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Lecture de « Femme de chambre » de Markus Orth…

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Femme de chambre dans un hôtel, après des mois passés en isolement et rééducation dans une clinique, Lynn y satisfait son obsession du nettoyage. Elle chasse la saleté, la moindre souillure réelle ou fantasmée. Sans limites !  Tous les mardis, elle se glisse sous le lit de la chambre 304. Elle observe la face cachée de ceux qui y séjournent. S’insinue dans leur vie. Le soir, elle s’enferme dans une solitude sauvage. Un mardi c’est un homme infidèle qui se paye du plaisir avec Chiara : une belle de nuit, corps et âme en liberté. Elle offrira à Lynn quelques caresses, facturées… «Je voudrais qu’une seule fois quelqu’un soit couché sous mon lit, je voudrais qu’un jour seulement quelqu’un écoute ma vie », songe Lynn. Femme de chambre un roman  saisissant, fiévreux, de  Markus Orth sur la « vérité de ce monde » : « Les choses, dit-elle, ont leur propre caractère. Il y a toujours une moitié qui nous demeure cachée. » À peine  plus d’une centaine de pages lues d’une traite. Un ton, un style, un univers singulier – qui n’est pas sans rappeler celui de Thomas Bernhard. Et Lynn, qu’on ne quitte plus. Longtemps après avoir tourné la dernière page ! Pour ceux qui n’ont pas encore acheté « Chanson douce » de Leila Slimani – prix Goncourt –, j’en recommande la lecture. Ils pourront alors confronter ces deux figures de Louise et de Lynn. Une « nounou » meurtrière et une femme de chambre à la raison chancelante et à l’épreuve de la liberté. Chacun de ces deux personnages augmente la richesse interprétative de l’autre. À l’expérience, pour moi, Lynn est celle qui donne le plus à penser sur les limites de la « vérité »…


Femme de chambre. Markus Orths. Traduit de l’allemand par Nicole Casanova, éd. Liana Levi, 2009, 104 p., 14 €.

Si on se trouve devant une obligation de grandeur, on biaise, on l’évite, on s’écarte …

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Avec des petits trucs pour vivre et des petits trucs pour gagner sa vie, on va au jour le jour. Si on se trouve devant une obligation de grandeur, on biaise, on l’évite, on s’écarte par la tangente. Si on souffre trop, on fait un discours, ou on écoute un discours; car on est peut-être capable d’inventer le truc du téléphone, de la T.S.F. et de l’avion, mais on n’est pas capable de trouver des raisons individuelles de grandeur.

In L’Oiseau bagué. Gallimard/Folio, 1943, p.170.