Dans mon département : l’Aude, sur les trois députés sortant LREM, seul celui de la deuxième circonscription (celle où je vote) Alain Perea, était en lice au second tour face à un candidat du RN parachuté dont personne n’avait jamais entendu parler ; dans les deux autres circonscriptions, les représentants de ce même parti, arrivés en tête sur l’ensemble du département au premier tour, étaient opposés à des candidates Nupes. Et dimanche soir, les audois ont finalement envoyé sans barguigner à l’Assemblée Nationale trois députés d’extrême-droite. Un carton plein. Avec des scores sans possibilités d’appel. Un résultat historique dans un département qui, il y a 93 ans envoyait Léon Blum à l’Assemblée. Et pour expliquer ce résultat, chaque camp fait évidemment le procès à l’autre de n’avoir pas fait « barrage » en mobilisant le désormais fantomatique « front républicain ». Alors disons les choses simplement et calmement. Comment les dirigeants de NUPES, des LR et du RN, qui ont mené une campagne d’une agressivité inouïe en faisant de ce second tour un référendum anti-Macron, pour, au mieux pour les premiers, obtenir une majorité et envoyer Mélenchon à Matignon, et au pire pour ce dernier, et au mieux pour les deux autres, imposer au Président une majorité relative, aient pu croire que ces appels hypocrites au-dit « front républicain » allaient être entendus ? Conséquemment, dans « ma » circonscription, les électeurs Nupes et LR les plus déterminés (en s’abstenant ou votant pour) ont donc choisi, de fait, le candidat RN tandis que dans les deux autres, les électeurs LREM et LR faisaient de même. Au tout début de cette campagne, j’écrivais que cet accord électoral NUPES, sa direction politique et idéologique insoumise, ses thèmes de campagnes et sa violence symbolique faisaient objectivement le jeu du RN. Ce matin, je constate, sur un plan plus général, qu’il n’a pas permis à ses composantes de gagner la majorité, d’envoyer Mélenchon à Matignon ni de marginaliser le RN – ce dernier obtenant même un nombre de sièges supérieur à La France Insoumise. Un bilan que son « leader à vie » n’hésite pas à considérer néanmoins comme « globalement positif ». Sans rire !
Ce matin, ne me demandez pas pourquoi, je me suis arrêté quelques instants sur la page Facebook et le dernier post d’un ancien président socialiste du Conseil Départemental de l’Aude, encore très jeune cependant, appelant à la « mobilisation pour que les candidates NUPES l’emportent dimanche… » La présence de Carole Delga sur la photo de groupe, peut-être ? Enfin ! Toujours est-il que, cherchant toujours un point de vue inattendu ou insolite pour en tirer quelques « vérités », j’ai pêché dans le fil des commentaires sur sa dernière publication, cette petite perle sous la forme d’un très brillant dialogue entre un militant fatalement sceptique et un premier vice-président en titre, formidablement enthousiaste.
Le militant : « Il était temps que Carole Delga soutienne la NUPES. Quand je regarde la photo des deux candidates qui écoutent Carole Delga, je me demande quelles sont leurs pensées à cet instant…. Le V.P : « Comme j’y étais, je peux te le dire . Elles ont spontanément dit MERCI.. Et voilà , c’est assez simple la politique »
Qu’opposer à cette réponse d’une simplicité enfantine ?
Plus bas, toujours, dans ce fil de discussion très consensuel, un ancien et très éphémère ministre que j’ai connu honoraire quand il œuvrait dans l’administration du Département de l’Hérault, ose toutefois sentencieusement ce « vilain » trait :
« Cette femme (Carole Delga, c’est moi qui précise) est une girouette sans aucune morale ».
Ce qui est évidemment faux. Faux et vrai. D’abord la girouette a, en quelque sorte, une « morale », une fonction, une utilité ; et puis, pour rester sur un plan disons plus « philosophique », user d’un tel cliché c’est confondre fidélité – en l’occurrence à un parti et à ses dirigeants – et morale ; morale publique et intérêt politique ; intérêt politique et « défense des valeurs » etc. Bref, oublier que, dans ce domaine, l’intérêt est la règle et la morale l’exception. Ce qui, en ce sens, fait de la girouette, il est vrai, l’image même du politique.
Voilà qui est dit ! Les socialistes audois sont en accord avec leur direction nationale : soumission politique et programmatique à LFI et à son candidat premier ministre Jean-Luc Mélenchon ; tandis que dans le même journal, le même jour, Carole Delga, la présidente socialiste de leur Région Occitanie réitère son refus de toute alliance avec eux.
Dans ma petite ville, les deux grandes voix radicales de Gauche qui hier clamaient amour, fidélité et assistance à Christiane Taubira, sont aujourd’hui coites, désemparées et recluses dans leur petite, mais somme toute confortable, chapelle politique. Depuis que Lacroix – quel nom pour un Président « radical » ! – , leur Saint patron laïque, a prononcé dans sa dernière bulle dominicale la sentence d’excommunication de leur éphémère candidate d’union, les vœux de mariage solennellement échangés sont en effet rompus. Cramé donc le pactole financier, et de parrainages surtout, qui lui était « promis-juré ». La messe est dite : ce n’était pas un échange d’amour ! Mais qui pensait sérieusement, à part quelques petites et maigrichonnes troupes bigotes, que ces défuntes noces étaient faites pour durer ?
Ce matin, dans le seul journal local de ma petite ville qui jadis fut cependant capitale, le PRG de l’Aude au complet – une vingtaine de militants tout au plus : un « grand rassemblement » selon les normes statistiques de ce micro parti – faisait la « Une » et la photo pour appeler les « sympathisants de gauche » à participer à la primaire populaire et voter pour leur candidate à la Présidentielle, leur nouvelle égérie et pompeuse poétesse, madame Christiane Taubira. Une primaire dont les organisateurs se sont arrogés le droit de départager les candidats de gauche à la façon d’une directrice d’école maternelle, en distribuant à des candidats qui ne le sont pas, notamment et surtout Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Anne Hidalgo, des appréciations infantilisantes : «très bien», «bien», «passable» – traduire pour cette dernière par « médiocre » et « nul ». Une fausse primaire « spontanée et citoyenne » donc, outrancièrement ridicule, et dont le seul objectif est en réalité de propulser la candidature-torpille de C. Taubira pour faire exploser ce qui reste encore des partis de gauche. J’observe aussi que, dans ma Région Occitanie où le PRG et ses leaders, peu nombreux, certes, mais qui occupent des positions de pouvoir importantes offertes à eux par un PS maître de la Région et de nombreux Départements, ce dernier assiste, muet, comme une taupe, à cette offensive « liquidatrice » de Taubira et du PRG réunis. À croire que dans l’inconscient collectif de ce dernier, la fin d’un cycle politique de 50 ans qui l’avait amené aux plus hautes responsabilités de l’État, était déjà acté. Quand on en fera l’histoire, on ne manquera pas de relever, anecdotiquement cependant – faut pas pousser ! –, que le PRG n’aura finalement jamais cessé de jouer le double jeu du soutien et de la « trahison ». En attendant, pour reprendre les mots d’un ami, on aura tout vu ! Avec du « mélo » à la façon tortueuse d’Arnaud, jusqu’au comique dodu de François, en passant par le cynisme rageur de Jean Luc, la « fausse naïveté » de Jadot, la démesure tragique d’Anne et la grandiloquente morgue d’une Taubira. Mais quel spectacle, tout de même !
* Les deux primaires organisées par les socialistes avaient rassemblé 2 millions de votants en 2011 et 1,6 en 2017.
* * Un PRG qui n’aura finalement cessé de jouer le double jeu du soutien et de la « trahison » avec le PS.