Son visage exprimait alors une sorte de béatitude républicaine…

         

Jeudi est jour de marché en centre ville. L’alimentaire est rive droite de la Robine, le textile et les fleurs, rive gauche. Le ciel était bas et gris ; il pleuviotait. Les chaussées, glissantes, brillaient. Il était 9 heures. De ma fenêtre, je suivais, rêveur, de rares et sombres silhouettes. Les unes semblaient revenir de leurs courses, un sac multicolore à la main – sans doute de ceux vendus aux caisses de « grandes surfaces » ; d’autres s’en allaient rejoindre nonchalamment leur bureau – j’ai cru reconnaître celle de mon banquier. Mon regard et mon attention se sont cependant attardés sur une forme basse et trapue qui s’approchait, dans l’axe même de mon poste d’observation. Il tenait dans sa main droite un cubitainer de vin rouge. Dans la gauche, serré contre son flanc, un grand calendrier – le cadeau de fin d’année de son conseiller du Crédit Mutuel, peut-être. Il semblait avoir une cinquantaine d’années. À sa manière d’attaquer le sol avec le talon pour maintenir son pas de marche bien rythmé, je ne pouvais pas douter de sa bonne et fière santé. Jusqu’à ce qu’il s’arrête enfin devant une voiture du genre « utilitaire » garée sur une place réservée aux « handicapés ». Là, sur le trottoir, je l’ai vu poser précautionneusement son « cubi », tirer un trousseau de clefs de sa trop grande parka, ouvrir avec vivacité ses portières avant et arrière gauche, y balancer son bidon de plastique et son calendrier ; et se jeter prestement au volant de son véhicule. Avant qu’il ne démarre en trombe, j’ai pu toutefois l’apercevoir vérifier si un « petit papier » n’était pas collé sur son pare-brise… Son visage devait exprimer alors – du moins je l’imaginais – une sorte de béatitude républicaine…

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Commentaires (1)

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    KRISDEN

    |

    Depuis longtemps déjà l’on peut s’interroger sur la transmission aux jeunes générations d’une notion que l’on nomme « civisme ». Celle-ci est souvent remplacer par le « sport national et individuel » du français : « moi d’abord, les autres après » en y rajoutant parfois une pincée de mécontentement ou de courroux lorsque c’est « l’autre » qui réagit ainsi.

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