Chacun de nous est plusieurs à soi tout seul, … est une prolifération de soi-même…

       

Lu.16.1.2023

« Chacun de nous est plusieurs à soi tout seul, est nombreux, est une prolifération de soi-même (…) Il y a des gens d’espèces bien différentes dans la vaste colonie de notre être, qui pensent et sentent différemment. » Une notation de Fernando Pessoa dans son Livre de l’intranquillité, fort connue et très souvent paraphrasée par nombre d’auteurs après lui. La relisant, je songeais que la cohabitation de ces gens d’espèces différentes en nous est souvent difficile, éprouvante. Tendue, inquiète. Ennuyeuse. La violence aussi parfois s’y glisse. Puis s’estompe, se calme, reflue. Rares sont les moments de paix. Il suffit pourtant de peu de choses. Comme ce matin ce morceau de ciel rouge effrangé au-dessus de la Clape. Il trouait d’épais nuages noirs. C’était beau. Évident. Tous l’admettaient.

 

Illustration : Fernando Pessoa vu par Anna Bak-Kvapil

       

Mes lectures du journal « Le Monde »…

 
 
 
 
 
 
Ma.10.2023
 
Mes lectures du journal « Le Monde »
 
Que je vous dise. Il y a six mois, environ, j’ai souscrit un abonnement à la version numérique du journal « Le Monde ». Cela faisait des années que je ne lisais plus ce quotidien qu’au hasard de mes envies. Alors pourquoi cette décision. Eh ben ! parce que je n’ai l’intention de perdre le contact avec les jeunes générations (et leurs idées) qui ont actuellement le pouvoir dans le monde des médias et des milieux culturels. Une décision qui m’a coûté, je le reconnais, sachant que sa lecture me plongerait quotidiennement et très souvent dans des états psychologiques, moraux et politiques douloureux. Je n’imaginais cependant pas que le prix serait aussi élevé. D’abord, il a fallu que j’achète un dico en ligne pour traduire une quantité invraisemblable d’anglicismes ou d’expressions anglo-américaine dont sont truffés la plupart des articles, surtout ceux concernant les arts, les lettres et le cinéma. Cela fait, j’ai pu me taper et me tape encore les papiers quotidiens de sociologues, de chercheurs ou de témoins, coalisés ou pas, sur toute la gamme des minorités discriminées : racisés, femmes, LGTB +… Aujourd’hui, par exemple, c’était la chercheuse en sociologie, Michal Raz, qui, dans un long entretien, nous explique que « La médecine a pathologisé l’intersexuation ». Et ce « depuis le XXᵉ siècle, quand elle est devenue la police du genre », à la suite d’une politisation de l’anatomie engagée par « les Lumières ». Le tout dans un « contexte de domination masculine et coloniale cherchant à inscrire les différences sexuelles et raciales dans la nature des corps, et à soutenir la supériorité de l’homme blanc. » Évidemment ! Il est interdit de sourire. Je consulte aussi, bien sûr, les rubriques environnement, biodiversité et changement climatique. Là, j’ai pu constater qu’y régnaient des journalistes et des chroniqueurs clairement formés politiquement dans les milieux écologistes, sans leurs systématismes idéologiques et déconstructeurs toutefois. Des textes fréquemment irritants, mais, soyons honnêtes, d’autres parfois bien informés et intellectuellement stimulants. Quant à la politique sociale et la politique tout court, comment y échapper, prédomine enfin, du moins je le crois, une ligne éditoriale que je qualifierais, disons de NUpes modérée. On y semble regretter en effet une union de la gauche de type mitterrandien, mais beaucoup plus verte, et très « éveillée » (woke) en quelque sorte… Un article des « Décodeurs », l’illustre bien, me semble-t-il. Son titre : « Pantouflage : un tiers des anciens ministres d’Emmanuel Macron ont rejoint le privé. » Ben oui ! Sous-entendu : le privé serait encore et toujours l’empire du mal ! À lire nos décodeurs, il serait donc plus moral de les savoir planqués dans une sinécure publique financée par le contribuable : notamment dans un des nombreux corps d’Inspection Générale déjà farcis d’élus ou de collaborateurs d’élus. Ou de rester indéfiniment au chômage ! 
Après ça, vous allez me dire que je suis un brin maso pour m’infliger ces lectures quotidiennes. Qu’elles prennent un temps précieux, que mon estomac doit en pâtir, qu’elles sont inutiles, qu’à mon âge, je devrais jouir de la vie (je ne m’en prive pas, voyons !) … Oui ! C’est vrai ! Mais, au risque de me répéter, je veux, malgré tout, rester collé aux basques de ces jeunes, et moins jeunes gens, qui chaque matin m’adressent leurs prières. Garder un pied dans le monde qui vient ; en mesurer tout ce qui m’en sépare. Car je ne veux pas mourir « vieux con ». Et puis, je m’amuse souvent et apprends, je l’avoue, un « tas de choses ». Tenez ! le supplément Science et Médecine du jour, n’est pas mal du tout…
 
Illustration : dessin à cause duquel le caricaturiste du « Monde » a été censuré…
 
 
 
 
 
 
 
 

Ni vœux, ni vaines résolutions, mes amis !

 
 
 
 
Ni vœux, ni vaines résolutions, mes amis ! Vivez et aimez dans chaque jour ce que vous offre le plus grand des hasards ou l’envie d’en goûter les beautés. D’en éloigner les peurs aussi. Ni vœux, ni vaines résolutions, mes amis ! Marchez de jour ou de nuit, réjouissez-vous d’une rencontre, étonnez-vous d’un sourire, jouissez d’un paysage, écoutez donc le vent, perdez-vous dans les nuages. Ni vœux, ni vaines résolutions, mes amis ! Vivez et marchez dans le présent et le passé, aux côtés de ceux que vous aimez et qui vous aiment. Vivez et aimez la ronde sans fin des jours et de la vie.
 
 
 

Pelé est mort ! J’aimais son sourire…

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Ve.30.12.2023
 
Pelé est mort. Et la planète foot est en deuil ! Que d’émotions sur les ondes et les écrans. On y pleure et sanctifie le roi Pelé. Sans retenue. Ailleurs, des foules expriment leur profonde tristesse. Je ne partage pas cette émotion collective. J’ai le sentiment d’être à côté, décalé. Il est vrai que ma culture n’est pas celle du foot. Je suis plutôt rugby. Ce qui ne m’empêche pas de « vibrer » aux victoires de l’équipe de France. Comme lors de la dernière coupe du monde. Mais sans jamais céder à l’idolâtrie de masse. Les foules en délire me font peur. Elles cachent tant des affaires et des passions qui les exaltent. La mort de Pelé est triste. Certes ! C’était un immense joueur de foot. Et j’aimais son sourire.
 
 
 

Moment de vie dans une petite et belle librairie de centre-ville.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Me.28.12.2022
 
Moment de vie dans une petite librairie.
 
Il était 11 h 30 quand je suis entré dans la petite librairie « Libellis », rue Droite. Une dame capuchonnée y tenait des propos vifs et hachés à la jeune femme qui enregistrait les six ou sept livres de poche de Robert Ludlum posés sur son « plateau de service ». De cette dame capuchonnée, je ne pouvais voir le visage. Et tout dans son apparence était vague et confus. Seule sa voix m’indiquait, peut-être à tort, son supposé genre. Pour tout le reste, un vêtement de pluie informe d’une couleur indéfinie la couvrait des épaules jusqu’aux genoux, veste que prolongeait jusqu’à des chaussures scratchs ouvertes sur des pieds nus, un pantalon de randonnée évasif, mollasson. Dans sa main gauche, un grand sac de course en plastique noir, disons plutôt noirâtre, bougeait au diapason de sa voix forte, saccadée, électrique. La jeune libraire, qu’elle tutoyait, restait cependant impassible sous l’avalanche des propos absurdes qui lui tombaient dessus. Elle lui disait « que la France, non ! le Français est psychologiquement malade… qu’elle ne sait pas où aller… que c’est partout pareil de toute façon… qu’on ne comprend plus rien… Y’a que les livres… et encore… que Robert Ludlum a tout dit, vu et prédit… qu’elle l’a d’ailleurs conseillé à son banquier… ». J’ai fini par perdre patience et l’ai exprimé par quelques soupirs suffisamment appuyés pour me faire entendre. « On s’impatiente derrière moi ? » Ce que j’ai immédiatement confirmé. Tout haut. Mais pour rien. Car d’autres commentaires ont encore fusé sur notamment le génie de Robert Ludlum. Qui m’exaspéraient. Jusqu’à ce qu’elle se décide à régler ses achats, pour s’avancer ensuite vers la sortie, marquer un temps d’arrêt sur le pas de la porte et en profiter pour me regarder gaillardement droit dans les yeux. Ses traits durs et l’extrême pâleur de son visage révélèrent alors un puissant sentiment de colère. À cet instant, j’étais pour elle l’incarnation de la France et du Français psychologiquement malade. Ignorant de surcroît les Lumières de Robert Ludlum. Et les siennes… Le temps d’une petite respiration, j’ai pu enfin commander le livre de Fleur Jaeggy : « Je suis le frère de XX. » Comme souvent, c’est deux, trois phrases lues au hasard d’un texte de critique littéraire que l’envie soudain me prend d’en connaître un peu plus sur l’auteur cité. Ce matin, sur le coup de 9 heures, j’étais tombé sur celles-ci, sur la page Facebook de Jean-Louis Kuffer :
« Il neigeait. On aurait dit depuis des années. Dans un village désolé du Brandebourg, un enfant crie avec un mégaphone un sermon de Noël ». Il n’en fallait pas plus pour que je me précipite vers la petite librairie « Libellis » de la rue Droite. À deux pas de chez moi. Il était 11 h 30 quand j’y suis entré…