Extrait de mon eBook : Marée basse marée haute de J.B Pontalis.

Photo: Julien Pascual

Photo: Julien Pascual

Le commandant

« C’est une plage très appréciée des estivants, surtout des familles. Elle n’est pas très grande. Légèrement incurvée, cernée par des rochers, à l’abri du vent, elle ignore les vagues puissantes, les rouleaux de l’Océan. Son sable est fin. Les enfants, nombreux, y courent dans tous les sens, vont vers l’eau, en reviennent, se bousculent, se lancent du sable, alors les parents crient « Arrête ! » et les enfants recommencent à courir, à crier dans une excitation croissante.

Adossé à un rocher, à l’extrémité de la plage, un vieil homme les regarde. Il reste là des heures, solitaire, silencieux. Tous sur cette plage sont entourés de sacs, de serviettes, de crèmes solaires, de parasols, de râteaux, de pelles. Le vieil homme n’a à ses côtés qu’une canne. Tous sont en maillot de bain, lui porte un pantalon de toile blanche, est coiffé d’un panama. Parfois, il ouvre un livre mais, le plus souvent, il regarde la mer et les enfants excités qui courent, s’ébattent, se renversent sur le sable.

Son regard scrute l’horizon, se perd dans le lointain, puis revient vers le plus proche, les cris des enfants. Il entend des prénoms qui ne lui sont pas familiers : « Vanessa, enlève ton maillot mouillé, Timothée, ramasse tes jouets, dépêche-toi Raphaël, arrête d’embêter ta sœur. »

À la fin de la journée, il quitte son rocher et s’en va, aidé de sa canne. Son équilibre est incertain mais il se tient bien droit, l’homme élégant. Au bout d’un moment, il s’arrête pour respirer un bon coup avant de reprendre sa marche avec précaution afin d’éviter les cailloux qui encombrent le chemin.

Où va-t-il ? On ne sait trop. Dans une maison qu’il aurait un peu plus loin ? Chez des amis ? Peu probable, il n’est jamais accompagné quand il vient sur cette plage où il n’y a que des enfants et de jeunes couples. Oui, il n’y a qu’un vieux, et c’est lui.

Chronique de Narbonne, et d’ailleurs. Premier marché aux truffes; et tartuffes du lieu!

C’était dans l’air depuis plusieurs mois, c’est désormais une certitude : le premier marché aux truffes de Narbonne aura lieu sur la place de l’Hôtel-de-ville le samedi 14 févrierTartuffe-3. Une consécration pour tous les Tartuffes du lieu! On l’a oublié depuis, mais on disait du temps de Molière, truffer, pour, tromper, dont on avait fait le mot truffe, qui convenait très bien à cette espèce de fruit, par la difficulté qu’on a à le découvrir.

Chronique de Narbonne et d’ailleurs. Mon céleste clochard et la vulgarité de notre monde…

 

imgresDes années que je ne l’avais pas croisé dans les rues de Narbonne, mon « céleste clochard ». Il porte toujours son élégance naturelle! Cet hiver-là, il avait élu domicile dans l’entrée de l’ancien magasin de chaussures Gagnoud. En quelques jours, il l’avait transformé en un «confortable» abri  tapissé de plusieurs couches de cartons, du sol au plafond. Ses collègues « sans-domicile-fixe » venaient régulièrement lui rendre visite. Des jeunes surtout! De ma fenêtre, tous les matins, je l’observais. Vers les 9 heures, il sortait de son refuge et ses premiers gestes étaient pour son chien.

De la société, des niches, des grands et des petits …

 

Après une soirée passée aux « Universités Nomades » (1) où j’étais invité, en compagnie de Stéphane Kowalczyk et de Thierry Gomar, à  « plancher » sur le thème : Le blogueur comme descripteur du langage institutionnel, et au hasard de quelques pages numériques lues juste avant la naissance de ce nouveau jour, ceci:

41IzSD6VsIL._AA278_PIkin4,BottomRight,-55,22_AA300_SH20_OU08_Qu’est-ce que la société quand la raison n’en forme pas les noeuds, quand le sentiment n’y jette pas d’intérêt, quand elle n’est pas un échange de pensées agréables et de vraie bienveillance ? Une foire, un tripot, une auberge, un bois, un mauvais lieu et des petites maisons ; c’est tout ce qu’elle est tour à tour pour la plupart de ceux qui la composent.

On peut considérer l’édifice métaphysique de la société comme un édifice matériel qui serait composé de différentes niches ou compartiments d’ne grandeur plus ou moins considérable. Les places avec leurs prérogatives, leurs droits, etc., forment ces divers compartiments, ces différentes niches. Elles sont durables et les hommes passent. Ceux qui les occupent sont tantôt grands, tantôt petits, et aucun ou presque aucun n’est fait pour sa place. Là c’est un géant, courbé ou accroupi dans sa niche ; là c’est un nain sous une arcade ; rarement la niche est faite pour la stature ; autour de l’édifice, circule une foule d’hommes de différentes tailles. Ils attendent tous qu’il y ait une niche de vide, afin de se placer, quelle qu’elle soit. Chacun fait valoir ses droits, c’est-à-dire sa naissance, ou ses protections, pour être admis. On sifflerait celui qui, pour avoir la préférence, ferait valoir la proportion qui existe entre la niche et l’homme, entre l’instrument et l’étui. Les concurrents même s’abstiennent d’objecter à leur adversaire cette disproportion.

Inutile de rajouter quelques commentaires…

(1) Reportage photographique de Philippe Taka, en lien en cliquant sur (ici)

La fourmi, l’araignée et l’abeille de Francis Bacon

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Allez donc savoir pourquoi, je trouve cette petite fable philosophique de circonstances!

Les philosophes qui se sont mêlés de traiter des sciences se partageaient en deux classes, savoir: les empiriques et les dogmatiques. L’empirique, semblable à la fourmi, se contente d’amasser et de consommer ensuite ses provisions. Le dogmatique, tel que l’araignée, ourdit des toiles dont la matière est extraite de sa propre substance. L’abeille garde le milieu; elle tire la matière première des fleurs des champs et des jardins; puis, par un art qui lui est propre, elle la travaille et la digère. La vraie philosophie fait quelque chose de semblable; elle ne se repose pas uniquement ni même principalement sur les forces naturelles de l’esprit humain, et cette matière qu’elle tire de l’histoire naturelle, elle ne la jette pas dans la mémoire telle qu’elle l’a puisée dans ces deux sources, mais après l’avoir aussi travaillée et digérée, elle la met en magasin. Ainsi notre plus grande ressource et celle dont nous devons tout espérer, c’est l’étroite alliance de ces deux facultés: l’expérimentale et la rationnelle….