Pierre Reverdy, né le 11 septembre 1889 (13 septembre 1889 selon l’état civil) à Narbonne et mort le 17 juin 1960 à Solesmes, fut un grand poète précurseur du mouvement surréaliste du XXe siècle, ami et admiré par les plus grands : Guillaume Apollinaire, Max Jacob, Louis Aragon, André Breton, Philippe Soupault, Tristan Tzara… Il était à l’honneur dans sa ville natale pour cette 39e édition – les 17 et 18 septembre – des Journées européennes du patrimoine, conçue et réalisée par les équipes de la Médiathèque du Grand Narbonne. Pour leur ouverture, en effet, dès le vendredi 16 septembre, étaient au programme une conférence-lecture de Jean-Baptiste Para, suivie du vernissage de l’exposition qui lui était consacrée : « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ». Une exposition remarquable à la fois par la qualité du « fonds » constitué par la Médiathèque : plus de 60 ouvrages (éditions originales, œuvres illustrées par de grands artistes), et l’élégance didactique de sa présentation. Un peu avant sa visite, Jean-Baptiste Para, lui-même poète, critique d’art et rédacteur en chef de la revue littéraire Europe nous avait présenté les grandes lignes de la vie de cet immense poète et de son œuvre, ses relations avec ses amis, poètes et peintres majeurs du XXe siècle. Ce fut un moment de grâce ! Un bel exercice d’admiration empreint d’humilité dont l’érudition et l’intelligence parvenaient à nous rendre sensible un imaginaire et une poésie considérée par beaucoup comme difficile d’accès. La voix de Jean-Baptiste Para, ronde et douce, y contribuait grandement… C’était la première fois que Pierre Reverdy se faisait ainsi entendre. Plus tard, j’ai ouvert ma liseuse et relu les surlignements de son « Livre de mon bord » (1948) faits à l’occasion de mes lectures. En voici trois :
« Le style, c’est peut-être l’homme. Mais l’art d’écrire est plein de perfidie. On lit avec intérêt l’ouvrage d’un homme avec qui l’on ne pourrait parler cinq minutes sans avoir envie de le gifler, et tel autre, que l’on trouve crispant à lire, si on le connaissait, pourrait être un charmant ami. »
« Il y a les idées qui partent dans l’air, dans la réalité comme des balles de pelote. Les dures, les bonnes rebondissent — les molles, les mauvaises, les fausses retombent au pied du mur, lamentables. Mais c’est de celles-là que l’on est, précisément, assommé. »
« Un visage plein de sourires, comme une coupe de beaux fruits. »
C’était hier. Elle était avec un petit groupe autour d’un guide sur la place de l’hôtel de ville à écouter ses explications – elle semblait attentive ! Et quand son visage s’est tourné vers le mien, c’était comme une coupe de beaux fruits … « Chose troublante dans ce monde de haine — un regard inconnu d’où déborde la sympathie. » (Le livre de mon bord)
La menace d’une relégation du RCNM en F1 est un évènement cruel, où le déclin finit d’être latent pour entrer dans l’ordre du possible. Dans ces conditions, l’exposition Génération Spanghero, organisée dans le cadre de Sportfolio (et voulue sans doute pour réhabiliter un nom écorné il y a peu), sonne étrangement. Elle rend ce passé glorieux encore plus lointain et révolu, mais le rend encore plus présent, par comparaison dépitée.
Côté arts et culture, Narbonne compte des acteurs souvent remarquables, et a suffisamment d’arguments pour ne pas craindre la relégation la saison prochaine.
Mais si Sportfolio consacrait une expo à la dream team des artistes Narbonnais du passé, il y aurait du beau monde là aussi.
Une honte trop grande a relevé mon front. Je me suis débarrassé de ces encombrantes guenilles et j’attends.
Vous attendez aussi mais je ne sais plus quoi. Pourvu que quelque chose arrive. Tous les yeux s’allument aux fenêtres, toute la jalousie de nos rivaux recule au seuil des portes. Pourtant s’il n’allait rien venir.
À présent je passe entre les deux trottoirs ; je suis seul, avec le vent qui m’accompagne en se moquant de moi. Comment fuir ailleurs que dans la nuit.
Mais la table et la lampe sont là qui m’attendent et tout le reste est mort de rage sous la porte.Pierre Reverdy
Découvrir Narbonne l’été, ce n’est pas seulement se remémorer Charles Trénet ou participer aux festivités organisées en son nom. D’autres artistes y vécurent aussi. Jean Eustache notamment, à qui je pensais en prenant cette photo de l’entrée de sa maison de la Place des Quatre Fontaines. Étonnamment, deux jours plus tard décédait Bernadette Lafont, Marie dans son film « La maman et la putain ». Il est de troublantes coïncidences tout de même ! Les portes ouvrent sur d’infinis mystères…
Juste derrière chez moi, sur le mur d’un bâtiment qui héberge notamment le Conservatoire de Musique de Narbonne, ce poème de Pierre Reverdy; que je lis sans me lasser, à mon retour de longues promenades le long du canal de la Robine.
Il faisait un beau soleil, ce jour là!
Comme le dit joliment Gil Jouanard dans son introduction à une petite anthologie établie par C.M.Cluny: » Reverdy voit l’autre côté du monde dans ce côté-ci. Comme les anciens Gaulois… «
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