Muriel, une de mes lectrices, m’interrogeait, hier soir, sur ma page Facebook, sur les raisons qui m’amenaient à ne pas relayer l’appel à manifester samedi matin, à 11 heures, place de l’Hôtel-de-Ville, à Narbonne. Comme elle, vous avez été très nombreux à lire ma chronique du 8 janvier , dans laquelle je rendais compte du rassemblement spontané, sur le Cours Mirabeau, d’hommes et de femmes qui n’étaient là que pour une seule chose: dans le silence d’abord faire bloc.
Hier soir, dans ma petite ville, il y avait foule sur le Cours Mirabeau. L’appel au rassemblement et au recueillement pour exprimer notre douleur et notre détermination à ne rien céder aux assassins se réclamant d’un islam qu’ils déshonorent avait été entendu. Personne ne demandait à personne sa carte d’identité politique ou religieuse. La nuit et le froid effaçaient les silhouettes; un seul corps se formait lentement au fil d’un temps lourd et tendu par l’émotion.
Comment retenir sa « rage » devant ce massacre, sinon en restant d’une dignité absolue toute en force et volonté de ne rien céder de nos valeurs et de nos libertés à ces épurateurs sanguinaires ainsi qu’à leurs complices… Sachons retenir nos cris et nos larmes, qu’ils n’en jouissent pas! Montrons leur, à ces odieux apôtres de la haine, de la violence et de l’encagement des consciences, que notre foi inébranlable en la République et la démocratie aura raison de leur folie barbare. Ce 6 janvier, qui est notre « 7 septembre », restera comme celui d’une entrée en guerre contre tous nos principes et notre histoire. D’où que nous venions, sans failles, sachons-les défendre sans jamais les trahir…
Philippe Val, n’écrit pas que des bêtises, il écrit même plutôt bien:
« Ségolène Royal n’aime pas le Parti, qu’elle veut remplacer par une foule à 20 euros plus sensible à la prédication qu’à la réflexion et à l’expertise, elle évite le Parlement, et oppose le bon sens régional — où la démocratie est censée être plus directe, ce qui, d’ailleurs, est faux — à la complexité nationale — où la démocratie est forcément représentative. Pour elle, chaque problème national doit être réglé par le niveau régional. Par exemple, les prisons sont un scandale d’inhumanité ? Confions leur gestion aux Régions. Les conditions de détention changeront du tout au tout d’une Région à l’autre ? L’égalité républicaine deviendra un vain mot ? On s’en fout.
Par cette attitude vis-à-vis de la représentation, Ségolène Royal est vraiment dans l’air du temps. Les corps intermédiaires font l’objet d’une solide méfiance. Le savoir n’est pas en vogue. La société n’a guère d’estime pour ses professeurs, ses journalistes, ses médecins des hôpitaux, ses magistrats, ses artistes, ses politiques… Elle a tort. Ils sont censés, à divers niveaux, s’interposer entre la violence du pouvoir et le corps du citoyen. Les médias permettent aux démagogues de faire croire que tout irait mieux si on se « parlait en direct ».sans tous ces parasites d’intermédiaires. Cet éloge d’une démocratie plus simple marque, en réalité, le désir d’un pouvoir sans obstacle. La démocratie n’est pas simple. C’est une culture subtile, qui, au contraire, gagne en efficacité à mesure qu’elle gagne en complexité. Le travail des hommes et des femmes politiques consiste, entre autres choses, à nous élever et à nous intéresser à cette complexité. On est loin du compte. »
Avec l’ affaire Siné, un vieux monsieur qui vient de se faire virer de Charlie Hebdo pour avoir écrit des lignes indignes sur Jean Sarkozy, remonte à la surface un antisémitisme à prétention sociale. Celui d’une certaine gauche qui amalgame le Juif à l’argent, à la banque et au capitalisme, et Israël à » l’extermination » des palestiniens, l’Amérique impérialiste de Busch et l’oppression des musulmans. Une « gauche » qui n’hésite plus à s’afficher dans les colonnes de nos grands quotidiens et dans les commentaires de ses lecteurs. Et qui, dans notre histoire, n’est pas sans titres de bassesses. Ainsi Proudhon, le père de l’anarchisme français, écrit-t-il dans ses Carnets (1858 ) à propos de la «race juive»: «Demander son expulsion de France, à l’exception des individus mariés avec des Françaises; abolir les synagogues, ne les admettre à aucun emploi […] Le Juif est l’ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie ou l’exterminer» Et le jeune Marx lui‑même, d’assurer, dans un discours douteux dans La question juive écrite en 1844 alors qu’il séjournait en France: «L’argent est le dieu jaloux d’Israël, devant qui nul autre dieu ne doit subsister» Quant à Jaurès , pourtant déjà acquis à la cause dreyfusarde, il déclare encore, en juin 1898, non sans ambiguïtés : «Nous savons bien que la race juive, concentrée, passionnée, subtile, toujours dévorée par une sorte de fièvre du gain quand ce n’est pas par la fièvre du prophétisme, nous savons bien qu’elle manie avec une particulière habileté le mécanisme capitaliste, mécanisme de rapine, de mensonge, de corruption et d’extorsion. Mais nous disons, nous : ce n’est pas la race qu’il faut briser; c’est le mécanisme dont elle se sert, et dont se servent comme elle les exploiteurs chrétiens.» En pleine crise identitaire et dans un climat d’antisarkozisme haineux, la tentation du bouc émissaire juif ressurgit donc.Et pour la plus grande joie des émules de Maurras et de Drumont, elle vient d’une gauche radicale et intellectuelle qui, malheureusement encore, bénéficie d’un statut d’instance de légitimation idéologique. Sombre temps, les loups arrivent…