Demain sera vite oublié. L’oubli fait partie de la vie.

 
 
 
 
 
 
Me.22.3.2023
 
Moments de vie.
 
Sur la route longeant la côte, je voyais comme des nuages sombres et bas. Ils semblaient des fumées provenant de la mer. Un léger vent marin les poussait vers la Clape. Sur elle un grand soleil brillait. Quand j’ai tiré le portail de ma « cabane », une brume, dense et douce, en partie la cachait. La mer elle aussi l’était, couverte. Elle faisait bloc avec le ciel et la terre. Le silence était parfait. Nuls échos ni personne ne viendraient le briser. J’ai taillé à mains nues les branches mortes des haies. Le liseron bleu déjà s’impatiente. Il envahira bientôt les lauriers. Loin des idées, la vie prend du corps. Elle s’émancipe de la foule et du bruit. S’affûte et se durcit. J’ai gardé ces pensée jusqu’à la tombée du jour. Demain sera lourd de violences et de cris ; de gloses et d’invectives. Demain sera vite oublié. L’oubli fait partie de la vie.
 
 
 
 
 

Actualités ! J’ai vu ce matin le premier de ces magnifiques seigneurs…

 
 
 
 
 
 
 
 
Ma.21.3.2023
 
Actualités.
 
Ce matin, je buvais comme d’habitude une dernière tasse de café devant ma fenêtre et scrutais un ciel très légèrement voilé. J’y ai vu quelques rapaces des mers, des corneilles, des pigeons, des étourneaux et, au-dessus de cette basse engeance, à peine visible et au plus haut du ciel, l’ombre d’un martinet isolé.
C’est ainsi que j’attends, chaque année qui passe, solitaire et rêveur devant ma fenêtre, le premier de ces magnifiques seigneurs.
 
 
 

Un rendez-vous dans une « France à l’arrêt »…

     

Sa.18.3.2023

Moments de vie.

14 heures ! C’est l’heure de mon rendez-vous avec Madame T. Elle gère les comptes de ma mère. Étonnement, l’agence semble déserte. Je contourne le bureau d’accueil et m’assoie sur un canapé placé au milieu de la grande salle où s’affairent habituellement clients et conseillers. Un téléviseur est suspendu au-dessus de ma tête : un grand écran noir, muet. Autour de moi, des portes vitrées, fermées. Pas un bruit, pas une ombre. L’air est lourd ; l’ambiance glaciale, lugubre. Les minutes passent, pénibles. Soudain apparaît un homme sorti de nulle part. Il porte un costume sombre, fatigué, qui couvre en partie une chemise blanche chiffonnée. Il s’approche et affecte une allure et une mine faussement empressées. « Oui ! me dit-il, sur un ton mielleux, doublé d’un sourire hypocritement commercial. Madame T. est malade, quelqu’un va s’occuper de vous. » Un peu plus tard, se présente un jeune homme aux manières lycéennes, bien que « bourgeoisement » vêtu. Il m’entraîne promptement dans un bureau vide. Sur son plateau nu, un ordinateur. Je remarque dans un coin une poubelle. Vide, elle aussi. « C’est pourquoi ? La liquidation de l’assurance-vie de ma mère. Elle a 96 ans, réside en Ehpad, et sa petite épargne de 15 000 € lui permettra de financer pendant quelques mois au moins le restant dû à son établissement. Bien ! » Assis sur une petite moitié de ses fesses, il enregistre mes informations en tapant frénétiquement sur son clavier. Des cliquetis en sortent, qui résonnent de manière inquiétante, hystérique. Il se lève, c’est fini ! Nous nous séparons sèchement. Dehors, je retrouve un beau soleil et tombe sur J.P, un voisin. Il portait un sac à dos. « Je viens de la manif, sur l’autoroute… On l’a bloquée avec des camarades pendant une heure ». Cheminot à la retraite en pleine forme – gym en salle, randonnées, voyages – il milite pour une « retraite pour tous » à 55 ans ! J’ai souri. Que faire et dire d’autre ! C’était mercredi dernier. Mélenchon avait décidé qu’il serait un jour mort pour le pays. Mon agence bancaire l’était en tout cas. Enfin ! presque…

     

De l’usage du vocable féminicide ou pas…

 
 
 
 
 
 
 
 
 
Me.15.3.2023
 
Faits divers.
 
En Côte d’Armor, une jeune femme de 28 ans a été tuée à coups de couteau par sa compagne. On aurait donc pu s’attendre à la qualification médiatique habituelle pour un tel crime. Eh ben, non ! Point de féminicide (personne qui tue une femme), mais un banal homicide (personne qui tue un être humain) fut-il déclaré – du reste la qualification juridique classique. Faut-il donc en conclure que ce premier vocable ne doit être employé que dans les cas de meurtres de femmes par des hommes ; et ce au motif qu’ils seraient moralement et politiquement plus graves car la conséquence directe, sans autres motivations particulières ou circonstancielles, d’une domination masculine spécifique et systémique ? Moralement plus graves comme pour les infanticides et parricides avec la cause aggravante du patriarcat en plus ?
 
 
 
 
 
 

Revient toujours le temps des jonquilles…

 

 

Elle habite mon quartier. Mais je ne la vois qu’une fois l’an. Quand fleurissent les jonquilles. L’année dernière, elle avait calé son antique bicyclette contre un banc de pierre de la petite place située juste devant mon petit immeuble. Là, elle présentait quelques bouquets de jonquilles dans une cagette attachée sur le porte-bagages de son vélo. Ce matin, c’est au début de la rue du Pont des Marchands, côté place de l’Hôtel de Ville, que je l’ai aperçue. Assise sur la bordure entourant un palmier, elle lisait. Son vélo et ses jonquilles étaient, comme chaque mois de mars de chaque année, à ses côtés. Et je l’ai rituellement remerciée d’être encore là dans sa grande simplicité. Pendant que nous bavardions, des gens passaient devant nous, indifférents à cette innocente messagère de la fin des jours tristes et des heures courtes ; ils passaient insensibles et froids devant tout ce jaune en bouquets qui semblait appeler le soleil. Ainsi allait un monde dénaturé. Sec et sans âme.

 

   

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