Contre-Regards

par Michel SANTO

Adieu rigueur, bonjour paresse!

 

François Hollande, avec sa rigueur de jugement habituelle, considère que le premier ministre manque de rigueur morale. Plutôt que de gestion sérieuse et économe, il voudrait que François Fillon parlât en effet de plan de rigueur. Ce serait faire preuve de rigueur dans son expression, à défaut dans avoir dans l’exécution de sa politique, nous dit-il. Si le raisonnement est indiscutablement empreint d’une certaine rigueur, suffira-t-il à faire fléchir la rigueur toute protestante de Fillon ? En toute rigueur, j’en doute. Faire preuve d’une certaine rigueur dans la gestion des affaires de l’Etat, ne mettra pas la France et les Français aux arrêts de rigueur. Les rigueurs de la conjoncture sont telles, qu’à l’extrême rigueur, avec un peu moins de dépenses publiques, on peut adoucir la rigueur des prélèvements fiscaux et sociaux. Tout en tenant compte, bien évidemment, des rigueurs de la pauvreté, ce qui, on en conviendra, avec celles du sort méritent quelques délais de rigueur au risque de tomber dans une récession d’une rigueur excessive. La rigueur de l’esprit, en politique, a ceci d’étrange que ce mot de rigueur est devenu imprononçable.Trop âpre, rude, sévère sans doute lui qui exprime si bien la justesse,la cohérence,l’exactitude. Dans ce monde aseptisé et apeuré l’exactitude n’est hélas plus indispensable. Désormais, il nous sera tenu rigueur de traiter avec rigueur de quoi que soit ou de quelque chose avec quelqu’un…Adieu  rigueur, bonjour paresse !

L’illusion de l’échange

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Dans
l’Échange, pièce créée en 1893-1894 et dont l’action se passe en Amérique, Paul Claudel (1868-1955) met en scène une actrice alcoolique, Lechy Elbernon, magnifiquement interprétée, mardi dernier, au Théâtre de Narbonne, par une Nathalie Richard véritablement habitée par ce personnage redoutable d’intelligence qui se joue et se réjouit de l’illusion du désir et de la liberté…

Extrait :

«  LECHY ELBERNON
Je suis actrice, vous savez. Je joue sur le théâtre. Le théâtre. Vous ne savez pas ce que c’est ?

MARTHE
Non.

LECHY ELBERNON
Il y a la scène et la salle. Tout étant clos, les gens viennent là le soir, et ils sont assis par rangées les uns derrière les autres, regardant.

MARTHE
Quoi ? Qu’est-ce qu’ils regardent, puisque tout est fermé ?

LECHY ELBERNON
Ils regardent le rideau de la scène. Et ce qu’il y a derrière quand il est levé. Et il arrive quelque chose sur la scène comme si c’était vrai.

MARTHE
Mais puisque ce n’est pas vrai ! C’est comme les rêves que l’on fait quand on dort.

LECHY ELBERNON
C’est ainsi qu’ils viennent au théâtre la nuit.

……………

MARTHE
L’œil est fait pour voir et l’oreille
Pour entendre la vérité.

LECHY ELBERNON
Qu’est-ce que la vérité? Est-ce qu’elle n’a pas dix-sept enveloppes, comme les oignons ?
Qui voit les choses comme elles sont ? L’œil certes voit, l’oreille entend.
Mais l’esprit tout seul connaît. Et c’est pourquoi l’homme veut voir des yeux et connaître des oreilles.
Ce qu’il porte dans son esprit, – l’en ayant fait sortir.
Et c’est ainsi que je me montre sur la scène.

MARTHE
Est-ce que vous n’êtes point honteuse ?

LECHY ELBERNON
Je n’ai point honte ! mais je me montre, et je suis toute à tous.
Ils m’écoutent et ils pensent ce que je dis ; ils me regardent et j’entre dans leur âme comme dans une maison vide.
C’est moi qui joue les femmes :
La jeune fille, et l’épouse vertueuse qui a une veine bleue sur la tempe, et la courtisane trompée.
Et quand je crie, j’entends toute la salle gémir. »

Comme sur d’autres scènes de la vie…


 

Questions à Georges Frêche et à Midi Libre.

Dans cette interview vidéo, en répondant à la dernière question, Georges Frêche (G.F) nous dit qu’il   » a pris  » un Languedoc Roussillon placé au 23ème rang des régions françaises (faux: il y en a 26, et le classement en question ne concerne que les 22 régions métropolitaines), qu’il est à présent ( nous sommes en 2008!) au 12ème rang (toujours faux : voir ci-dessous)  et qu’il entend l’amener au 4ème (en prenant quel critère? Si c’est l’un des deux premiers, c’est tout simplement absurde).Et la presse régionale, toujours aussi nulle en ces matières, de reprendre ses propos comme paroles d’évangile.

Quant est-il donc exactement.

Constatons d’abord que le critère utilisé, pour le premier classement, est le PIB/habitant, et celui du second le PIB,  l’année de référence étant 2002 (source INSEE).C’est à dire une année où G.F, n’était bien sur pas aux affaires. Et que disent précisément les chiffres de cette période ? En premier lieu, que le PIB du Languedoc-Roussillon, qui représente 3 % de la richesse nationale  situe le Languedoc-Roussillon au 11e rang des régions métropolitaines. Que si l’on prend en compte le PIB par emploi, la région améliore légèrement son rang, passant à la 10e place. Enfin, qu’au niveau du PIB par habitant, la situation se dégrade sous la double influence de la faiblesse du taux d’activité et du nombre élevé de chômeurs plaçant le Languedoc-Roussillon à l’avant-dernière place des régions métropolitaines, juste avant la Corse. Eurostat, en livrant les derniers chiffres disponibles, ceux de 2005, nous apprend même que la Corse nous passe devant pour le PIB/habitant et que nous gagnons une place pour le PIB…

La manipulation est, si je puis dire, limpide et grossière : G.F prend le PIB/habitant de 2002 pour débuter son raisonnement (21ème rang et non 23ème en réalité) et charger son prédécesseur, puis il enchaîne par le PIB de la même année 2002 (11ème rang et non 12ème)  pour illustrer l’extraordinaire performance de sa gestion depuis… 2006!!! Une comparaison avec des indicateurs différents, d’une même année et sur plusieurs années (?!!), s’appuyant sur des stats, au mieux de 2005.CQFD.

Voilà comment la presse est utilisée comme un des vecteurs du plan de communication du président de la Région, concourrant ainsi à la désinformation de ses lecteurs. Autre hypothèse, les journalistes ne font pas leur travail par paresse, « jemenfoutisme », trop de stress, ou incompétence. Peu importe après tout, le résultat est le même. Qui s’en soucie? Personne.

L’allègre bon sens de Claude.

Dans ma revue de presse de ce matin, je note ces remarques de bon sens de Claude Allègre formulées sur une grande radio nationale et reprises dans le Figaro :

( Le problème de l’exécutif est qu’il croyait «piloter une Formule 1, et qu’il se retrouve au volant d’un tracteur, puissant, mais qui n’avance pas». Cette «inertie» explique que «Nicolas Sarkozy se prenne le manche du râteau dans la figure», autrement dit une chute dans les sondages et une défaite aux municipales. Si les électeurs ont sanctionné un bilan qu’il juge, pour sa part, «pas mauvais», c’est à cause du «décalage entre les annonces et les résultats». Et selon lui, «tant que ça durera», l’opinion continuera d’exprimer son «mécontentement», malgré les «changements de posture» du président qui, a-t-il souligné, «ne l’ont pas fait remonter dans les sondages».

En tant qu’«observateur», cette fois, Claude Allègre a aussi donné son avis sur la préparation de la présidentielle à gauche, en confiant avec humour : «Je ne voudrais pas nuire à la candidature de Bertrand Delanoë en disant que c’est le meilleur candidat.»)

Ce sera tout pour ce Lundi de Pâques…

 

Les raisons d’une victoire ( ou d’une défaite ).

A Narbonne, la campagne des municipales fut, pour l’essentiel, digne. Et Jacques Bascou l’a nettement emportée : 57%. Cette sévère défaite de Michel Moynier vient de loin et il ne peut , pour l’expliquer, s’en tenir qu’à des facteurs externes :  une  presse malveillante (facile!), l’effet Sarkozy (trop simple!)… voire à l’usure du pouvoir ( un peu plus sérieux!).
Ces facteurs doivent certes être pris en compte, mais il ne me semble pas déterminants. En réalité, malgré la présentation d’un bon bilan et d’un bon programme, cette sanction des électeurs s’explique essentiellement par des raisons qui tiennent à la forme, au style même de la gouvernance conduite par la municipalité sortante.
Une gouvernance héritée d’une histoire marquée par une opposition frontale aux principaux acteurs institutionnels locaux de gauche et un « apolitisme » de combat établit il y a trente ans par son fondateur, Hubert Mouly. Une histoire qui a profondément structurée des pratiques et  une culture de « ville assiégée », en totale contradiction, aujourd’hui, avec les réalités d’une société locale plus « éclairée », plus ouverte, plus diversifiée. 
Bien que cela soit difficile à entendre, on ne peut pas ne pas constater, en effet, une demande de la société civile de  » participation  » à la définition et à la  » mise en oeuvre  » des politiques publiques .Et cette attente, les électeurs narbonnais ont considérée qu’elle n’avait été ni entendue ni satisfaite . Les conditions dans lesquelles la piétonisation et le plan de circulation ont été mis en place à deux  ans des élections, par exemple, ont révélé (à tort ou à raison , peu importe après tout!) l’ampleur de ce déficit d’écoute et de dialogue cristallisant définitivement dans l’esprit des narbonnais l’image d’un maire «  passant systématiquement en force. « 
Sur le plan institutionnel ensuite, en prenant l’initiative (juste et nécessaire) de la création d’un nouvel espace de gestion (la Communauté d’Agglomération de la Narbonnaise, le SYCOT…) avec des communes environnantes en majorité « hostiles » au plan politique Michel Moynier signait, de fait, la fin du « Moulysme » et de sa culture politique sans en tirer cependant toutes les conséquences, notamment , dans ce domaine aussi, quant à son style de « management » forcément inadapté à ce nouvel environnement institutionnel (CAN, Parc Naturel Régional, Pays de la Narbonnaise…) structurellement plus ouvert et  plus coopératif.
Dans ce contexte, il suffisait à J. Bascou de bâtir une liste et de construire une campagne qui, par « effet miroir »  mettent en relief ces contradictions résultant d’une manière de faire propre à Michel Moynier combinée à une forme  » politique » et à un style de gouvernance manifestement en fin de cycle .
Ce fut fait…On connaît la suite !