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La voix de Joseph Cameron, tendre et ferme à la fois, toujours la bouleversait. Marie avait le sentiment à l’entendre, que rien en mal ne pouvait l’atteindre. Trois mots de Jo, et la morale commune, le souci des convenances sociales , la peur n’exerçaient plus aucun pouvoir sur ses intentions, comme sur ses actes.
Imperturbable, Joseph s’était levé sans chercher à comprendre d’où provenait ce vacarme. Il connaissait son auteur ! Dans le mouvement, il fit deux pas , sans émotions particulières, et rangea son petit récipient en verre sur le rebord de la fenêtre. En se retournant, il vit Boris, figé dans l’entrée. Ses cheveux blonds, drus et bouclés, « en bataille », frôlaient le linteau du chambranle en bois mouluré.
Assise sur un banc encastré dans un des murs du hall, Marie laissait par moments son esprit vagabonder. Sa lucidité en dépendait. À cette heure matinale, la lumière froide des néons creusait d’ombres son beau visage.
7 heures du matin. Il fait nuit et froid. Le vent souffle par rafales. Les toits métalliques qui couvrent les quais de la gare de N… font un bruit épouvantable. Une lumière jaillie de nulle part voile d’un jaune pale, brumeux et sale, cette architecture vibrante de tôles et d’acier. Sous la grande horloge, était un homme vêtu d’un long manteau noir. Parfaitement immobile. À ses pieds, une grande valise d’un autre siècle. Un train annoncé par une voix artificielle s’arrête sur son quai dans un grincement continue de ferraille ; pour repartir quelques minutes après. Sans lui. Sans cet homme au long manteau noir. Plus tard, beaucoup plus tard, deux hommes l’approchent, le serrent de près ; sans aucune réaction de sa part. Tous trois se dirigent ensuite d’un pas égal vers la sortie. Calmement. Dehors, une voiture blanche, portières grandes ouvertes, les attend. Sur le quai numéro 1, reste une grande valise…