, un ami commun s’était joint à nous. Qui s’empressa de nous raconter ses ennuis prostatiques et ses nuits hachées par de vaines et furieuses envies d’uriner. L’âge, affirmaient-ils avec fatalité. Pourtant, aucun de ces maux, disons très pénalisant, ou maladies propres, paraît-il, à de presque octogénaires comme nous, ne m’affecte, plaisantai-je. Je devais toutefois constater et admettre, plus sérieusement, qu’autour de nous, nombre de nos relations en souffraient. Je ne comptais pas celles, en effet, boiteuses en attente d’opérations des genoux ou des hanches, ou d’autres souffrant de maladies beaucoup plus graves. Ce qui requiert de grands efforts de l’esprit pour les accepter ; et ne pas les subir comme un outrage, une offense à notre propre image, songeai-je à haute voix. Il faut donc agir à temps, dis-je, à mes amis. Inexorablement vieux, oui ! Mais le plus possible ingambe et indépendant. La vieillesse a un plus grand besoin d’activités physiques et intellectuelles : lecture, écriture, notamment, ajoutai-je. Allez ! mes amis, je vous laisse à présent : j’ai précisément l’idée d’un petit travail d’écriture !
 
 
 
 
 
 

La vie n’est pas celle représentée par la loupe des médias et des réseaux sociaux…

           

Je.11.5.2023

Moments de vie.

J. est une de mes connaissances. Je le rencontre tous les matins – ou presque ! Et très souvent assis sur le même banc public de la place de l’Hôtel de Ville à l’abri du vent du Nord. Il y « passe le temps », dit-il, et ne sort de son mutisme contemplatif que pour commenter parcimonieusement les prévisions météorologiques et la petite actualité locale, surtout nécrologique. Un état d’esprit habituel que la « crise sociale » et politique ouverte avec la réforme des retraites a cependant profondément transformé. Rajeuni, J. semble en effet avoir retrouvé les accents et la véhémence du jeune militant socialiste zélé qu’il était lorsqu’il exerçait son métier de conseiller à la CPAM de Béziers. Sans pour autant dépasser les frontières du raisonnable que lui commande aujourd’hui une espérance de vie qu’il sait statistiquement et biologiquement bornée. De sorte que son espoir de « changer la vie » fait désormais place à un sentiment confus et bien naturel d’en jouir le plus longtemps et le plus intensément possible. Un désir que ses genoux en très mauvais état contrarient, se plaint-il. Surtout les jours de « marin » qui, comme nul ne l’ignore, ici en tout cas, réveille douloureusement des articulations sévèrement rongées par l’usure du temps ou l’arthrose, notamment. Ce qui sans doute explique aussi sa participation exclusivement assise et bavarde aux mouvements sociaux du moment ; mais qui ne l’a toutefois pas empêché de s’envoler pour les Canaries, en février, et ne l’empêchera pas de se rendre en Suède, cet été, pour se rafraîchir, me disait-il, ce matin encore. Il fait trop chaud, ici : c’est épouvantable ! Je l’écoutais ainsi me vanter les vertus thérapeutiques de ses voyages tout en pensant distraitement à cet article du journal le Monde lu un peu plus tôt au moment du petit déjeuner. Article qui m’avait réjoui tant son titre que son contenu exprimaient, s’agissant des intentions de voyages de nos compatriotes, une désolante incompréhension de leurs envies si peu citoyennes et pour tout dire écologiquement irresponsables. Quoi ! malgré l’inflation et la baisse de leur pouvoir d’achat, les tour-opérateurs faisaient le plein de réservations pour l’Europe du Sud, les Etats-Unis et le Canada avant les vacances d’été ! Et se faisaient les complices vénaux de clients insoucieux de leur catastrophique bilan carbone, qui plus est, soulignait habilement l’autrice en question. Comme si elle découvrait, soudainement chagrine et exaspérée, que les Français n’étaient pas forcément tous en colère, désespérés, angoissés ; sans le sous et sans désir de voyager ; elle-même finalement victime de l’effet de loupe sur la réalité sociale et politique, inconscient, au mieux, ou démagogique, manipulatoire, mais très vendeur, au pire, que son « journal », notamment, et tant d’autres médias ne cessent de présenter à leurs lecteurs ou auditeurs. Midi sonnait quand j’ai quitté J. Je le sais doté d’un solide appétit, aussi lui ai-je recommandé – il est en « surpoids » ! – sur un ton gentiment ironique, d’alléger ses repas pour soulager ses genoux. Qu’ainsi, ils le porteraient plus longtemps et plus loin. Qu’espérer d’autre, en effet !            

Un 8 mai indigne, indécent !

 
 
 
 
Ma.9.5.2023
 
 
Hier donc, avant même l’arrivée du Président de la République à Montluc pour rendre hommage à Jean Moulin dont on commémorait le 80e anniversaire de son arrestation à Caluire, une casserolade avait démarré en début d’après-midi aux portes du périmètre de sécurité établi par arrêté préfectoral. Et en début de soirée de ce même 8 mai, sur une chaîne de télévision du service public, Sandrine Rousseau déclarait, à propos de la réforme des retraites : « On est en train de détruire ce pourquoi des Jean Moulin sont morts. » Ainsi, en ce jour du souvenir et d’hommage à la Résistance et aux combattants des forces alliées, plutôt que le Chant des Partisans, on a pu entendre, rapportés par des médias complaisants, la cacophonie casserolière et les propos délirants de carnavalesques « insoumis ». Un sinistre concert où la bêtise obtuse des uns rivalisait avec l’indécence de tous. Il faut que je le dise ! Hier, devant cet indigne et désolant spectacle, j’ai éprouvé de la honte. Honte, en pensant à tous ces déportés et fusillés pour fait de Résistance ; et à mon grand-père maternel en particulier, à ses combats, à sa déportation et aux souffrances endurées pendant et après son enfermement dans le camp de Buchenwald. Mais comment, comment cela est-il donc possible, songeai-je alors dans un mouvement d’humeur et de colère froide.
 
 
 
 
 

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