Un avocat lâche tout. Sa femme, sa famille, son confort, sa société bourgeoise et riche. Il veut vivre ailleurs. Plus simple, plus vrai. Dans un quartier pauvre de Paris. Il se trompe. La vérité n’est pas dans les faubourgs. Elle n’est pas dans la bourgeoisie non plus. Elle est nulle part.
Il y a des gens pour qui tout est politique, jusqu’à la manière de se vêtir, de boire et de manger ; de choisir ses auteurs et ses lectures ou de s’asseoir ou pas sur la lunette des WC. Ceux-là donc ne cessent de me faire un peu partout, jusqu’ici, la leçon : mes goûts et dégoûts littéraires, notamment, seraient des actes politiques. Ainsi, que Chardonne et Déon, par exemple, soient rangés dans ma bibliothèque, alors que n’y figureront jamais ni Despentes ni Angot, feraient de moi, né blanc et hétérosexuel assumé, un parfait réactionnaire. Honteusement misogyne de surcroît. Et je serais, pour ces redresseurs (j’allais écrire pleurnicheurs !) de torts, soit un imbécile en suggérant que, contrairement à eux, je suis inconscient de mes actes, soit un hypocrite, en suggérant que je suis complaisant au mal qu’ils dénoncent. Une façon, finalement, de m’imposer leur vision du monde pour m’imposer leur cadre idéologique et leur pouvoir. Ce qui m’amène, presque par instinct, à ignorer ce type d’injonctions et à envoyer paître ceux qui en font, et les présentent, comme les « obligations morales » de notre temps. Aussi, continuerai-je à lire les seuls auteurs susceptibles de nourrir mon autonomie et ma solitude, ma résistance et mes plaisirs (En ce moment, Emmanuel Bove : « Un homme qui savait ». Extrait : « Mais derrière la grande réputation du professeur, il n’y avait rien, ni intelligence, ni fortune, ni bonté, ni noblesse. On s’épuisait à faire son propre chemin, à maintenir des apparences. On attendait plutôt une aide du gendre qu’on ne songeait à l’aider. Sa jeune femme luttait pour tout le monde, avec plus d’ardeur même quand il s’agissait de sa famille. Le professeur était un homme sans valeur profonde, faible, paralysé par une femme qui se croyait continuellement dans l’obligation de tenir un rang. Maurice comprit qu’il ne ferait jamais rien dans ce milieu, qu’il ne serait jamais que le petit protégé d’une famille ambitieuse. Il n’eut plus qu’un désir : retrouver sa liberté. »)
J’avais signalé, il y a peu de temps, ici-même, cette récente, et très soignée, réédition de ce chef d’oeuvre d’Emmanuel Bove (L’Arbre Vengeur): « Mes amis ». Un Bove dont Pierre Assouline dit: « qu’il avait le génie de parler de soi sans parler de lui. On ne fait pas plus discret. Pas la moindre tentation de draper ses réflexions sur les choses de la vie pour en faire des vérités universelles. » Parfois on se croirait dans un album de Sempé. La solitude, « l’énorme et insoluble problème, c’est la solitude. » (in: Mes amis) Je l’ai prêté à Jean Pierre Vialle qui, dans son blog: « Mes belles lectures », y dépose ses impressions de lecteur attentif. Il ne m’en voudra pas de ne pas toutes les reprendre dans ce « Coin lecture » de Contre-Regard.com:
Déjeuner à l’Auberge des Jacobins. Nous y avons nos habitudes. Vanessa est à l’accueil. André est en cuisine. Ils sont jeunes. Ils sont sympathiques. La cuisine est simple. Les prix sont […]
Hier matin, boulevard Gambetta. M… Avec lui, c’est comme ouvrir une radio. Toujours la même musique : ce qui casse, ce qui brûle, ce qui rate. Le reste, ce qui fonctionne, ce qui tient encore debout, […]
Il était assis là, droit comme il pouvait encore l’être. Une doudoune, un souffle un peu court, les gestes comptés. Sur ses genoux, un petit chien. Léger. Silencieux. Les yeux tournés vers la porte, […]
Je croyais que la culture était un bien commun. Une respiration. Je découvre qu’elle est surtout un territoire. À défendre. À verrouiller. Partager :ImprimerE-mailTweetThreadsJ’aime ça :J’aime […]