Hier soir, avec Robert Redfort…

Out of Africa. Le film a vieilli. Mais il tient. La lumière du Kenya. Le vent dans les herbes. Deux silhouettes dans l’infini : Meryl Streep, grave. Robert Redford, solaire. Il ne joue pas. Il est. Aviateur. Amant.

Out of Africa. Le film a vieilli. Mais il tient. La lumière du Kenya. Le vent dans les herbes. Deux silhouettes dans l’infini : Meryl Streep, grave. Robert Redford, solaire. Il ne joue pas. Il est. Aviateur. Amant.

On appelle ça débat démocratique. Des faits. De la raison. Le respect du contradicteur. Balivernes.

Un mois et demi au moins que les médias ne parlaient que de ça. Et que LFI misait sur la prise de l’Élysée. Finalement, le 10 septembre, rien n’a été bloqué. Ou si peu. Et vite dégagé.

Hier.
Géraldine m’attendait. On aurait dit une adolescente. Menue. Jolie. Ses yeux brillaient comme si elle partait en vacances. Elle est chirurgienne.
Elle m’attendait pour m’arracher une dent de sagesse. « Énorme ! » m’a-t-elle dit, ravie, en la désignant. Comme si c’était un caillou trouvé sur la plage.
Puis vint la chaise. La position allongée. Le projecteur. La lumière aveuglante. Le métal froid des instruments.
Le bruit sec des os qui craquent. Comme un marteau-piqueur dans la bouche.
Une heure à transpirer, les poings serrés.
Chez moi, deux heures plus tard. Dans le noir. La douleur montait malgré les cachets. Elle était dans la chair, dans le temps qui ne passe pas.
Le front pesait lourd. J’ai fermé les yeux. Pour rien.
Le soir, la douleur s’est arrêtée. Immobile. Comme un chien couché. Les médicaments faisaient effet. La tête cognait encore, un tambour sourd.
La nuit passa sans sommeil. Les heures lentes, interminables. Le corps voulait sombrer. Les yeux restaient ouverts.
À l’aube, tout s’est arrêté. La douleur s’était enfuie. Restait la fatigue. Lourde. Comme un sac de pierres.
J’ai bu un café. Il était tiède. Mauvais. Mais c’était un café. La journée commençait.
Illustration : Francis Bacon.

Un café. Quatre hommes. Deux journalistes. Deux socialistes. Une phrase lancée à la cantonade : « On fait ce qu’il faut pour Dati. »
Une caméra planquée. La vidéo tourne. La toile s’enflamme.
Tout est là, visible, transparent. Trop visible. Et c’est bien ça le piège. On croit voir la vérité nue, mais ce n’est qu’un reflet. Derrière la façade, rien n’est clair. Pas plus la politique que le journalisme.
La transparence promet de laver plus blanc que blanc. En réalité, elle salit tout. Elle fabrique du soupçon. Elle tue la confiance. Elle nourrit le cynisme.
Le Parti socialiste sort encore un peu plus faible de cette comédie. Les médias publics encore plus fragiles. Et l’opinion, elle, n’y voit qu’une confirmation de ce qu’elle croyait déjà : tout est magouille.
C’est ça, le Mal d’aujourd’hui. Pas une faute, pas un crime. Juste cette opacité qui naît de trop de lumière. De la perte de tout secret. Tout comme, dans le « crime parfait », c’est la perfection elle-même qui est criminelle.
Citation : Jean Baudrillard : « Le Bien est ce qui veut se réaliser dans la transparence. Le Mal, c’est ce qui déjoue cette volonté. »
Illustration : Edward Hopper (Nighthawks) Quatre personnages. On voit tout, et pourtant, on ne comprend rien de ce qui se trame. L’intérieur est clair, l’extériorité floue, opaque.