Chez ma boulangère, on trouve aussi de bons livres …

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Chez ma boulangère et mon boulanger, j’y achète les meilleurs pains de Narbonne et de ses environs. Je vous l’ai déjà dit lors d’une précédente chronique, et n’insisterai donc pas au risque de paraître un peu trop complaisant.

Ce n’est pas la qualité de leurs viennoiseries que je voudrais aujourd’hui vanter, ni celle de leurs pizzas ou de leurs quiches! Non, c’est plutôt du petit tas de bouquins que l’on trouve en entrant sur sa droite dont il sera question: un hétéroclite dépôt de livres  alimenté par d’anonymes donateurs  ! 

Ce matin donc, figurait en bonne place une histoire de l’archéologie à couverture jaune de la collection « Que sais-je », quelques polars de France-Loisirs, un  « poche » de Benoîte Groult, et d’autres encore dont j’ai oublié les titres et les auteurs. Et au milieu de cet ahurissant assemblage, une superbe image, une de celles que nous offre habituellement la maison d’édition « Actes Sud ». En l’occurence celle de la page de couverture d’un ouvrage et d’un auteur qui m’étaient jusqu’alors inconnus.

l’Épictète du jour !

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« Un homme de grande considération, aujourd’hui préfet de l’annone, revenant d’exil et s’en retournant à Rome, vint me voir. Il me fit une peinture affreuse de la vie de la cour ; il m’assura qu’il en était dégoûté, qu’il ne s’y rengagerait pour rien au monde, et que le peu de temps qui lui restait à vivre, il voulait le vivre en repos, loin du tumulte et de l’embarras des affaires. Je lui soutins qu’il n’en ferait rien, qu’il n’aurait pas plus tôt mis le pied dans Rome, qu’il oublierait toutes ces belles résolutions, et que, s’il trouvait à se rapprocher du prince, il en profiterait aussitôt. Et lui, en me quittant, me dit : « Épictète, si vous entendez dire que j’aie mis le pied à la cour, dites que je suis le plus grand coquin du monde. » Qu’arriva-t-il ? A quelque distance de Rome, il reçut des lettres de César. Il ne se souvint plus de ses promesses ; le voilà à la cour plus avant que jamais, et voilà ma prédiction accomplie… « Que vouliez vous donc qu’il fît ? me dit quelqu’un. Vouliez-vous qu’il passât le reste de ses jours dans l’oisiveté et dans la paresse ? » Eh ! mon ami, penses-tu qu’un philosophe, qu’un homme qui veut avoir soin de lui-même soit plus paresseux qu’un courtisan ? Il a des occupations plus importantes et plus sérieuses. »

Extrait de : Épictète. « Pensées et Entretiens. » iBooks.

l'Épictète du jour !

De Cyril Northcote Parkinson : « Tout travail tend à se dilater pour remplir tout le temps disponible »

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Alexandre Moatti est le directeur de la publication science.gouv.fr et l’éditeur du site bibnum . Il est aussi un ami  qui , récemment, me disait préférer Cyril Northcote Parkinson à Auguste Detoeuf . Un Detoeuf et son célèbre  « Propos de O.L.Barenton, confiseur » (Éditions du Tambourinaire, Paris, 1951), qui m’avait été offert par un de ses collègues ingénieurs en chef des Mines, quand j’exerçais au Ministère de l’Industrie . Un recueil de maximes sur la vie des affaires qui a connu un succès comparable à celui du célébrissime Parkinson. Dutœuf était, précision utile, un ingénieur polytechnicien qui sur le tard de sa vie a entrepris de philosopher avec humour sur son expérience des affaires. 

Pour vous donner une idée du personnage, voici quelques unes de ses «  pensées  :  «  Il n’y a de bonne politique que celle du juste milieu. Le difficile n’est que de savoir où il est.  p.32 . De quelque façon et par quelque moyen qu’on décompose une collectivité en groupes (choix, ancienneté, examens, concours, tirage au sort), dans les divers groupes, la proportion des imbéciles est la même. p.137 . Beaucoup de médiocres réussissent. La médiocrité rassure… Et d’autres sur ce site : au fil de mes lectures .
Sur le conseil d’Alexandre, je suis donc allé voir ce qu’en dit Claude Riveline   de Parkinson ! ( texte intégral dans le fichier joint , que je vous laisse découvrir) . Un Parkinson plus proche de Rabelais et de Courteline , lui aussi , que le même Riveline fait pourtant lire depuis toujours à ses élèves de l’École des mines, fonctionnaires du Corps des mines et ingénieurs civils, dans le cadre de ses enseignements de gestion. C’est dire le sérieux avec lequel Riveline prend ces deux auteurs ! Comme cette loi de Parkinson en témoigne, pour lui donner raison :
 «  Tout responsable dans une entreprise a le sentiment d’être débordé et ne cesse de réclamer une aide pour le décharger d’une partie de son travail. » de sorte que :   «   tout responsable souhaite multiplier ses subordonnés et non ses rivaux, il préfère qu’on lui adjoigne un subordonné ce qui lui conférera autorité et prestige plutôt qu’un égal qui peut se transformer en rival. »
 Si, de surcroît, on considère que «Tout travail tend à se dilater pour remplir tout le temps disponible », il advient que tout responsable est de nouveau « surmené » et réclame un subordonné supplémentaire; et , par répercussion en cascade de ces deux lois , Parkinson conclut à la pléthore des effectifs ( qui croissent par multiplication spontanée ) ainsi qu’à leur inefficacité ( puisque le travail nécessite plus de temps et plus de personnes ).
Il suffit d’observer l’évolution des effectifs des fonctionnaires dans l’ensemble de nos fonctions publiques pour constater les profondes vérités des lois de cet honorable et facétieux Cyril Northcote…
Avant de vous plonger dans le texte de Claude Riveline, une dernière maxime d’ Auguste Detoeuf  «  Réfléchir. – Attendre quelques jours avant de ne pas changer d’avis. »  

Ce matin une amie est partie . A Dios, Dodo !

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Elle nous a quitté ce matin Dodo! Dieu qu’elle était belle … Je la revois encore devant les arènes de Béziers un après midi de Féria. À ses côtés Henri. Plein soleil d’août! Droite, élégante … Ses yeux verts et son sourire, si bienveillants! Que dire de son courage face à la maladie et la mort. Sans trembler, elle les a combattues. Digne, élégante. De verdad! Comme elle aimait qu’on combattît  » los toros « . Avec sincérité et noblesse. Elle aimait passionnement l’Espagne et son Andalousie. Un amour que nous partagions. Celui d’une terre où le tragique de la vie se conjugue avec la quête du beau  » geste « . Toujours et en toutes circonstances! À Séville, le plus beau compliment que l’on puisse faire à une dame croisée dans la rue se dit ainsi: « Que altura! ». Il dit tout du respect  que l’on doit à ce don d’exprimer  la beauté d’un corps et d’une âme. Dodo, l’avait! Elle rayonnait; elle rayonne toujours, comme ce matin dans la petite église Saint Bonaventure. Nous y sommes entrés  sur un Ave Maria « con sevillanas ». La grâce d’un dernier geste, bien dans sa manière. A Dios, Dodo !

La Franc Maçonnerie en question de Serge Moatti et Alice Cohen !

 

Dans le cadre de l’excellente émission « Le Monde en Face » animé par  Carole Gaessler,  France 5 nous a proposé,  mardi 29 avril à 20 heures 35 un documentaire de Serge Moati intitulé « Mes questions sur la franc-maçonnerie ». Un documentaire d’une heure, pour une fois bienveillant et distancié, loin des fantasmes habituellement vendus chaque année par des hebdomadaires en panne d’inspiration et de trésorerie ;  mais cependant assurés de forts tirages lors de la publication de ce genre de  » marroniers  »  . Cette  » coupe  »  dans une institution , il est vrai  » discrète  » , aura  sans doute permis , à ceux qui s’interrogent sincèrement sur son rôle et son utilité dans une société comme la nôtre , de se faire une opinion pour une fois débarrassée de préjugés aussi ridicules , parfois , que , souvent, pour ne pas dire toujours, infondés .

La personnalité de Serge Moatti, fils et petit fils de maçons , qui fut franc-maçon lui même dès l’âge de 18 ans jusqu’en 1982 , est sans doute pour beaucoup dans cette présentation très équilibrée , mais sans concession . Ni de forme, ni de fond ! Sans rien cacher de pratiques et de moeurs qui  » font débats  » dans une époque où la transparence en tout domaine est portée au rang des plus hautes vertus démocratiques, il a su, dans ses entretiens avec des personnalités aux parcours sociaux, intellectuels et politiques très différents, bien montrer la diversité et la richesse d’une maçonnerie française rassemblant aujourd’hui 160 000 «frères» et «soeurs» , contre 70 000 «initiés» en 1989.

 

De cette petite heure, je retiens, pour ma part, trois moments .

Ce face à face entre Serge Moatti et Daniel Keller tout d’abord, en fin d’émission. Deux physionomies, deux sensiblités, deux intelligences, deux manières même si je puis dire, de se tenir … devant la caméra, ! Et cette remarque en particulier de Moatti interromptant Keller , qui faisait observer, à juste titre, que la maçonnerie n’était pas un « ertsaz de religion « , qu’elle n’était pas non plus un  » ertsaz  » de parti politique. En un condensé saissisant , se donnait ainsi à voir et à entendre deux manières de vivre l’engagement maçonnique. : spiritualité et perfectionnement de soi pour l’un, débat sociétal et engagement dans la cité pour l’autre…

La discussion entre le même Moatti et l’ancien procureur Eric de Montglofier ensuite sur le si commenté  » secret maçonnique  » . Qui fit tomber un certains nombre de lieux communs, tout en mettant en évidence ce qu’une certaine pratique de la  » solidarité  » entre  » frères  » pouvait avoir de répréhensible, voire de contradictoire avec les codes en vigueur qui régissent et garantissent le bon fonctionnement de nos institutions.

L’exemple de la justice était de ce point de vue particulièrement éloquent. Là encore, c’est  la responsabilité de chacun devant sa conscience de citoyen, mais aussi de maçon, qui était interrogée. Nullement en opposition, il ressortait de cet échange , c’est aussi ma conviction, que les exigences de l’une comme de l’autre impliquait de savoir dire non dès lors que des principes comme celui de la solidarité entre  » frères  » étaient mobilisés pour d’autres motifs que ceux permettant de venir en aide à ceux qui seraient dans la difficulté ou la détresse financière, morale ou psychologique.

Enfin, dernier moment, ou plutôt derni!ères paroles retenues. Celles, nettes et érudites de Roland Dachez tout au long de cette l’émission qui, sans pathos, a , entre autres   » cassé  » le mythe selon lequel la maçonnerie serait aujourd’hui, par sa production intellectuelle et ses actions, au coeur de l’évolution politique et sociale de nos sociétés. Si elle le fut, sous la troisième république notamment, elle ne l’est plus et on ne voit pas comment ni pourquoi elle y reviendrait…

On pourra me reprocher d’avoir laisser de côté d’autres moments et d’autres questions soulevées par cet excellent documentaire, mais la place ici me manque pour de trop longs développements. Reste la possibilité pour tous de revoir , ici en ligne, la vidéo de cette émission . Ainsi chacun pourra élargir ma  » focale  » et se faire sa propre opinion …