Contre-Regards

par Michel SANTO

Le jour et l’heure.

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En souvenir de Gil Jouanard et de nos longues et passionnantes conversations littéraires :
Dans quelques heures, nous allons ouvrir la 2007ième page du grand livre du temps. Une page déjà écrite et jamais finie. Ni noire ni blanche. Grise, comme un ciel après la pluie, comme ces traces sur nos visages. Tout change et rien ne change. Le temps passe trop vite, on en manque. Il peut peser aussi et on en souffre. On court toujours après et on le fuit tout autant. On a bien du mal à le suivre. Le temps passe et nous restons. Confiants et sans voix. Joyeux et désarmés. La chose étant assurée, le plus juste est de s’en moquer.

L’esprit des lieux.

Un ami a eu la gentillesse de m’adresser, samedi dernier, la copie d’un article de l’Indépendant de juillet 1994 rappelant la création, en 1932 , à Narbonne du « centro espagnol ». L’article est illustré par une  photo des membres fondateurs posant devant le chantier de cette « maison ».

Mon grand père n’y est pas! Et plus personne autour de moi pour me parler de ce moment de la vie de ce que l’on appelerait aujourd’hui " la communauté espagnole " ! Peut-être ce Belmonte ? J’ai en effet connu, enfant, une Danièle Belmonte dont la maman était originaire de Cox. Un village entre Alicante et Murcia d’où mon grand père est parti dans les années 20 .Je crois! Et , coïncidence extraordinaire, je venais de lire ,dans le Midi Libre du vendredi, un article relatant l’occupation de ce qui fut un cinéma, le Vox, par des S.D.F et des dealers. Cinéma qui prit (quand ?) la suite de ce même « centro espagnol ».

Comment interpréter,  à 74 ans de distance, ce télescopage des images produit par l’imprévisible succession d’un courrier amical de Robert et d’un  malheureux «  fait divers » rapporté par le Midi Libre ? D’un côté, des déracinés, certes, mais au port altier, fiers et en costumes cravates. De l’autre, des paumés venus de je ne sais où, aux corps et à  l’esprit ravagés par l’alcool et la drogue.

Ce site serait-il habité par des fantômes ? Désormais, je ne regarderai plus de la même manière ce qui reste de ce cinéma promit à la démolition.Une résidence de standing va bientôt  le remplacer. En gardera-t-elle ses spectres?

Vert désir.

l’Eccla (l’association Ecologie des Corbières, du Carcassonnais et du Littoral Audois )  fait pâle figure. Ses lumières ne sont pas parvenues jusqu’à l’hôtel du département, à Carcassonne, et le projet de plan départemental d’élimination des déchets ménagers et assimilés soumis à enquête publique depuis le 18décembre lui semble donc manquer de pimpant (voir l’Indépendant de ce jour.)

Maryse Arditti, son ancienne cheftaine, a pourtant ses entrées dans la capitale Cathare. Il est vrai qu’en ce moment les relations entre les Verts de la Région, au groupe desquels elle appartient, et ses alliés socialistes et communistes présentent les couleurs les plus vives de l’arc en ciel. Elles passent du rouge sang au vert de rage. Et réciproquement. C’est bien simple, leur président, G. Frèche, ne peut plus les voir en peinture après que Maryse ait eu le toupet d’exiger sa démission. Il trouvait, notre George régional, qu’il y avait un trop grand nombre de noirs chez les bleus.

Mais je m’égare! Revenons plutôt à nos ordures ménagères et retenons la lumineuse idée d’ECCLA qui, en application du vertueux, et révolutionnaire, principe, probablement établi par Monsieur de la Palisse, selon lequel "le déchet le moins cher et le plus facile à traiter est celui que l’on ne produit pas", propose d’établir une redevance "ordures ménagères" proportionnée à la quantité produite.

Une inspiration quasi divine. Et de surcroît créatrice d’emplois puisqu’il y faudra bien quelques milliers de personnes pour surveiller et peser chacune des poubelles sorties chaque soir par nos insatiables pourvoyeurs de décharges publiques. Sauf à régler une bonne fois pour toutes le problème en demandant à nos ouailles audoises de ne plus rien « bouffer ».

A bien y réfléchir, rôde dans l’inconscient de nos Verts un vrai désir d’éradication de cette malfaisante espèce, ce prédateur qu’est l’homo-consommaticus.Un gibier abondant en ces périodes de fêtes…

Les matins blêmes.

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Le jour de Noël, quatre condamnés à mort ont été exécutés. Au japon. Par pendaison.

La journaliste de Radio Classique qui nous donne cette information oublie,  sous le coup de l’émotion, de nous signaler que l’immense majorité des japonais ignore tout de la Nativité et de sa puissante charge symbolique.

Les bienveillantes de Jonathan Littell.

Unknown

Nos journées sont un tissu serré d’habitudes. Au moment où j’attaque ma joue gauche de la lame de mon rasoir, comme tous les samedi, à la même minute où j’accomplis ce même geste, la voix d’Alain Finkielkraut ouvre son émission du samedi matin sur France Culture par la première phrase du roman évènement de Littell : « Les Bienveillantes » : « Frères humains, laisser moi vous raconter comment ça s’est passé. » 

 C’est de la parole d’un bourreau dont il s’agit tout au long de ce livre. Que je suis en train de lire. Un bourreau nazi, cultivé et raffiné. Qui obéit aux ordres. Qui tue aussi avec méthode. Avec le souci aussi d’être reconnu comme un grand professionnel de la « chose ». Et qui est pris, en conscience, dans un faisceau d’habitudes où le mal est en partage avec ses frères en barbarie.

La lecture des « Bienveillantes » secoue. Son « héros », Max Aub, est une parfaite allégorie d’une fraternité fondée sur l’abjection. Elle montre qu’au cœur de tout homme et de tout agrégat humain gît la violence. Et que la culture n’en est pas l’antidote absolu. Il suffit  d’entendre ce qui ce dit  autour de vous…

 

       
 

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