Laurent Bouvet a accordé un entretien fleuve à FigaroVox. Il revient sur l’histoire du Parti socialiste et montre sa lente évolution depuis le congrès d’Epinay en 1971 jusqu’au congrès de Poitiers aujourd’hui.
Extrait
La disparition du «parti d’Epinay» est enfin, et surtout, annoncée par la transformation profonde de l’électorat socialiste et son rétrécissement. Ce qui avait fait sa puissance conquérante, c’est-à-dire son adéquation avec des couches sociales dynamiques et sa capacité d’attirer des catégories sociales différentes, n’est plus qu’un lointain souvenir. Le meilleur indice de la fragilité de ce qui est désormais désigné comme un électorat «progressiste» – celui évoqué plus haut dans la fameuse note de Terra Nova et composé de blocs minoritaires identifiés en fonction de tel critère identitaire culturel ou de tel territoire – est la rapidité de sa dislocation face aux exigences de l’action gouvernementale. Cet «électorat» n’existe plus comme socle politique sur lequel bâtir un rapport de force avec la droite ou l’extrême-droite, pas plus que comme refuge en cas de difficulté face à la conjoncture économique. La procédure des primaires, lancée comme une bouée de sauvetage n’ayant finalement servi qu’à entériner, institutionnellement, le processus de dégradation de la sociologie profonde du parti.
Congrès du PS! La toute dernière et la meilleure: après Martine Aubry, Pierre Moscovici vient de signer la motion Cambadélis, qui n’est que la motion Hollande-Valls, version synthèse habituelle et sans autre intérêt que d’éviter « l’éclatement » du PS et la mise en orbite de Hollande pour la présidentielle. Moscovici qui, il y a dix jours, en bon gardien du temple des « bons critères de gestion communautaire », disait de la politique économique du gouvernement qu’elle menait la France « droit dans le mur. » À se tordre dirait Allais: « Et les artilleurs, subitement envahis par le sentiment du devoir, s’appliquèrent à prendre des attitudes décoratives, en rapport avec la mission qu’ils accomplissaient. » (En bordée, du même Alphonse)
Manuel Valls fait des élections départementales celles de la seule lutte contre le FN. Si la menace est sérieuse, on peut néanmoins s’interroger sur le sens politique de sa stratégie. On aurait pu s’attendre, en effet, à ce que le premier ministre, sa majorité, le PS et ses alliés défendent la politique et les actions que le gouvernement met en oeuvre, sous l’autorité de François Hollande. À tort ou à raison, peu importe, sous le quinquennat, les élections intermédiaires valident ou pas la politique de l’exécutif. Il est donc clair que Manuel Valls, en déplaçant, l’axe de la campagne sur le seul terrain de l’affrontement « moral » avec le FN, fait l’amer constat que le combat idéologique et politique sur le bilan gouvernemental, depuis 2012, est perdu.
Deux raisons, au moins, justifient pourtant que l’on mette un terme à ce dispositif qui, dans les faits, n’est que l’organisation d’un clientélisme politique à grande échelle.
Commençons par la plus évidente : le coût exorbitant de sa distribution.
Il faut savoir , en effet, que la réserve d’ un – ou d’une – député , n’est pas une enveloppe financière qui lui serait attribuée, une cagnotte, mais un droit de tirage sur les budgets des différents départements ministériels qui permet à nos députés d’allouer des subventions à divers organismes, et ce en dehors de tout contrôle effectif. Imaginez le nombre et la longueur des circuits, l’énergie et les frais de fonctionnement de l’Etat, pour affecter, par exemple, 890 euros à la « création d’un point d’éclairage afin de sécuriser l’accès à une maison » construite au bout d’une rue de la commune de Ménévillers, 104 habitants. Une aberration administrative et financière d’autant plus coûteuse que l’immense majorité des « réserves » en question financent des opérations qui relèvent de la compétence des communes et des départements. Difficile donc de trouver mieux à supprimer dans la chasse aux dysfonctionnements de notre administration publique.
Mais c’est sur le « fond » de ces pratiques au caractère quasiment féodal que je voudrais attirer l’attention. Comme chacun le sait, ou plutôt, devrait le savoir, un parlementaire n’a pas de mandat impératif : il ne représente ni un territoire, ni les électeurs qui l’ont élu, mais la Nation ; et son travail consiste à élaborer et/ou voter des lois, et contrôler l’action du gouvernement. Or, distribuer, même indirectement, des subventions sur sa circonscription est évidemment contraire à ce vieux principe républicain, pourtant enseigné dans toutes les facultés de droit du pays.
Désolant, donc, que le premier secrétaire d’un parti qui prétend représenter le progrès, la transparence et « faire vivre la République », sous la pression évidente de ses élus, ait retiré de son texte la disparition de cette réserve parlementaire. Mais un geste politique cependant qui en dit long sur le courage et la capacité d’innovation du PS quand il s’agit de toucher au « statut » de ses élus. En cela, force est de constater qu’il ne se différencie guère d’une UMP, qui, sur cette question, en tout cas, ne pense pas autrement…
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