Moments de vie chez mon gastro-entérologue.

 
 
 
 
 
 
 
 
Je.27.10.2022
 
Moments de vie chez mon gastro-entérologue.
 
Chez mon gastro-entérologue, les consultations se déroulent toujours selon le même protocole. Après les salutations d’usage, très courtoises et très décontractées, je lui expose d’abord les raisons et les symptômes qui m’ont amené dans son cabinet.

Un dimanche au cinéma : « l’innocent » de Louis Garrel.

 
 
 
 
 
 
 
Di.23.10.2022
 
Dimanche au cinéma.
 
Il faisait un temps gris, l’air était chaud, lourd et poisseux. Une atmosphère pesante ! J’aurais aimé qu’éclatât un bel orage. Les sols ont besoin d’eau. Et nos esprits d’être distraits. Le climat politique est en effet chargé : guerre à nos portes, pénurie de gaz et d’électricité cet hiver, répression et violences envers les femmes en Iran, extrêmes droites un peu partout… À l’affiche du Théâtre-Cinéma du Grand Narbonne était « L’innocent » de Louis Garrel. Un film léger et intelligent selon le programme. J’ai donc décidé d’aller le voir. Quitter une heure trente durant ce monde cynique et brutal.
L’histoire tourne autour de Sylvie (Anouk Grinberg). Elle anime des ateliers théâtraux dans les prisons. C’est une petite personne joviale, piquante et passionnée. Elle vient de trouver, après trois échecs amoureux dans ce même milieu, « l’homme de sa vie », Michel (Roschdy Zem). Bientôt libéré, veste de cuir sur un physique avantageux, il a le charme du « bon truand » à l’ancienne. Folle de joie, elle l’épouse en prison et se lance à sa sortie, avec lui, dans le commerce de fleurs. Il va de soi pour Sylvie que Michel est tout aussi amoureux qu’elle, qu’il s’est définitivement retiré des « affaires ». Ce que ne croit pas son fils, Abel (Louis Garrel), jeune veuf inconsolable qui s’inquiète beaucoup pour sa mère et se met à surveiller de très près, en cachette, ledit Michel. Sa meilleure amie, Clémence (Noémie Merlant), jolie fille sympathique et délurée, entre dans son jeu. Elle est, en vérité, animée par l’amour, brûlant et caché, qu’elle éprouve pour Abel.
Dans ce film, Louis Garrel mélange avec brio les genres du polar, de la comédie et du « mélo ». Sa musique et sa bande-son sont celles des chansons de variétés que chante Sylvie (« Pour le plaisir », d’Herbert Léonard, « Une autre histoire », de Gérard Blanc, « Nuit magique », de Catherine Lara…). Des airs et des paroles qui chantent l’espoir, l’amour, la peine, la douleur. Sylvie est une Emma Bovary intermittente du spectacle des années 80 !
L’histoire se noue et prend du rythme quand Abel et Clémence se retrouvent embringués jusqu’au cou dans le braquage organisé par Michel. Ensuite, le quatuor d’acteurs excelle.
Je n’avais rien lu concernant ce film jusqu’à cet après midi de dimanche. « L’innocent » n’est certes pas un chef-d’œuvre, comme semble le proclamer une critique solidairement enthousiaste. Mais je l’ai trouvé touchant, intelligent. Sans prétention. Le scénario est simple, classique, vif, bien ordonné et les acteurs jouent parfaitement leur partition.
Bref ! J’ai passé un bon moment, loin du bruit médiatique ambiant, constant, perturbant et anxiogène. C’est déjà beaucoup plus que je ne l’espérais. À voir !
 
 
 
 
 
 
 

Ces misérables chacals qui rodent autour du corps mutilé de Lola.

 
 
 
 
Me.19.10.2022
 
Lola est le « petit nom » de toutes les Dolores, en Espagne. C’était celui de ma tante paternelle. Dolores, comme « Douleurs » dans notre langue. Douleurs atroces d’une petite fille de 12 ans affreusement torturée dans sa chair, mutilée et froidement exécutée par une jeune femme de 24 ans, ressortissante algérienne en situation irrégulière ; douleurs indicibles, insupportables, de ses parents déchirés dans leur être le plus profond par ce meurtre d’une épouvantable barbarie ; douleurs infinies de l’âme et sidération de tous autant que nous sommes face à ce monstrueux dérèglement du devoir d’humanité ; douleurs intellectuelles et morales, enfin, d’avoir à subir les outrances, l’indécence et l’indignité de politiciens d’extrême-droite et de droite avides de vulgaires profits idéologiques – et électoraux.
Lola était le joli prénom d’une petite fille innocente. Elle ne demandait rien d’autre que vivre ; vivre dans l’amour des siens, à l’abri des souffrances et de la cruauté du monde.
 
 
 

Cette tour de Saint Paul-Serge qui fend le ciel et dérègle le temps…

 
 
 
 
 
 
 
Ma.18.10.2022
 
9 heures !
 
La très large baie de mon bureau est en partie ouverte sur un ciel bas et gris. Une pluie fine couvre les toits du quartier de Bourg d’un léger voile brillant, des taches sombres tapissent les façades ocre des immeubles voisins. À l’extrémité des toitures, des pigeons, la tête rentrée dans leurs plumes, semblent dormir. Ils fuseront ensemble dans un instant vers les pelouses en contrebas. Qu’ils piqueront en bon ordre, méthodiquement. La rue de la Parerie est silencieuse. De rares piétons l’animent. On reconnait les plus jeunes : ils portent des « chaussures de sport » blanches, se tiennent plus droits, marchent plus vite. Des éclats de voix montent jusque dans ma pièce. Je reconnais celle du marchand de fruits et légumes qui, tous les mardis, s’installe devant mon petit immeuble, sur la « Place au Blé ». Pour le voir et l’entendre discuter avec ses clients, il me faudrait descendre dans le salon. Il est jeune et sans imagination. Son étal est banal en toutes saisons. Dans ce ciel d’étain, le vol ample et lent d’un goéland solitaire en chasse, il cherche une proie. Souvent le cadavre d’un pigeon qu’il déchirera pour fourrer son bec dans ses entrailles. Tout près, qui s’élève au milieu des toits, la tour carrée de la basilique Saint Paul et son campanile en fer forgé. Nous vivions et jouions autour d’elle. Elle fend le ciel et dérègle le temps. Tous les matins, je laisse ainsi s’attarder mon regard sur ses pierres blondes. Surgissent alors des images, des visages et des sons d’autrefois
 
 
 
 

Une cure d’abstinence de l’actualité s’avère donc nécessaire !

 
 
 
Lu.17.10.2022
 
 
Mon corps souffre des mots, des images, des postures de ceux qui font et rapportent quotidiennement l’actualité politique et sociale de ce pays, le mien. Reflux gastrique et remontées acides en sont les symptômes constants depuis quelques jours. Je ne lis et n’entend en effet que trop souvent commentaires superficiels, articles engagés, slogans imbéciles, bulletins de propagande et injures débités à la chaîne avec tout le sérieux de pacotille qu’autorise le statut dévalué de responsable politique ou de journaliste spécialisé. Rien qui ne nous aide à purger ce flux incessant de phrases et de discours inutiles, angoissant et pervers. Ici même*, des meutes vengeresses naissent et se déploient jours et nuits qui déversent complaisamment leurs égoïsmes de clans, de classe, de coteries en tout genre, académiques ou intellectuelles. Le ressentiment général de tous envers tout le monde est ainsi exploité, qui tord les esprits et les boyaux. Les miens en tout cas. La lecture de bons auteurs ne suffit plus à m’en distraire. Une cure d’abstinence de l’actualité s’avère donc nécessaire, vitale. Car j’entends bien enfin pouvoir boire et manger à mon goût.
 
*Texte écrit sur ma page Facebook.
 

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