Une couillonnade corrézienne.

C’était, c’était quand au fait ? Hier, aujourd’hui, il y a un siècle ? Faisons un petit effort de mémoire pour sortir du « format » du jour que les médias nous assènent et que commentent en boucle humoristes, éditorialistes, journalistes, philosophes, psychanalystes, gérontologues et politiciens de droite et de gauche. Vous savez, cette phrase de Jacques Chirac : « Je voterai François Hollande ». Une couillonnade venue du fin fond de la Corrèze et présentée comme un évènement historique par les marchands d’audiences à travers leurs canaux d’abrutissement généralisé. C’était quand, au fait, me disais-je, avant cette nouvelle et dernière « fabrication » de l’actu, comme ils disent, le tsunami qui a ravagé le Japon et détruit des villes entières, la guerre civile en Côte d’Ivoire, les révolutions de Jasmin, la chute de DSK, la bactérie tueuse ?  Et j’en oublie certainement, victime comme tant d’autres de cette peste médiatique qui tue le temps et nous plonge dans une espèce de néant historique où le présent est du passé avant même d’advenir. Quand il n’est pas transmué en une grotesque farce comme avec cette nouille chiraquienne reléguant les tueries d’un chef d’Etat syrien dans la rubrique des faits divers…

Il n’y pas de miroir pour l’esprit.

   

 

Mes pages: Celle ci de Bathazar Gracian, dans  » L’homme de Cour « . Toujours et encore…

 

LXXXIX. Connaître parfaitement son génie, son esprit, son cœur, et ses passions.

L’on ne saurait être maître de soi-même que l’on ne se connaisse à fond. Il y a des miroirs pour le visage, mais il n’y en a point pour l’esprit. Il y faut donc suppléer par une sérieuse réflexion sur soi-même. Quand l’image extérieure s’échappera, que l’intérieure la retienne et la corrige. Mesure tes forces et ton adresse avant que de rien entreprendre ; connais ton activité pour t’engager ; sonde ton fonds, et sache où peut aller ta capacité pour toutes choses.

Actualité de Chateaubriand.

 

 

Mes pages :

Celle ci, de Chateaubriand. Qui n’est pas sans résonances avec l’actualité…

 

« Paris, décembre 1821. Société. – Aspect de Paris.

Lorsqu’avant la Révolution, je lisais l’histoire des troubles publics chez divers peuples, je ne concevais pas comment on avait pu vivre en ces temps-là ; je m’étonnais que Montaigne écrivît si gaillardement dans un château dont il ne pouvait faire le tour sans courir le risque d’être enlevé par des bandes de ligueurs ou de protestants. La Révolution m’a fait comprendre cette possibilité d’existence. Les moments de crise produisent un redoublement de vie chez les hommes. Dans une société qui se dissout et se recompose, la lutte des deux génies, le choc du passé et de l’avenir, le mélange des mœurs anciennes et des mœurs nouvelles, forment une combinaison transitoire qui ne laisse pas un moment d’ennui. Les passions et les caractères en liberté, se montrent avec une énergie qu’ils n’ont point dans la cité bien réglée. L’infraction des lois, l’affranchissement des devoirs, des usages et des bienséances, les périls même ajoutent à l’intérêt de ce désordre. Le genre humain en vacances se promène dans la rue, débarrassé de ses pédagogues rentré pour un moment dans l’état de nature, et ne recommençant à sentir la nécessité du frein social, que lorsqu’il porte le joug des nouveaux tyrans enfantés par la licence. »

 

Narbonne, « ville la plus maçonnique de France »!

 

Nous y voilà ! Narbonne n’est plus seulement l’ancienne capitale  d’une province romaine, et celle, définitivement perdue, de la vigne et du vin, située au « carrefour de l’Europe, comme le prétendent concurremment d’innombrables villages et hameaux gaulois. Par l’onction médiatique de l’Express, la voici désormais établie au rang de « ville la plus maçonnique de France ». Un dossier réalisé par Jacques Moléna, que j’ai bien connu en son temps quand il officiait au « Méridien », un mensuel économique régional dans lequel, quand j’occupais, dans les années 90, quelques responsabilités régionales, il avait signé mon portrait. Un portrait plutôt bienveillant, d’ailleurs. C’est donc avec impatience, et non sans crainte, que j’attends celui (de portrait : le mien !) qui devrait figurer, m’a-t-on dit, dans ce grand classique des « marronniers » de saison. Car depuis trois ou quatre jours la rumeur enfle, monte, gronde et grouille entretenue qu’elle est par la rivalité complice de médias locaux, qui lâchent, depuis hier soir, à coups de « petites révélations », la sortie de cette « enquête ». Et demain, nous verrons, je le crains, une déferlante d’affichettes racoleuses envahir l’espace public à l’exception, peut-être, des trop rares vespasiennes municipales. Qui pourraient devenir les derniers refuges d’une intimité que notre époque abjure au profit d’une  » transparence  » aussi indécente que vulgaire …

PS rajouté mercredi 13 avril/ A noter le bon article, sérieux et honnête d’André Navarro dans l’Indépendant de ce jour. 

Trois leçons de Gracian.

 

 

 

 

 

Trois leçons de B. Gracian prises dans  » L’homme de cour « 

 

 

 

La conversation familière doit servir d’école d’érudition et de politesse. De ses amis, il en faut faire ses maîtres, assaisonnant le plaisir de converser de l’utilité d’apprendre. Entre les gens d’esprit la jouissance est réciproque. Ceux qui parlent sont payés de l’applaudissement qu’on donne à ce qu’ils disent ; et ceux qui écoutent, du profit qu’ils en reçoivent. Notre intérêt propre nous porte à converser. L’homme d’entendement fréquente les bons courtisans, dont les maisons sont plutôt les théâtres de l’héroïsme que les palais de la vanité. Il y a des hommes qui, outre qu’ils sont eux-mêmes des oracles qui instruisent autrui par leur exemple, ont encore ce bonheur que leur cortège est une académie de prudence et de politesse.

 

Il n’y a point de beauté sans aide, ni de perfection qui ne donne dans le barbarisme, si l’art n’y met la main. L’art corrige ce qui est mauvais, et perfectionne ce qui est bon. D’ordinaire, la nature nous épargne le meilleur, afin que nous ayons recours à l’art. Sans l’art, le meilleur naturel est en friche ; et, quelque grands que soient les talents d’un homme, ce ne sont que des demi-talents, s’ils ne sont pas cultivés. Sans l’art, l’homme ne fait rien comme il faut, et est grossier en tout ce qu’il fait.

 

C’est faire en homme sage de ne parler jamais en superlatifs, car cette manière de parler blesse toujours, ou la vérité, ou la prudence. Les exagérations sont autant de prostitutions de la réputation, en ce qu’elles découvrent la petitesse de l’entendement et le mauvais goût de celui qui parle. Les louanges excessives réveillent la curiosité et aiguillonnent l’envie ; de sorte que, si le mérite ne correspond pas au prix qu’on lui a donné, comme il arrive d’ordinaire, l’opinion commune se révolte contre la tromperie, et tourne le flatteur et le flatté en ridicule. C’est pourquoi l’homme prudent va bride en main, et aime mieux pécher par le trop peu que par le trop. L’excellence est rare, et, par conséquent, il faut mesurer son estime. L’exagération est une sorte de mensonge ; à exagérer, on se fait passer pour homme de mauvais goût et, qui pis est, pour homme de peu d’entendement

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