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Lecture de Léon Bourgeois.

 

 

Léon Bourgeois et son solidarisme sont, signe des temps, de retour dans l’actualité des sciences humaines. Pour preuve le dernier ouvrage de Marie-Claude Blais : «  La solidarité. Histoire d’une idée » NRF Gallimard, Bibliothèque des Idées, 2007, 347 p. Si, dans cet ouvrage, M.C Blais se propose de retracer la genèse de cette idée de solidarité, héritage de deux siècles de réflexion sur les rapports entre l’individuel et le social, elle n’insiste pas moins sur ce moment particulier de notre histoire sociale et politique moderne, où ce mot d’ordre de la solidarité fut le slogan des fins de banquet radicaux. En lui, était symbolisé et résumé  le sens d’une « synthèse républicaine », dans sa quête d’une alternative tant à l’individualisme libéral qu’au collectivisme socialiste. Que nous dit Bourgeois ? Que, contre l’anthropologie libérale, l’être ensemble des hommes est une « association solidaire » , un espace d’échange réciproque où chacun reçoit des autres (et leur donne en retour), que d’homme à homme, il y a une dette et qu’elle doit être payée. Par qui ? Par tous ceux qui ont tiré bénéfices des efforts présents et passés de milliers de «  coopérateurs anonymes » pour en faire bénéficier tous ceux qui n’ont pas reçu leur quote-part des richesses engendrées par la coopération sociale. Reste la question de son montant à laquelle la réponse des solidaristes se déduit de la subtile théorie du « quasi-contrat ». Pour eux, si l’Etat, par la loi, peut légitimement instituer une règle de répartition des charges et des avantages sociaux, cette loi ne devra être « qu’une interprétation et une représentation de l’accord qui eût dû s’établir préalablement entre eux s’ils avaient pu être également et librement consultés ». C’est sur ces bases théoriques que repose l’Etat-Providence républicain (1), mais que pointe aussi l’idéal même du collectivisme d’Etat ou celui d’une généralisation de la coopération volontaire entre des individus émancipés politiquement, socialement et économiquement. A ce titre, comme Marcel Gauchet le suggère, cette solidarité socialiste manifeste l’idéal – profondément libertaire, voire libéral – d’un monde sans maître où « la pure socialité, le libre lien consenti entre les individus ont vocation à abolir l’autorité et à réaliser la justice » (Gauchet, La crise du libéralisme, Gallimard, 2007, p.62). Comme l’on voit aussi qu’elle constitue toujours le substrat idéologique de formes contemporaines d’espérance et d’illusions : altermondialisme, autogestion…  Mais sortons des idéaux, pour évoquer un autre problème beaucoup plus concret et actuel posé par le solidarisme. Celui d’une aliénation du plus grand nombre dès lors que les payeurs et les bénéficiaires de la « dette sociale » n’ont pas la connaissance et la maîtrise sociale, politique, morale et intellectuelle de ces transferts. Aliénation qui constitue le fond de commerce de tous les sociaux corporatistes de gauche comme de droite et qui s’est installé dans nos esprits en même temps qu’on y éradiquait les valeurs de mérite et de devoir… Il n’est donc pas étonnant que, dans un contexte politique marqué par une inflation de demande de droits assise sur l’idée de solidarité et la nécessité d’une profonde réforme de l’Etat-Providence, ce genre de littérature fasse l’objet d’un certain renouveau.


(1) le Petit dictionnaire de la charité, édité par le Secours catholique, en 1996, consacre un article à« Solidarité » et à la pensée de Léon Bourgeois, montrant les limites de la charité individuelle et présentant l’auteur de Solidarité comme un des précurseurs de l’Etat-providence…

 

 

Les bourriques du  » Monde « .

 

Dans « Le Monde » d’aujourd’hui un édito anonyme au canon sur « l’exécutif » à propos de l’engagement de troupes françaises supplémentaires en Afghanistan. Le tir visant moins l’envoie de nouvelles troupes que la décision de ne point en débattre, et voter, à l’Assemblée. L’argument principal : «  Il y a un an, durant sa campagne, Nicolas Sarkozy avait estimé que la présence française dans ce pays n’avait pas vocation à se pérenniser. Il a évidemment le droit d’avoir changé d’avis ; à condition de s’en expliquer. Ne pas le faire l’expose au grief de se laisser entraîner dans une « dérive atlantique », à la remorque des Etats-Unis et en rupture avec la stratégie plus indépendante de la France définie par le général de Gaulle. » Magnifiquement et perfidement faux-cul ! Dans la même phrase, on  demande à Sarkozy de s’expliquer devant l’Assemblée,  ce qu’il ne peut pas faire, et, le sachant on lui fait le procès d’être pro-Busch, tout en admettant in fine « que l’intervention en Afghanistan n’est pas sans fondement : approuvée par l’ONU pour chasser le régime des talibans qui protégeait Ben Laden et les organisateurs des attentats du 11 septembre 2001.» Pour conclure, au terme, de cette rhétorique, d’une malhonnêteté intellectuelle confondante que «  Si on le leur expliquait, les parlementaires, comme les citoyens, seraient capables de le comprendre. » Laurent, Ségolène, François ayant entendu les explications de Fillon, il nous faudrait donc en déduire qu’ils seraient incapables de comprendre qu’il est de notre intérêt national d’éviter que se reconstitue dans ce pays une base terroriste capable d’exporter à nouveau la violence dans le monde entier. Ce qui serait vraiment les prendre pour ce qu’ils ne sont pas : des imbéciles, mais qui nous informe, une fois de plus, sur ce théâtre de marionnettes où les spectateurs citoyens sont pris pour des demeurés et les lecteurs du « Monde » pour des bourriques.

Adieu rigueur, bonjour paresse!

 

François Hollande, avec sa rigueur de jugement habituelle, considère que le premier ministre manque de rigueur morale. Plutôt que de gestion sérieuse et économe, il voudrait que François Fillon parlât en effet de plan de rigueur. Ce serait faire preuve de rigueur dans son expression, à défaut dans avoir dans l’exécution de sa politique, nous dit-il. Si le raisonnement est indiscutablement empreint d’une certaine rigueur, suffira-t-il à faire fléchir la rigueur toute protestante de Fillon ? En toute rigueur, j’en doute. Faire preuve d’une certaine rigueur dans la gestion des affaires de l’Etat, ne mettra pas la France et les Français aux arrêts de rigueur. Les rigueurs de la conjoncture sont telles, qu’à l’extrême rigueur, avec un peu moins de dépenses publiques, on peut adoucir la rigueur des prélèvements fiscaux et sociaux. Tout en tenant compte, bien évidemment, des rigueurs de la pauvreté, ce qui, on en conviendra, avec celles du sort méritent quelques délais de rigueur au risque de tomber dans une récession d’une rigueur excessive. La rigueur de l’esprit, en politique, a ceci d’étrange que ce mot de rigueur est devenu imprononçable.Trop âpre, rude, sévère sans doute lui qui exprime si bien la justesse,la cohérence,l’exactitude. Dans ce monde aseptisé et apeuré l’exactitude n’est hélas plus indispensable. Désormais, il nous sera tenu rigueur de traiter avec rigueur de quoi que soit ou de quelque chose avec quelqu’un…Adieu  rigueur, bonjour paresse !

L’illusion de l’échange

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Dans
l’Échange, pièce créée en 1893-1894 et dont l’action se passe en Amérique, Paul Claudel (1868-1955) met en scène une actrice alcoolique, Lechy Elbernon, magnifiquement interprétée, mardi dernier, au Théâtre de Narbonne, par une Nathalie Richard véritablement habitée par ce personnage redoutable d’intelligence qui se joue et se réjouit de l’illusion du désir et de la liberté…

Extrait :

«  LECHY ELBERNON
Je suis actrice, vous savez. Je joue sur le théâtre. Le théâtre. Vous ne savez pas ce que c’est ?

MARTHE
Non.

LECHY ELBERNON
Il y a la scène et la salle. Tout étant clos, les gens viennent là le soir, et ils sont assis par rangées les uns derrière les autres, regardant.

MARTHE
Quoi ? Qu’est-ce qu’ils regardent, puisque tout est fermé ?

LECHY ELBERNON
Ils regardent le rideau de la scène. Et ce qu’il y a derrière quand il est levé. Et il arrive quelque chose sur la scène comme si c’était vrai.

MARTHE
Mais puisque ce n’est pas vrai ! C’est comme les rêves que l’on fait quand on dort.

LECHY ELBERNON
C’est ainsi qu’ils viennent au théâtre la nuit.

……………

MARTHE
L’œil est fait pour voir et l’oreille
Pour entendre la vérité.

LECHY ELBERNON
Qu’est-ce que la vérité? Est-ce qu’elle n’a pas dix-sept enveloppes, comme les oignons ?
Qui voit les choses comme elles sont ? L’œil certes voit, l’oreille entend.
Mais l’esprit tout seul connaît. Et c’est pourquoi l’homme veut voir des yeux et connaître des oreilles.
Ce qu’il porte dans son esprit, – l’en ayant fait sortir.
Et c’est ainsi que je me montre sur la scène.

MARTHE
Est-ce que vous n’êtes point honteuse ?

LECHY ELBERNON
Je n’ai point honte ! mais je me montre, et je suis toute à tous.
Ils m’écoutent et ils pensent ce que je dis ; ils me regardent et j’entre dans leur âme comme dans une maison vide.
C’est moi qui joue les femmes :
La jeune fille, et l’épouse vertueuse qui a une veine bleue sur la tempe, et la courtisane trompée.
Et quand je crie, j’entends toute la salle gémir. »

Comme sur d’autres scènes de la vie…


 

Questions à Georges Frêche et à Midi Libre.

Dans cette interview vidéo, en répondant à la dernière question, Georges Frêche (G.F) nous dit qu’il   » a pris  » un Languedoc Roussillon placé au 23ème rang des régions françaises (faux: il y en a 26, et le classement en question ne concerne que les 22 régions métropolitaines), qu’il est à présent ( nous sommes en 2008!) au 12ème rang (toujours faux : voir ci-dessous)  et qu’il entend l’amener au 4ème (en prenant quel critère? Si c’est l’un des deux premiers, c’est tout simplement absurde).Et la presse régionale, toujours aussi nulle en ces matières, de reprendre ses propos comme paroles d’évangile.

Quant est-il donc exactement.

Constatons d’abord que le critère utilisé, pour le premier classement, est le PIB/habitant, et celui du second le PIB,  l’année de référence étant 2002 (source INSEE).C’est à dire une année où G.F, n’était bien sur pas aux affaires. Et que disent précisément les chiffres de cette période ? En premier lieu, que le PIB du Languedoc-Roussillon, qui représente 3 % de la richesse nationale  situe le Languedoc-Roussillon au 11e rang des régions métropolitaines. Que si l’on prend en compte le PIB par emploi, la région améliore légèrement son rang, passant à la 10e place. Enfin, qu’au niveau du PIB par habitant, la situation se dégrade sous la double influence de la faiblesse du taux d’activité et du nombre élevé de chômeurs plaçant le Languedoc-Roussillon à l’avant-dernière place des régions métropolitaines, juste avant la Corse. Eurostat, en livrant les derniers chiffres disponibles, ceux de 2005, nous apprend même que la Corse nous passe devant pour le PIB/habitant et que nous gagnons une place pour le PIB…

La manipulation est, si je puis dire, limpide et grossière : G.F prend le PIB/habitant de 2002 pour débuter son raisonnement (21ème rang et non 23ème en réalité) et charger son prédécesseur, puis il enchaîne par le PIB de la même année 2002 (11ème rang et non 12ème)  pour illustrer l’extraordinaire performance de sa gestion depuis… 2006!!! Une comparaison avec des indicateurs différents, d’une même année et sur plusieurs années (?!!), s’appuyant sur des stats, au mieux de 2005.CQFD.

Voilà comment la presse est utilisée comme un des vecteurs du plan de communication du président de la Région, concourrant ainsi à la désinformation de ses lecteurs. Autre hypothèse, les journalistes ne font pas leur travail par paresse, « jemenfoutisme », trop de stress, ou incompétence. Peu importe après tout, le résultat est le même. Qui s’en soucie? Personne.

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