Contre-Regards

par Michel SANTO

Ce que cache le bouclier.

 

 

Les électeurs, qui ne sont pas tous idiots, savent que la France aura du mal à régler les factures de la crise et de ses déficits passés par le simple retour de la croissance et la seule réduction de la dépense publique. Ils savent aussi  qu’il leur faudra passer par la case impôt (la seule question est: quand ? 2011, 2013?…) et ils ne supportent pas l’idée que des contribuables très aisés puissent y échapper grâce au bouclier fiscal. Un bouclier qui avait été forgé pour compenser les absurdités de l’ISF (que reconnaissent à présent certains dirigeants socialistes comme Valls et Peillon…) à une époque où il paraissait possible de baisser les dépenses et les recettes de l’Etat. Aujourd’hui, avec la crise, le déficit public est devenu abyssal (7,5% du PIB) et, comme partout en Europe, le climat est à la hausse d’impôt. Dans ce contexte, la suppression du bouclier ne rapporterait rien ou presque au budget de l’Etat (0.004% du déficit public !!!).Toute la classe politique le sait et use de cet argument facile et hypocritement moral pour, en réalité, préparer les esprits des classes moyennes et nombreuses (celles qui payent des impôts et qui épargnent encore) à régler l’addition, une fois de plus, de politiques budgétaires et fiscales qui partent à la dérive depuis plus de 25 ans. Pourquoi donc ne pas le dire franchement plutôt que de se camoufler derrière une rhétorique de coupeurs de têtes et ouvrir enfin une vraie discussion sur les outils fiscaux à mettre en œuvre pour préparer une sortie de crise qui ne plombe ni la consommation, ni l’investissement, ni l’épargne. A taux de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques à la baisse, bien entendu. Si, pour ce faire, il faut commencer par se débarrasser d’un bouclier fiscal idéologiquement insoutenable et techniquement inefficace, pourquoi donc s’en priver? Comme nous aurions tort aussi de nous priver d’un examen rigoureux, à l’aune du double principe d’équité et de compétitivité, d’un certain nombre de niches fiscales coûteuses et inutiles.

L’art de ramper.

 

 

 

 

C’est Nadine qui m’a remis en mémoire ce texte du baron d’Holbach: L’Art de ramper à l’usage des courtisans.  (Disponible en téléchargement sur Gallica). Un petit bijou de sociologie politique qui n’a pas pris une ride. Et quel style! Une vingtaine de pages qui éclairent notre « comédie du pouvoir ». Qu’elle se joue à Paris, Montpellier où Cucugnan. A l’Elysée ou dans un Hôtel de Région.Dans une entreprise ou une ONG… Lisez ce  petit extrait. Pas mal, non? 

 

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Les voix de l’Europe.




Pascal Lamy, le patron de
l’O.M.C , en spécialiste des négociations internationales et de l’Europe ( il fut le directeur de cabinet de Jacques Delors quand ce dernier présidait la Commission Européenne ), le dit : « Si un Européen prend la parole sur une sujet, puis un autre sur le même sujet, personne n’écoute. Personne n’écoute parce que, soit c’est la même chose et cela devient ennuyeux, soit c’est différent et, en fin de compte, cela n’influencera pas le résultat. Donc, la bonne solution, si je peux me permettre, c’est au moins de s’assurer qu’ils s’expriment au travers d’une seule bouche. Pas d’une seule voix, une seule bouche, sur chacun des sujets à l’ordre du jour. Ce serait un grand progrès ».

Et pourtant, en juin, pas moins de sept Européens participeront au sommet du G20 : Herman Van Rompuy, le tout nouveau président permanent du Conseil européen, dont le poste a été créé en décembre dernier, lors de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, José Luis Rodriguez Zapatero, le Premier ministre espagnol qui exerce ce semestre la présidence tournante de l’Union européenne et les dirigeants des quatre plus grandes économies européennes: Allemagne, France, Royaume-Uni et Italie.
Comment, dans ces conditions, parler d’une seule voix à travers la même bouche ? Et peut-on sérieusement envisager que ce groupe des  » sept  » aux voix discordantes soit entendu, compris et respecté. En Europe d’abord. Pour l’être ensuite dans le monde…
C’est à ce genre de détail, si je puis dire, que l’on mesure le chemin qui reste à parcourir à notre vieux continent pour se hisser à la hauteur des enjeux économiques et politiques du monde contemporain.
Un monde où les raisons de croire en un avenir meilleur s’affirment désormais sur les rives du pacifique et celles d’en envisager la fin dans les esprits de nos pays européens.

Des pays fatigués et vieillis dont l’arrogance diplomatique ne masque plus le  » désarmement moral  » de leurs peuples. A l’exemple du nôtre, qui n’a de cesse de jouer  » sa révolution  » et qui croit , se faisant, être dans le sens de l’histoire . Et qui l’est, sans doute aucun. Mais orienté vers le passé…

L’opium des politiques.



On sort de cette campagne des régionales comme un opiomane de son
bad-trip. On, je veux dire Ils ! La classe politique et ceux qui vivent de ses ébrouements : les médias. Les électeurs, eux, sont restés à la maison. Un néant participatif, ces élections ! Un néant recouvert de fumées démagogiques aux effets hallucinatoires qui engendre, semble-t-il, chez nos Ils, des troubles dont on aimerait croire qu’ils ne sont points persistants :
angoisses, phobies, état confusionnel, dépression ou bouffées délirantes aiguës. Car le temps presse, et celui ou celle qui gérera le pays entre 2012 et 2017 se trouvera face à un pays fatigué, un budget exsangue, un chômage élevé, une croissance très faible ; avec l’obligation de réduire les déficits sociaux, celui de l’Etat et de financer les dépenses d’avenir. Il n’y aura  donc plus de place pour la démagogie, cet opium des politiques qui enivre les masses…