Chronique du Comté de Narbonne.

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Hier enfin de tes nouvelles, mon oncle. Je connais la lenteur des malles- postes en ces temps où le Royaume grelotte sur les côtes normandes     et étouffe sur les plages languedociennes, mais j’étais loin de penser qu’il eût fallu 21 jours à l’administration des postes pour que j’apprenne ton arrivée prochaine dans notre cher Comté. Le rythme estival de François de Gouda, qui s’en revient du fort de Péperçon où il s’est  reposé trois semaines de trois mois à peine de ces premiers travaux royaux, deviendrait-il la règle dans le fonctionnement des services publics ? Je remarque incidemment qu’il n’est pas une  seule profession dans ce royaume où le nombre de jours de repos payés soit égal à ceux qui furent travaillés. Pour l’apôtre de la normalitude dans l’exercice du pouvoir, tu conviendras, mon oncle, que notre jeune Roi à de sérieux progrès à faire. Il est vrai, à sa décharge, que sa vie professionnelle fut anormalement courte et que la haute fonction publique dans laquelle il exerçât s’exonère de biens des contraintes du monde des entreprises. Intuitivement, j’ai le sentiment, mon oncle que cette façon d’être et de faire est en train de sérieusement énerver bon nombre de ses sujets : ceux là mêmes qu’excitait pourtant le comportement enlevé et baroque de son prédécesseur. Et je fais le pari que, dans peu de temps, la comparaison des tempéraments et des actions va bénéficier à ce dernier. La côte de Manolo Valsez, qui vient de procéder à l’évacuation musclée d’un camp de nomades roumains en utilisant des méthodes mises au point par l’ex-ministre Gaiement me semble le justifier. Tu auras aussi noté que les gazettes ne trouvent plus rien, ou presque, à redire à ce qui fut considéré du temps de feu Tarkoly comme proprement criminel. Ainsi vont les affaires du monde, mon oncle, quand le parti rosien les gouverne : il n’est  de vilenies qu’à droite, les mensonges et l’indignité, à gauche, n’étant que pour le bien de l’humanité. Combien de temps encore règnera dans les esprits d’une large partie de l’opinion cette présomption d’innocence? Espérons que les cinq ans qui viennent se chargeront d’en faire éclater l’arrogante mystification. Dans le Comté, c’est en partie fait depuis que le sieur Labatout a décidé d’armer sa police, de multiplier les lunettes de surveillance, et de mettre à pied un de ses employés qu’il soupçonne de « tauper » pour les gazettes locales. Le Tirelire s’en émoie et tous les nouvellistes du Royaume se font l’écho de cette tentative de museler la presse qui, chez nombre de beaux esprits, ne pouvait germer que dans les consciences d’un parti bleu, évidemment ! Et d’avancer des raisons pour la justifier que nos rosiens contestent dans leur principe même à leurs adversaires. Que je dise aussi, mon oncle, que ton ami,  l’ex-journaliste Patrick de la Natte, dans le passé si sourcilleux sur la liberté d’informer, n’a pas encore démissionné de sa charge de propagandiste en chef que lui a confié tantôt en grandes pompes le Comte de Labatout. Ne lui reste plus désormais qu’à couper sa petite queue de cheval pour symboliquement entrer dans une normalité répressive qu’il présentait jadis du temps du sieur Lemonyais, qui ne fit jamais rien de la sorte, comme une démoniaque pathologie. Exemple contemporain et comtal d’une éternelle loi qui fait de la transgression d’une norme une vertu dans l’opposition à tout pouvoir et un vice pour ceux qui l’exercent.

Demain commence le « Festival Charles Trenet », mon oncle ! Je ne t’en dirai mots ce soir, il se fait tard. Quelques paroles seulement d’une de ses amusantes chansonnettes pour terminer cette lettre et te souhaiter le bonjour quand elles te viendront aux lèvres sur un air que tu connais bien : «  Que s’est-il donc passé depuis l’an dernier ? Vous m’aviez vu bien habillé Et d’puis c’temps-là, si je n’suis plus aussi chic, C’est qu’voyez-vous, il y a un hic…  

 

 

 

Chronique du Comté de Narbonne.

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Mardi 17 juillet de l’an 2012

Cher parent !

Si j’en crois ta dernière lettre, les dieux de la météo boudent notre bon roi François et déversent des trombes d’eau sur ses cheveux teints à chacune de ses sorties ; il paraît même qu’un « homme volant » s’est écrasé à ses pieds lors de la dernière fête royale. S’il n’y prend garde, c’est le ciel qui un jour lui tombera sur la tête. Ce que craignaient le plus au monde nos ancêtres gaulois qui, demain, vont se retourner dans leurs tombes narbonnaises. Les romains vont entrer dans la ville, mon oncle ! Enfin, des quidams déguisés en légionnaires et conduit par un César qui, dans la vie civile, exerce, paraît-il, le téméraire métier de poissonnier. Ce sera un plongeon « dans l’histoire de nos racines », nous dit artistiquement la feuille qui présente cette célébration d’un temps où Narbonne fut grande. Et pourquoi pas un double salto ? Et moi qui naïvement pensais que ton ami Patrick de la Natte veillait désormais à ce qu’on ne blessât point notre langue dans les publications comtales! Des danseuses et des gladiateurs feront donc les pitres sur la place du Château, te disais-je, alors que d’envahissantes caravanes de bohémiens occupent illégalement depuis hier mails et prés de Gruissan. Le Prince, dit le petit, en avale de rage et de désespoir (oh !) son épée, et repart à l’assaut de Labatout et du Comté tout entier. A commencer par un envoi de factures de portes fracturées et de gazons endommagés par ces pacifiques pèlerins. Et voilà que la guerre des roses prend désormais des  airs de fandango où chacun tente de se refiler les sauvages campements de nos pittoresques « gens du voyage ». A ce propos, j’ai le souvenir d’un marquis rosien qui, s’en rire, lors d’une réunion alors présidée par le duc de Lemoyniais du temps de sa gloire, proposait généreusement d’accueillir ces familles nomades en des terres inondables administrées par le sieur Vladimir Oulianov Plavich. Par charité chrétienne, j’en tairai le nom, comme je m’interdis de citer tant d’autres énormités jaillies de ces bouches qui, tous les jours, font pourtant orgueilleusement profession de vertu, et de justice. J’en ai  encore de plus grossières, que j’ai soigneusement notées dans un carnet qu’à l’occasion je publierai.

A part cela, mon oncle, qui démontre, s’il le fallait, que les vraies vertus répugnent à l’ostentatoire, il fait chaud. Très chaud ! Les « touristes » se baladent en marcel et culottes courtes, le nez dans des cornets colorés de glaces italiennes. Le regard vide, ils portent leur ennui comme on subit les dimanches. Parfois, un éphémère et discret sourire éclaire le visage d’une élégante inconnue croisée au hasard d’une rue. On ne voyage jamais qu’avec soi même, mon oncle ! A bientôt de te lire.

 

Ton neveu !

Chronique du Comté de Narbonne.

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Lundi 1 juillet de l’an 2012,

Hé bien, mon oncle ! nous voilà donc, enfin, dans la gestion des affaires du Royaume. Notre bon roi François, qui nous avait promis de fesser l’opulente Mèrequel, s’en revient de Belgique avec quelques petites pincées d’écus pour relancer une hypothétique croissance et de grosses mesures d’austérité pour diminuer nos  déficits publics.

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