Laurent Bouvet a accordé un entretien fleuve à FigaroVox. Il revient sur l’histoire du Parti socialiste et montre sa lente évolution depuis le congrès d’Epinay en 1971 jusqu’au congrès de Poitiers aujourd’hui.
Extrait
La disparition du «parti d’Epinay» est enfin, et surtout, annoncée par la transformation profonde de l’électorat socialiste et son rétrécissement. Ce qui avait fait sa puissance conquérante, c’est-à-dire son adéquation avec des couches sociales dynamiques et sa capacité d’attirer des catégories sociales différentes, n’est plus qu’un lointain souvenir. Le meilleur indice de la fragilité de ce qui est désormais désigné comme un électorat «progressiste» – celui évoqué plus haut dans la fameuse note de Terra Nova et composé de blocs minoritaires identifiés en fonction de tel critère identitaire culturel ou de tel territoire – est la rapidité de sa dislocation face aux exigences de l’action gouvernementale. Cet «électorat» n’existe plus comme socle politique sur lequel bâtir un rapport de force avec la droite ou l’extrême-droite, pas plus que comme refuge en cas de difficulté face à la conjoncture économique. La procédure des primaires, lancée comme une bouée de sauvetage n’ayant finalement servi qu’à entériner, institutionnellement, le processus de dégradation de la sociologie profonde du parti.
La candidature de Philippe Saurel se précise. Deux chances sur trois pour qu’il la pose avant la fin du mois de juin. Avec qui? Le PRG. Non, affirme-t-il! « J’entretiens d’excellentes relations avec Didier Codorniou, Jean-Michel Baylet, et Sylvia Pinel. Mais si j’avais à conduire une liste, elle se constituerait en dehors des partis politiques traditionnels. » Et d’ajouter que ce serait: « Une liste qui représente la République des communes. Celle des maires et des élus locaux. Celle qui façonne le pays. Cette liste serait aussi citoyenne et écologiste. » Le risque étant de diviser les voix de gauche et de faire le jeu du FN. Un risque qu’il demande, non sans arrogance, au PS de gérer en s’alliant aux Verts avant le premier tour. Résumons! Si Saurel part seul, le Front de Gauche itou, et les Verts pareil… avec un PRG menaçant de surcroît, le risque d’une défaite de la gauche aux régionales est plus qu’hypothétique. Il devient sinon certain, possible. Pour l’écarter, ne reste qu’une carte: nommer Saurel ministre…
Manuel Valls fait des élections départementales celles de la seule lutte contre le FN. Si la menace est sérieuse, on peut néanmoins s’interroger sur le sens politique de sa stratégie. On aurait pu s’attendre, en effet, à ce que le premier ministre, sa majorité, le PS et ses alliés défendent la politique et les actions que le gouvernement met en oeuvre, sous l’autorité de François Hollande. À tort ou à raison, peu importe, sous le quinquennat, les élections intermédiaires valident ou pas la politique de l’exécutif. Il est donc clair que Manuel Valls, en déplaçant, l’axe de la campagne sur le seul terrain de l’affrontement « moral » avec le FN, fait l’amer constat que le combat idéologique et politique sur le bilan gouvernemental, depuis 2012, est perdu.
La décision du Gouvernement de Manuel Valls d’utiliser le 49.3 (ce qui n’est pas scandaleux, en soi!) pour faire passer la loi dite Macron au motif que sa gauche de la gauche, du PS au Front de Gauche en passant par les Verts, établit désormais que ses seuls marqueurs culturels, idéologiques et politiques se limitent au « Mariage pour Tous » et « Au refus du travail le Dimanche », même étendu de quelques jours à peine. Avec comme figures emblématiques, mesdames Taubira et Aubry.
C’est aussi le signe de la fin d’une longue période historique où la Gauche, disons traditionnelle et au sur-moi marxiste, jouissait d’une incontestable et lourde hégémonie culturelle au sein de la société civile. Une hégémonie au sens « Gramscien » (1) du terme qui lui a permis de conquérir nombre de pouvoirs, dont celui de l’État.
Après le changement de pied idéologique et politique dans la conduite de sa politique économique, par son orientation vers la reconstitution des marges des entreprises et l’amélioration de leur productivité ( politique de l’offre longtemps honnie par le PS et la gauche en général ), les évènements tragiques de ces derniers jours entraînent le couple exécutif et son gouvernement à bouleverser son corpus de « valeurs » sociétales par l’affirmation de principes longtemps combattus, parce que « réactionnaires », comme ceux de sécurité, d’autorité, de respect, etc… Une ligne politique que défendait Manuel Valls lors des primaires socialistes, et une ligne qui n’avait rassemblé que 5% des militants socialistes et de gauche.
Picasso Pablo (dit), Ruiz Picasso Pablo (1881-1973). Paris, musée national Picasso – Paris. MP72. Partager :ImprimerE-mailTweetThreadsJ’aime ça :J’aime chargement… […]