C’est avec son petit appareil photo pour enfant à tirage instantané que Mila est venue chez nous ce matin. Pourquoi ? Nous n’en saurons rien. Il a donc fallu prendre la pose quand elle nous le demandait. Coïncidence troublante, j’ai regardé hier soir sur Netflix, Kodachrome. Dans ce film de Marc Raso, Ed Harris (formidable !) joue le rôle de Benjamin Asher Ryder, un photographe célèbre en phase terminale d’un cancer du foie. « Pourquoi la photographie ? Pour arrêter le temps ! » dit-il à son fils Matt, abandonné très jeune à la mort de sa mère et confié à son oncle paternel et sa tante jusqu’à la fin de ses études universitaires. Ils sont alors sur la route, dans la décapotable rouge de Ben, en direction du Kansas, jusqu’au dernier laboratoire traitant encore les films Kodachrome (Dwayne’s Photo, à Parsons). Ben y mourra le lendemain de son arrivée. Mais il aura eu le temps d’y faire développer ses pellicules Kodachrome datant de plusieurs dizaines d’années. Celles des années heureuses. Les siennes, celles de Mat et de sa mère. Celles de l’enfance de leur vie commune. Des pellicules précieusement conservées par Ben et développées le jour même de sa mort. Quelques jours plus tard, Mat visionnera ces photos sur un grand écran dans l’appartement d’artiste de son père…
En nous quittant, Mila a laissé derrière elle quelques photos. Elles rejoindront bientôt celles que nous avons rangées au fil des ans dans une vieille valise en carton. Là, au fond de la plus haute étagère d’un sombre placard.
J’ai pu constater ce matin encore sur mon fil d’actualités de trop nombreux « indignés » de la politique, de la culture et du reste. J’ai aussi remarqué, chez ces derniers, un suivisme compulsif, pour ne pas dire pathologique, des polémiques et des outrances du moment. Un moyen finalement assez commode, songeai-je, pour attirer le maximum d’attention sur soi et sa page : le marché des « idées » étant dominé par des frustrations, des peurs et des violences de toutes sortes. Un souci narcissique de distinction finalement qui, paradoxalement, pousse et renforce la visibilité sociale de tel fait ou de telle opinion déjà largement promu sur les médias traditionnels et les réseaux sociaux. Loin donc d’un affranchissement des opinions et des pensées communes, j’ai l’impression, en lisant, survolant plutôt, ce genre de commentaires, de lire, sous des formes différentes, certes, un seul et même texte. Ce qui est lassant, et, pour tout dire, ennuyeux ! Comme ces images de voyages ou de dîners d’une extrême banalité ostensiblement présentées et commentées par leurs auteurs comme l’expression de moments uniques et merveilleux…
Extrait tiré de l’article signé Milan Kundera « L’inimitié et l’amitié » :
« Dans notre temps on a appris à soumettre l’amitié à ce qu’on appelle les convictions. Et même avec la fierté d’une rectitude morale. Il faut en effet une grande maturité pour comprendre que l’opinion que nous défendons n’est que notre hypothèse préférée, nécessairement imparfaite, probablement transitoire, que seuls les très-bornés peuvent faire passer pour une certitude ou une vérité. Contrairement à la puérile fidélité à une conviction, la fidélité à un ami est une vertu, peut-être la seule, la dernière.
Je regarde la photo de René Char à côté de Heidegger. L’un célébré comme résistant contre l’occupation allemande. L’autre dénigré à cause des sympathies qu’il a eues, à un certain moment de sa vie, pour la nazisme naissant. La photo date des années d’après-guerre. On les voit de dos ; la casquette sur la tête, l’un grand, l’autre petit, ils marchent dans la nature. J’aime beaucoup cette photo. »
J’aime regarder les gens. Je suis attentif à leur façon de bouger et de se déplacer ; à leurs gestes et leurs démarches. À leurs visages surtout. Qui traduisent souvent leurs pensées, leurs émotions. Des visages qui deviennent, les années passant, le reflet de leurs vies. Bonnes ou mauvaises. J’en croise chaque jour des dizaines, dans la rue. Beaucoup sont penchés sur les écrans de leurs téléphones. Ceux-là ont le sourire banal ou béat. Parfois vulgaire ou insolent. D’autres sont perdus dans leurs pensées. Leur visage semble figé, triste ou mélancolique. Au contraire de ce visage souriant croisé ce matin. Celui d’une dame inconnue qui hier encore tenait par la main une personne plus âgée au visage tendu par la fatigue et les douleurs. Lors de nos quotidiennes rencontres, nous échangions un sourire de politesse. Aujourd’hui, son visage n’était pas tourné vers le mien. Il souriait dans le vide. Aux anges, dit-on. J’ai souri aussi. Sans raison. C’est Camus qui écrivait : « Au-delà d’un certain âge, tout homme est responsable de son visage. »
J’ai des centaines d’amis virtuels sur Facebook. Je ne peux évidemment pas lire tout ce qu’ils publient sur leurs pages. Le rejet du blablabla et de la répétition, mes goûts ont fini par en sélectionner quelques-uns. D’autres aussi lisent mes textes sans que je le sache, et certains, souvent les mêmes, réagissent à mes publications. Finalement, ce commerce quotidien que j’entretiens avec ces derniers et le cercle de ceux que je fréquente régulièrement leur donne à tous un semblant de réalité. Jusqu’à m’inquiéter de leur silence. Pour apprendre un jour le suicide virtuel ou la mort réelle de l’un deux. Je sais alors qu’il va me manquer. Comme peut nous manquer un ami de chair dans la « vraie vie ».
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