𝐑𝐚𝐲𝐦𝐨𝐧𝐝 𝐂𝐚𝐫𝐯𝐞𝐫 : « 𝐆𝐥𝐨𝐫𝐢𝐞𝐭𝐭𝐞 », 𝐥’𝐈𝐝𝐞́𝐚𝐥 𝐁𝐫𝐢𝐬𝐞́.

La pluie tombait. J’étais près de la fenêtre. La rue était vide. Des feuilles mortes couvraient la chaussée, mouillées.
Je lisais Carver. Ses nouvelles. Des vies sans apprêts. Elles parlent d’amour. De solitude. D’espoirs rompus.
J’ai posé la liseuse. Je venais de finir Gloriette. L’histoire m’a bouleversé.
On voit Holly et Duane. Ils gèrent un motel. Un lieu de passage. Une vie sans amarre. Sans racines. L’ennui. L’alcool.
C’est leur vie. Leur quotidien. Duane la trompe. La femme de chambre. Un fait simple, brutal.
À la fin de « Gloriette », Holly parle.
Elle parle longtemps. Trop longtemps, peut-être. Mais Carver la laisse faire.
Elle raconte un idéal.
Un couple vieux. Rencontré adolescents. Digne. Fidèle. Aimant encore.
Un futur simple, propre, réglé comme une musique du dimanche.
La gloriette, les amis, la citronnade, les petits-enfants.
Tout ce qu’on appelle une vie réussie.
Et puis elle lâche la phrase qui compte.
Celle qui annule tout le reste.
« Je sais quelque chose aujourd’hui que je ne savais pas à ce moment-là. Oh oui, je le sais ! Quelle chance, hein, qu’on ne puisse pas voir l’avenir. »
Ce n’est pas une consolation.
C’est un verdict.
Parce que si Holly avait vu l’avenir,
elle n’aurait jamais cru à la gloriette.
Ni à la durée.
Ni à la fidélité tranquille.
Ni même à l’amour qui vieillit bien.
Duane ne peux rien dire. Puis il le fait.
« On sera vieux ensemble, tu verras… on rira bien de toutes ces folies qu’on aura faites. Tu verras. Tout ira bien. Holly ? »
Assise sur le lit avec son verre vide, Holly le regarde.
Elle fait non de la tête. Elle sait.
Il n’a rien à répondre.
Le futur a déjà parlé pour lui.
La lucidité arrive trop tard.
Comme toujours.
Carver ne détruit pas l’idéal.
Il montre simplement qu’il appartient toujours aux autres.
Aux morts.
Aux souvenirs empruntés.
𝐑𝐚𝐲𝐦𝐨𝐧𝐝 𝐂𝐚𝐫𝐯𝐞𝐫. 𝐎𝐞𝐮𝐯𝐫𝐞𝐬 𝐜𝐨𝐦𝐩𝐥𝐞̀𝐭𝐞𝐬 𝟏. 𝐄́𝐝𝐢𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐝𝐞 𝐥’𝐎𝐥𝐢𝐯𝐢𝐞𝐫. 𝟐𝟎𝟏𝟎. 𝐊𝐢𝐧𝐝𝐥𝐞.
Mots-clefs : Éditions de l’Olivier, Gloriette, Raymond Carver




