Après six mois de quasi-suspension de l’action politique gouvernementale pour cause de crise des « gilets jaunes » et de grand débat orchestré par le Président de la République lui-même, le gouvernement en tire toutes les conséquences, institutionnelles et politiques, dans ses relations avec les élus locaux. Des élus locaux qui, objectivement, lui ont permis de reprendre le contrôle politique de ce mouvement social de grande ampleur (moins par le nombre de ses manifestants d’ailleurs que par son dynamisme et la durée de leur mobilisation).
Il y a des jours, comme vendredi dernier, où un évènement rapporté par la presse narbonnaise : la promotion administrative de Michel Py, le maire de Leucate, au statut de « haut fonctionnaire », vient, jusque dans ma petite ville, exemplifier, ce que je déplorais dans une analyse de portée générale, exposée, l’avant veille, dans un de mes derniers textes : « Ce que cache l’expression polémique : « suppression » de l’ENA « .
Un texte dans lequel je faisais la critique, notamment, de ce mode de recrutement dans les « grands corps » de la fonction publique par la voie dite du « tour extérieur du gouvernement » ; un mode de recrutement par lequel, précisément, le maire de Leucate, a été nommé inspecteur général de l’administration du développement durable * lors du dernier conseil des ministres, le 24 avril. Ainsi fait, se retrouvent « liés », dans ce tout récent recrutement, le premier ministre Édouard Philippe (signataire du décret de nomination) et Michel Py, qui, depuis 1995, entretiennent, de fait, d’étroites relations amicales. En ce temps là, le chef du gouvernement venait d’intégrer l’Ecole Nationale d’Administration, et faisait son « stage auprès du Préfet de l’Aude, qui l’avait « placé », durant trois semaines, en été, aux côtés du jeune maire RPR de Leucate. Relation continuée ensuite sur le plan politique, puisque tous deux firent carrière, si je puis dire, dans le même parti. Cela pour l’anecdote !
Mais qui m’oblige à préciser, pour éviter de trop rapides, et mal intentionnés raccourcis, que ce « tour extérieur » obéit à des règles précises, mais légères (dossier de candidature, examen du profil des candidats, passage devant une commission de recrutement etc.) et que les relations supposées ou réelles avec un ministre, fut-il le premier d’entre eux, ne sont pas, loin de là, suffisantes et déterminantes dans ce type de sélection. De même on pourrait objecter, avec raison, que, dans le « système » tel qu’il est, ce mode de recrutement, permet, après tout, d’aérer une haute fonction publique composée essentiellement d’anciens élèves de l’ENA et de l’ouvrir à d’autres expériences professionnelles – ce que je souhaite et que j’ai explicité dans mon billet cité et en lien au tout début de ce texte. L’expérience démontre cependant ses limites ; et surtout son dévoiement au profit d’un usage aux finalités, disons moins professionnelles.
Cela dit, indépendamment des problèmes que posent ce « tour extérieur » dont j’espère qu’il sera supprimé ou sérieusement corrigé par la réforme du mode de recrutement des hauts fonctionnaires et de la Haute Fonction Publique voulue par le président de la République, certains peuvent s’interroger sur le « pourquoi » de cette nouvelle orientation professionnelle de Michel Py à quelques mois seulement des prochaines élections municipales. Comme sur le fait de savoir s’il est possible de concilier l’exercice de ce nouveau et prestigieux métier** tout en conservant divers mandats électifs, dont celui de maire de Leucate ? Question toute théorique, en réalité. Pour tout dire, je doute fort qu’elle se pose…
*La voie normale d’accès à ce Corps d’Inspection Générale est réservée aux directeurs généraux et directeurs d’administration centrale, les chefs de service, les directeurs adjoints, les sous-directeurs d’administration centrale, les directeurs de projet, les experts de haut niveau, les administrateurs civils hors classe ayant atteint au moins le 5e échelon de leur grade, les membres des corps recrutés par la voie de l’Ecole nationale d’administration ayant atteint un échelon doté d’un indice au moins égal à celui du 5e échelon du grade d’administrateur civil hors classe et les architectes et urbanistes de l’Etat en chef ayant atteint au moins le 5e échelon de leur grade.
** Les conditions de travail des inspecteurs généraux des administrations centrales sont très souples – je peux en témoigner : j’en ai fréquenté certains, de près, surtout au plan professionnel. Il n’est pas nécessaire de résider à Paris et de se rendre à son bureau tous les matins, notamment… En cliquant sur ce lien (ici), on pourra se faire une petite idée des profils assez pittoresques que ce « tour extérieur » permet de sélectionner (la liste n’est pas exhaustive…)
La SNCF est à la dérive avec une dette hors de contrôle passée de 44 milliards d’euros en 2010 à 62,5 milliards en 2016 ; un régime spécial des cheminots, avec des départs en retraite à 57 ans pour le personnel non roulant et dès 52 ans pour les conducteurs, qui coûte 4 milliards par an à la collectivité ; des charges d’exploitation : 22,2 Md€ financées à hauteur de 10,5 Md€ (soit 47 %) [1] par des dépenses publiques (et donc des prélèvements obligatoires) ; des capitaux propres négatifs pour – 5,9 Md€… Au total, la SNCF bénéficie bien d’un soutien de 14 milliards d’euros par an (l’équivalent du budget total de l’Éducation nationale), et ce pour une qualité de service, disons discutable (je suis gentil !). Dans ce contexte, l’État veut réformer, vite ; et le débat classiquement se polarise sur des positions idéologiques. Résumons !
À Droite, la réforme de la SNCF serait une réformette. Il serait nécessaire d’aller beaucoup plus loin :