Des maires et des élus locaux « récompensés » par un avant projet de loi très politique : « Proximité et engagement »…

   

Après six mois de quasi-suspension de l’action politique gouvernementale pour cause de crise des « gilets jaunes » et de grand débat orchestré par le Président de la République lui-même, le gouvernement en tire toutes les conséquences, institutionnelles et politiques, dans ses relations avec les élus locaux. Des élus locaux qui, objectivement, lui ont permis de reprendre le contrôle politique de ce mouvement social de grande ampleur (moins par le nombre de ses manifestants d’ailleurs que par son dynamisme et la durée de leur mobilisation).

On peut donc  dire, sans exagération, qu’à cette occasion, l’exécutif a découvert  la fonction de stabilisateur social et politique que jouaient les maires des petites et moyennes communes couvrant l’ensemble du territoire. D’où sa prise d’initiative et la mise sur orbite parlementaire d’un avant-projet de loi « proximité et engagement », qui doit être présenté en juillet. Avec un double objectif : rétablir des relations de confiance et conforter la fonction des élus de proximité (renvoie d’ascenseur politique), d’une part,  faciliter l’offensive de LREM dans les territoires, à la veille des municipales et du renouvellement du Sénat, afin d’y faire élire le plus grand nombre possible de « marcheurs » et neutraliser son opposition, d’autre part. Edouard Philippe n’a pas dit autre chose vendredi 14 juin, aux maires de Villes de France – qui rassemble les élus des communes de 15 000 à 100 000 habitants – réunis en congrès à Albi, en leur promettant « un vrai changement de méthode pour écouter mieux, associer plus et construire ensemble, et pourquoi pas aussi pour dépasser quelques étiquettes politiques bien vieillies ».

En une trentaine d’articles, le projet de loi « proximité et engagement » balaie donc toute une série de sujets – intercommunalité, eau et assainissement, urbanisme, pouvoirs de police du maire, statut de l’élu… – avec l’intention manifeste de répondre à un certain nombre de revendications portées par les associations d’élus, au premier rang desquelles l’AMF. Revendications qui marquent, de fait,  un brutal coup d’arrêt du mouvement en faveur des intercommunalités engagé depuis plusieurs quinquennats. Qu’on en juge.

Pacte de gouvernance

Ainsi, dès l’article 1er, le texte prévoit, après chaque renouvellement des exécutifs municipaux, l’élaboration au sein des EPCI d’un « pacte de gouvernance » entre les communes membres et l’EPCI. Un pacte  qui pourrait notamment prévoir la création d’un « conseil de maires », « instance de coordination entre l’EPCI et les communes membres » – qui resterait obligatoire dans les métropoles. En dehors d’autres dispositions adoptées dans le pacte de gouvernance, les conseils des maires deviendraient obligatoires dans les communautés urbaines, d’agglomération ou de communes, dès lors que « 30 % des maires des communes membres en ont fait la demande » par écrit. Les pactes pourraient également prévoir la création de « conférences territoriales des maires », sur des périmètres infra communautaires, destinées à être consultées « lors de l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de l’EPCI ». Ils pourraient enfin permettre aux présidents d’EPCI de déléguer aux maires « certaines dépenses d’entretien courant d’infrastructures et de bâtiments communautaires ». Enfin, l’article 3 prévoit que les conseillers communautaires seront renouvelés « en cas d’élection d’un nouveau maire, pour quelque cause que ce soit » et l’article 4, organise le remplacement d’un élu au sein d’une commission de l’EPCI « par un conseiller municipal de sa commune ».

Eau et assainissement

Sur les compétences eau et assainissement, un des points essentiels de ce texte,  concerne les conditions du report à 2026 de ce transfert. Selon la loi du 3 août 2018, les communes membres d’une communauté de communes peuvent décider du report à 2026 du transfert de la compétence si 25 % d’entre elles représentant au moins 20 % de la population le décident. Cette disposition ne concernait jusqu’à présent que les communautés de communes « n’exerçant pas les compétences relatives à l’eau et/ou l’assainissement ». Aussi, le texte facilite les possibilités d’opposition des communes même lorsque la communauté de communes exerce « en partie seulement l’une ou l’autre » de ces compétences. Par ailleurs, le texte propose de donner six mois de plus aux EPCI pour décider, en reportant la date limite du choix du 1er juillet 2019 au 1er janvier 2020.

Mais surtout, il est proposé dans le texte de permettre aux communautés de communes et d’agglomération de subdéléguer par convention l’une ou l’autre de ces compétences, ou les deux, à l’une de leurs communes membres. À condition toutefois que celle-ci s’engage sur un « plan d’investissement » et un calendrier précis. Il s’agirait bien, précisons-le, d’une subdélégation, puisque l’EPCI resterait « responsable » de la compétence.

Tourisme et PLUI

Pour la compétences tourisme, les communes touristiques classées station de tourisme pourraient « décider par délibération de retrouver l’exercice de la compétence promotion du tourisme », y compris la création d’offices du tourisme. Concerant la généralisation des PLU intercommunaux, datant de la loi Notre, des  aménagements sont proposées, afin de donner un droit de regard aux maires. Un maire pourrait ainsi « prendre l’initiative d’un projet de modification simplifiée » concernant le territoire de sa commune. Les règles d’adoption d’un PLUi à la suite de l’avis défavorable d’un maire, sur les dispositions concernant sa commune, seraient assouplies avec une adoption à la majorité simple, dès lors que le projet serait modifié pour tenir compte de cet avis.

Périmètre des EPCI

Sur cette question très conflictuelle des intercommunalités couvrant des espaces très grands, le texte propose de supprimer la révision régulière (tous les six ans) du schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI). Il étend en outre la procédure de sortie dérogatoire d’une commune aux communautés d’agglomération : le préfet pourrait ainsi autoriser une commune qui en fait la demande à se retirer d’un EPCI pour adhérer à un autre – dès lors que ce retrait ne fait pas passer l’EPCI sous la barre des 15 000 habitants ou des autre seuils définis à l’article L 5216-1 du CGCT.

Enfin, et on atteint là le point critique de ce projet de loi, la possibilité  de scinder un EPCI en deux établissements ou plus, est offerte aux élus (ce qui pourrait permettre de résoudre la question des intercommunalités géantes et/ou créées après des procédures « forcées », où les petites communes se sentent noyées) Des partages qui pourront se faire dans les mêmes conditions que pour la création d’un EPCI et « après avis de l’organe délibérant » de l’EPCI concerné*.

Comme on peut le constater, à l’inverse du courant dominant des débuts de ce quinquennat et des analyses présentant  l’idéologie « progressiste » de l’exécutif comme l’expression d’une politique en faveur des métropoles et des catégories sociales bénéficiaires de la « mondialisation », ce projet de loi en rompt la dynamique, au plan institutionnel, et permet ainsi au gouvernement de renouer avec « l’ancien monde » politique des communes en leur réallouant des pouvoirs et des ressources qui précédemment leur avait été retirés.  Un  bonus communal en quelque sorte qui s’analyse aussi comme la conséquence d’un effacement des partis et des corps intermédiaires… Mais un équilibre fragile qui devra être maintenu au terme du débat parlementaire, au risque d’affaiblir  des intercommunalité qui n’ont pas encore atteint leur pleine maturité…

     

*Dans « chacun des nouveaux périmètres », il faudra satisfaire aux règles de majorité définies par l’article L5211-5 du CGCT, qui sont comme chacun sait relativement complexes. Rappelons-les : il faut réunir l’accord « de deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou par la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population », comprenant obligatoirement « la commune dont la population est la plus nombreuse lorsque celle-ci est supérieure au quart de la population totale concernée ».

   

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