Ce matin, la petite église de Gruissan était trop petite pour accueillir la famille proche, les parents éloignés et perdus de vue que l’on retrouve toujours quand la mort est au rendez- vous, et les amis de Françoise. Il y avaient aussi des voisins et des badauds. Et des dames âgées. Nombreuses. Très nombreuses. Au point que je me suis demandé où pouvaient bien être leurs hommes. Au » Joffre » ou » Au café de la Paix » à se désaltérer d’une bonne bière fraîche? Ou peut-être bien couché à l’ombre d’un de ces magnifiques cyprès du cimetière accroché au pech et dominant le village? Leurs bavardages et leurs petits sourires complices de celles qui ont déjà connu ça m’agaçaient au plus haut point. Comme m’agaçaient aussi l’empressement de certaines à se distinguer de toutes les manières possibles par de longues stations debout et de petits saluts ostentatoirement mouillés. J’en étais là de mes pensées peu amènes sur cette navrante petite comédie humaine quand, sur le coup de dix heures, juste avant l’arrivée de Marinette sa mère, Eugène son père,sa soeur et Francis, son oncle et mon ami,et tous les siens, le soleil a frappé les vitraux de l’abside recouvrant le manteau de pierre du christ d’un rayon bleu doré d’une éclatante beauté . Devant l’église, un peu plus tard, un flûtiste, peut-être de ses amis, se lançait de manière tout à fait inattendue dans de » joyeuses » partitas de Bach. Musique profonde, limpide et fraîche, comme un chant d’espérance au coeur d’une cruelle douleur. Comme les volutes d’encens aussi qui,quelques instants auparavant,s’étaient élevées en spirales bleues dans cette colonne de lumière traçant une diagonale de l’endroit où tu reposais au Christ aux bras ouverts … Marinette, ta maman, nous l’a dit! Tu leur a donné, ces derniers jours, une grande leçon d’amour et de courage.Ce matin, t’accompagnant, tu nous a aussi offert, en dernier adieu , de la beauté. Merci, Françoise !
Je t’écris de Narbonne, cette petite ville qui fut, autrefois, bien grande. Assis à la terrasse ombragée d’un café situé sur la place de l’hôtel de ville, je peux d’ailleurs en apprécier quelques beaux restes. Ce qui me distrait et me console de la laideur déambulatoire de ces promeneurs d’un type bien particulier que sont les « touristes ». Habillés de la tête aux pieds par Décatlhon, ils traînent leur ennui estival et leur marmaille rebelle, vêtus des mêmes informes bermudas multi-poches sur lesquels flottent ce qui semble s’apparenter à d’inusables « Marcel » décolorés par des lessivages à répétition. Parmi eux, on distingue les Anglais, excentriques à souhait, avec leurs éternelles chaussettes grises, et les Allemands à leurs invraisemblables bobs aux couleurs indéterminées . Nos compatriotes, eux, ayant manifestement un faible pour la casquette américaine, souvent celles de leurs entreprises. À noter cependant que la classique « Ricard » fait toujours de la résistance. Elle attend sereinement son heure, celle de la pétanque, juste après l’apéro, au camping, où elle règnera, souveraine, en maîtresse absolue des lieux…
Au fait, quoi de neuf en Avignon, Louis? Qu’en disent tes chers « critiques » de Télérama et du Monde. Les commentaires doivent aller bon train sur la dernière sortie de Mouchkine? J’y vais, j’y vais pas au Collège de France. Finalement, elle y va.Nommée par un décret signé Nicolas Sarkozy. Elle en est malade, la pauvrette! Suis ou ne suis je pas une traîtresse, c’est la question, ne cesse-t-elle de se répéter. Pathétique! Un vrai numéro de mauvais théâtre de boulevard. Tu me diras que : » n’est pas Sartre qui veut » , n’est ce pas?
Finalement, je le trouve plus authentique mon théâtre de rue narbonnais sans acteurs ni metteur en scène. Mon humeur suffit à distribuer les rôles et mes lectures à imaginer dialogues et actions. Mais il est déjà près de midi! Il fait un soleil de plomb et la place me manque pour continuer. Il est donc temps de te quitter pour commander un pastis: « garçon, s’il vous plaît! ». Pas commode le cabaretier, et d’une mauvaise foi. Son prénom? Je te le donne en mille: Jean Paul…
C’est l’été! C’est aussi le temps des festivals. En Languedoc-Roussillon comme partout en France, où pas un village, un hameau , une rue n’échappent à cette folie « culturelle « . Dans son dernier « opus », dirait Tartuffe, le journal officiel ( numéro 31, son supplément ) de la Région présidée par G. Frêche, nous en donne la liste. Une liste qui vaut moins pour » les évènements culturels » présentés que pour la nullité des commentaires les accompagnant. Nullité à la hauteur de la pensée et du vocabulaire, ne parlons pas du style, de son éditorialiste ( qui est ce cuistre? ), qui nous précise que » l’ensemble de ces évènements est un atout fort ( évidemment! ) de notre territoire. Un atout d’enrichissement personnel….et aussi un atout touristique » Ainsi nous est-il révélé que la force du » Printemps des comédiens » c’est : » le juste assemblage entre tous les artistes invités et les formes conviées. » ( ?!…).
C’est vrai que la matière sociale et politique aujourd’hui est déterminée par deux axes majeurs qui ne manquent pas de nous interpeller quelque part. Je veux dire, effectivement, que l’ouverture à gauche et la fermeture à droite posent le problème d’un positionnement politique pertinent pour une gauche ( ou une droite ) moderne qui resterait ferme sur ses fondamentaux… Cette problématique équation est à l’évidence la question déterminante pour sortir d’un questionnement où le désir d’avenir serait occulté par le désir d’en découdre. Contourner cet incontournable interrogation est donc une nécessité absolue. De sorte que, la courbe du chômage s’obstinant à ne point se redresser, la question existentielle de sa nécessité ne se pose plus. Etc, etc…
La rumeur, ce « plus vieux média du monde » (Jean-François Revel ), et le ressentiment sonnent de concert. Comme des cornes mal embouchées d’où s’échapperaient les notes épidermiques chuchotées par la malveillance idéologique et partisane. Portés par les quatre vents de la haine elles empoisonnent les esprits . Ceux des crédules et des bigots. Et, comme des dames de petites vertus, offrent à petits prix des compensations libidinales aux amateurs fieleux de ragots. Puis, la dîme prise et le rot fait, s’en vont et s’en retournent dans leurs cages à préjugés…
Picasso Pablo (dit), Ruiz Picasso Pablo (1881-1973). Paris, musée national Picasso – Paris. MP72. Partager :ImprimerE-mailTweetThreadsJ’aime ça :J’aime chargement… […]