Hopper, peintre métaphysique!

 

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Magnifique rétrospective de  l’œuvre d’ E. Hopper au Grand Palais. Beaucoup de choses ont été écrites sur cet événement, je n’y reviendrai pas.  Une remarque cependant sur la trop grande insistance des critiques français sur sa « dénonciation » de la société américaine. S’il est vrai que ses personnages et ses paysages en sont le reflet, ses thèmes et sa philosophie ont une tout autre portée. Hopper est un peintre métaphysique ! Comme George de la Tour, Goya, Munch, de Chirico… en d’autres temps et d’autres pays. C’est pour ça qu’il nous touche. De ses toiles se dégagent tension, mélancolie, solitude et attente. Comme dans celle ci, célébrissime : un bar tristement éclairé, sans murs, plongé, tel l’étrave d’un bateau, dans l’océan de la nuit.

 

 

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Trois personnages bavardent, indifférents au quatrième de dos, dont l’ombre ne laisse à la lumière que le bas d’un visage penché sur un verre à peine deviné. Ses épaules portent le poids du monde. Qu’attend-t-il ? La solitude est en nous comme une lame, nous dit Christian Bobin, dans son « éloge du rien ». On ne peut nous l’enlever sans nous tuer aussitôt. L’amour ne la révoque pas, il la parfait. Et qui nous dit de cet homme, qu’en cet instant où plus rien n’est à attendre, sinon l’inattendue dans sa nuit, qu’il n’est pas au plus près de sa vérité. Comme une prière le vent, comme une âme son être. Le génie d’Edward Hopper est dans cette faculté qu’il a de transformer la banalité des formes et des situations en représentations d’un univers métaphysique d’une profondeur inouïe. Le glacé de ses toiles en lumineuses rêveries. Le rien de la vie en tout de l’être…

 

 

 

Chronique du Comté de Narbonne.

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Mercredi 17 octobre de l’an 2012

Le pouvoir est un mensonge, et le ministre Mentoujours son icône, mon oncle ! Lui, qui tantôt voulait démondialiser, court désormais de fabriques en ateliers pour éteindre des incendies en conspuant leurs patrons et les banquiers. Son impuissance est à la hauteur de son insolence de parvenu : infinie ! D’aucuns de ses amis y voient la cynique main de François de Gouda. En lui confiant le Redressement manufacturier sans toucher aux lois de l’économie, il le condamnait en effet au ridicule du matamore, qui est sa pente naturelle et qui demain le fera tomber. La cruauté et la ruse sont au cœur de la politique et Mentoujours, enivré d’un pouvoir sans moyens, en est aujourd’hui la victime. Les banquiers et les patrons  apprécient la manœuvre ! Indignés dans la rue, ils rient sous cape à ses rodomontades et se moquent de ce faux puritain dont la dame arbore des lunettes en écailles de tortue  faites sur mesure pour la modique somme de 12 000 euros. Normal sans doute pour une gazetière de gauche à la mode, visiblement loin des réalités du peuple des usines chers à son compagnon de ministre ; un couple de notre temps  emblématique d’une élite politique et médiatique coupée des réalités populaires et droguée aux ors du pouvoir et de l’argent.

Dans le Comté, les affaires sont tout aussi tristement comiques, mon oncle ! Labatout règne dans le style original de ces terres audoises dont on dit des habitants qu’ils ont « la tête plate ». L’avenir y semble sans espoir et la fatuité se mélange à l’amertume dans un présent au souffle court. Le Comté s’avachit ! Seul Patrick de la Natte reste maigre tandis que son seigneur grossit et ses habits se fanent ; mais ils marchent toujours de concert, le dos voûté sous le poids de l’ennui. Dans le camp opposé, c’est la guerre ! Après celle des deux roses, au printemps dernier, voici celle, cet automne, des trois vilains petits canards. Qui seront bientôt quatre quand le sieur de la Godasse s’invitera dans cette mare aux ambitions comtales. Un quadrille mortel dans une trop petite mare où  s’exécutent déjà, au rythme des tambours, d’agressives figures chorégraphiques. Ils s’y noieront,  mon oncle ! Sans fleurs, ni couronnes ; dans l’indifférence et le silence de l’oubli…

Lundi, j’étais, avec mes trois amis, dans le Conflent, à Bélesta précisément. Le vent et une petite pluie nous attendaient au départ d’une randonnée plutôt facile. Il a fallu attendre le milieu de la matinée pour que le Canigou enneigé s’offre enfin à nos vues. Quelle beauté ! La montagne  nous offre tout ce que la société moderne oublie de nous donner, n’est ce pas mon oncle ?

Je t’embrasse.

 

 

 

Le livre des masques.

 

 

 

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Comme souvent le dimanche soir, je feuillette mes carnets de notes de lectures. J’en retire celles ci : les deux premières sont tirées du « Livre des masques » de Rémy de Gourmont, la dernière de la correspondance de Flaubert (1854-1861)

 

 

                                     .°.

·      « En un temps où, petits plagiaires de Sénèque le philosophe, les agents de change, les avocats populaires, les professeurs retirés dans un héritage, les millionnaires, les ambassadeurs, les ténors, les ministres et les banquistes, où toute la «noblesse républicaine», hypocritement joyeuse de vivre, s’attendrit avec soin sur le «sort des humbles», au moment même qu’elle leur met le pied sur la nuque, en ce temps-là, il est agréable d’entendre quelques paroles de franchise et M. Rebell dire: «Je veux jouir de la vie telle qu’elle m’a été donnée, selon toute sa richesse, toute sa beauté, toute sa liberté, toute son élégance; je suis un aristocrate.»

·      « Ceux-là qui ne portent pas en eux l’âme de tout ce que le monde peut leur montrer, auront beau le regarder: ils ne le reconnaîtront pas, toute chose n’étant belle que selon la pensée de celui qui la regarde et la réfléchit en lui-même. En «poésie» comme en religion, il faut la foi, et la foi n’a pas besoin de voir avec les yeux du corps pour contempler ce qu’elle reconnaît bien mieux en elle-même….»

·      « Un livre, cela vous crée une famille éternelle dans l’humanité. Tous ceux qui vivront de votre pensée, ce sont comme des enfants attablés à votre foyer. Aussi quelle reconnaissance j’ai, moi, pour ces pauvres vieux braves dont on se bourre à si large gueule, qu’il semble que l’on a connus, et auxquels on rêve comme à des amis morts ! »

 

Bonnes lectures ! La mienne, en ce moment? Les Diaboliques !

Serait-il interdit de dire?

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Au risque de la stigmatisation, qui, instrumentalisée pour de coupables raisons politiciennes ou de lâches postures « morales », cet article d’ Abdennour Bidar paru dans le Monde du 23 Marsreproduit ici, in extenso. Toujours d’actualité, et pour longtemps encore, hélas! De quoi penser surtout, loin des polémiques de circonstances, comme la dernière au sujet du démantèlement d’une cellule d’islamistes radicaux, prête à agir et à tuer. Et oser dire enfin ce que sont ces barbares de notre temps…

                                 *** 

Depuis que le tueur de Toulouse et Montauban a été identifié comme « salafiste djihadiste », c’est-à-dire comme fondamentaliste islamiste, le discours des dignitaires de l’islam de France a été de prévenir tout « amalgame » entre cette radicalité d’un individu et la « communauté » pacifique des musulmans de France. Cet appel au jugement différencié est nécessaire lors d’un événement comme celui-ci, parce qu’il suscite une vague d’émotion et d’indignation si puissante qu’elle risque d’abolir, dans un certain nombre d’esprits fragiles, toute capacité rationnelle à distinguer entre islam et islamisme, islam et violence, etc. Les dignitaires qui se sont exprimés ont donc assumé là une responsabilité indispensable pour la paix sociale, et nous pouvons espérer que leur parole contribue à éviter une aggravation de la défiance et des stigmatisations dont les musulmans de France restent souvent victimes.

Mais tout le mérite de cette réaction immédiate, responsable et nécessaire, ne suffit pas à éluder une question plus grave. La religion islam dans son ensemble peut-elle être dédouanée de ce type d’action radicale ? Autrement dit, quelle que soit la distance considérable et infranchissable qui sépare ce tueur fou de la masse des musulmans, pacifiques et tolérants, n’y a-t-il pas tout de même dans ce geste l’expression extrême d’une maladie de l’islam lui-même ?

Depuis des années, j’analyse dans mes travaux ce que j’ai désigné à plusieurs reprises comme une dégénérescence multiforme de cette religion : ritualisme, formalisme, dogmatisme, sexisme, antisémitisme, intolérance, inculture ou « sous-culture » religieuse sont des maux qui la gangrènent. Cette médiocrité profonde dans laquelle sombre l’islam s’observe certes à des degrés très divers selon les individus, de telle sorte qu’il se trouve toujours des musulmans moralement, socialement, spirituellement éclairés par leur foi, et de sorte aussi qu’on ne peut pas dire que « l’islam est par essence intolérant » ni que « les musulmans sont antisémites ». Ce sont là des essentialisations et des généralités fausses, dont certains usent pour propager l’islamophobie. Néanmoins, tous ces maux que je viens d’énumérer altèrent la santé de la culture islamique, en France et ailleurs.

Il s’agirait par conséquent, pour l’islam, d’avoir dans des circonstances pareilles un courage tout à fait particulier : celui de reconnaître que ce type de geste, tout en étant étranger à sa spiritualité et à sa culture, est pourtant le symptôme le plus grave, le plus exceptionnel, de la profonde crise que celles-ci traversent. Mais qui aura ce courage ? Qui en prendra le risque ? Comme je l’ai souligné aussi à de très nombreuses reprises, la culture islamique est depuis plusieurs siècles enfermée dans ses certitudes, enfermée dans la conviction mortifère de sa « vérité ». Elle est incapable d’autocritique. Elle considère de façon paranoïaque que toute remise en cause de ses dogmes est un sacrilège. Coran, Prophète, ramadan, halal, etc. : même chez des individus éduqués, cultivés, par ailleurs prêts au dialogue sur tout le reste, la moindre tentative de remise en cause sur ces totems de l’islam se heurte à une fin de non-recevoir. La plupart des consciences musulmanes se refusent et refusent encore à quiconque le droit de discuter ce qu’une tradition figée dans un sacré intouchable a institué depuis des millénaires : des rites, des principes, des moeurs qui pourtant ne correspondent plus du tout aux besoins spirituels du temps présent… et dont les musulmans ne se rendent pas compte eux-mêmes, le plus souvent, à quel point leur revendication a changé de nature parce qu’elle se fait au nom de valeurs tout à fait profanes (droit à la différence, tolérance, liberté de conscience).

Comment s’étonner que dans ce climat général de civilisation, figé et schizophrène, quelques esprits malades transforment et radicalisent cette fermeture collective en fanatisme meurtrier ? On dit d’un tel fanatisme de quelques-uns que « c’est l’arbre qui cache la forêt d’un islam pacifique ». Mais quel est l’état réel de la forêt dans laquelle un tel arbre peut prendre racine ? Une culture saine et une véritable éducation spirituelle auraient-elles pu accoucher d’un tel monstre ? Certains musulmans ont l’intuition que ce type de question a été trop longtemps ajourné. La conscience commence à se faire jour chez eux qu’il deviendra toujours plus difficile de vouloir déresponsabiliser l’islam de ses fanatiques, et de faire comme s’il suffisait d’en appeler à distinguer islam et islamisme radical. Mais il doit devenir évident pour beaucoup plus de musulmans encore que désormais les racines de l’arbre du mal sont trop enfoncées et trop nombreuses dans cette culture religieuse pour que celle-ci persiste à croire qu’elle peut se contenter de dénoncer ses brebis galeuses.

L’islam doit accepter le principe de sa complète refondation, ou sans doute même de son intégration à un humanisme plus vaste qui le conduise à dépasser enfin ses propres frontières et son propre horizon. Mais acceptera-t-il de mourir ainsi pour que renaisse de son héritage une nouvelle forme de vie spirituelle ? Et où chercher l’inspiration de ce dépassement ? En tant que spécialiste des pensées les plus profondes de l’islam, ces pensées philosophiques et mystiques d’Averroès (1126-1198) et d’Ibn Arabi (1165-1241), je vois à quel point leur sagesse a été perdue – la plupart des musulmans ne connaissent même pas leurs noms. Il ne s’agit pourtant pas de les ressusciter, ni de les répéter. Il est bien trop tard pour cela. Il s’agit de trouver leur équivalent pour notre temps. A cet égard, il ne suffit donc même pas d’être prêt à admettre enfin qu’il y a une « maladie générale de l’islam », et qu’il faudrait revenir à ces sagesses du passé.

Le défi est beaucoup plus important. Il faut que l’islam arrive à cette lucidité tout à fait nouvelle de comprendre qu’il doit se réinventer une culture spirituelle sur les décombres du matériau mort de ses traditions. Mais, autre difficulté redoutable, il ne pourra pas le faire seul et pour lui seul : rien ne servirait aujourd’hui de vouloir instituer un « humanisme islamique » à côté d’un « humanisme occidental » ou d’un « humanisme bouddhiste ». Si demain le XXIe siècle est spirituel, ce ne sera pas de façon séparée entre les différentes religions et visions du monde, mais sur la base d’une foi commune en l’homme. A trouver ensemble.

Abdennour Bidar, professeur de philosophie à Sophia Antipolis (Alpes-Maritimes)

 

 

Le fait religieux expliqué à ma petite fille.

  etoile-berger-L-cIMa6S.jpeg     A Elisa… Ne ferme pas ton cœur au mystère des choses…cherche, cherche toujours Méfie-toi toujours un peu de ceux qui te disent avoir trouvé….  

Tu as sans doute vu ces derniers temps a la télévision, des gens, dans toutes sortes de pays a travers le monde, qui défilent, la haine dans les yeux, la bave aux lèvres, qui éructent, vocifèrent, appellent au meurtre, ne rêvent visiblement que feu, cendres, plaies et bosses….Et tu t’inquiètes, tu as un peu peur…A juste titre. Tu te demandes sans doute pourquoi tant de violence, tout cela au nom d’un Dieu que, par ailleurs, ces mêmes personnes qualifient de Dieu d’amour et de miséricorde.

C’est que, vois tu, ces gens là aiment tellement leur dieu que non seulement, ils le veulent supérieur au dieu de tous les autres (ce qui, a la rigueur pourrait se comprendre) mais également, et c’est plus grave, ils refusent, qu’on puisse émettre la moindre critique vis-à-vis de lui et même, pire encore, qu’on puisse croire a un autre dieu que celui là ou ne pas croire du tout.

Mais cela, hélas tu le verras, est un phénomène bien connu…La sottise des uns nourrit la sottise des autres, l’islamophobe (celui qui n’aime pas l’islam sans d’ailleurs le connaitre) nourrit la haine de l’intégriste (qui ne le connait pas beaucoup plus et l’aime trop et mal). Chaque pole a ses extrémistes et ils se servent les uns les autres de repoussoir, on n’en sort pas…Mais tu sais, et tu l’as déjà constaté, si la bêtise n’existait pas sur la terre nous vivrions encore dans le paradis terrestre…Si Dieu existe, malheureusement, en même temps que le monde, il a crée le crétin…L’espèce s’est très bien acclimatée et a même beaucoup proliférée.

Un très vieux dicton affirme que l’homme est un loup pour l’homme…Je pense quand a moi, tu vois, que c’est méchant et injuste pour le loup car le loup, lui, n’est jamais un loup pour le loup.

L’homme, il adore un Dieu qu’il ne connait pas et il tue son semblable, le loup, il n’adore personne et il ne tue que les étrangers a sa race (et encore, ce n’est que pour manger…). Lequel est le plus nocif, a ton avis ?

Mais bon, il ne sert pas a grand-chose de déplorer tout ça, il faut faire avec et essayer, malgré tout, d’être utile…Mais comment diras tu ?

Eh bien d’abord, essayons de prendre de la distance vis-à-vis de nous-mêmes et des autres afin d’éviter les passions malsaines qui obscurcissent le jugement et, comme le philosophe, allons le nez au vent, libres et attentifs, sans aucun parti pris, regarder les hommes et efforçons nous de comprendre, sans les juger, leurs façons de faire et de penser…On y va ?… C’est parti…

D’abord, devant la religion, il y a trois sortes d’individus ce qui conditionne, bien sur, trois sortes de comportements (nous sommes tous forcément un de ces trois profils)

Primo, les croyants (très largement tous ceux qui croient en quelque chose de plus grand qu’eux, en bref ont une foi…) ; de ceux là on va parler abondamment, c’est le sujet principal de ce travail.

Secundo, les athées (de a privatif et théos Dieu) qui croient ou pensent qu’il n’y a pas de dieu…Là, il faut distinguer, tu vois, entre croire et penser, celui qui pense qu’il n’y a pas de dieu  est sans doute vraiment athée mais celui qui croit que dieu n’existe pas n’est déjà plus tout a fait athée puisque il croit a quelque chose (l’inexistence de dieu) donc il est, en quelque sorte croyant en négatif…Tu comprends ?

Cela dit, si tu dis ça a l’un d’entre eux, tu vas surement le mettre en colère…C’est pourtant logique, les mots ont toujours un sens, il faut faire très attention a la façon dont on les utilise.

Et puis, enfin, tertio, il y a les agnostiques (pour ton information c’est mon cas )…Le mot vient de a privatif, et de gnose qui, en Grec, signifie connaissance, ce qui veut dire, littéralement celui qui n’a pas la connaissance de Dieu, c’est-à-dire plus précisément, qui ne ressent a ce sujet , ni manque ni appel ni présence intime mais n’en conclut pas pour autant a l’impossibilité de l’existence d’une puissance supérieure…Simplement, ils ne se prononcent pas, ce sont les abstentionnistes de la foi, ce qui ne veut pas dire, bien entendu, que beaucoup d’entre eux ne soient pas en quête

Pour résumer, le croyant croit, l’athée ne croit pas, l’agnostique n’a pas de réponse. Les deux premiers sont dogmatiques (ils ont leur vérité), le troisième ne l’est pas (il cherche la vérité)

Tu jugeras au fur et a mesure de ton évolution et de tes connaissances duquel de ces profils tu te sens le plus proche et ce sera ta liberté.

Mais après cette précision qui me paraissait importante, je reviens a la première catégorie, les croyants, puisque c’est du fait religieux (donc de la foi) que je voulais te parler aujourd’hui.

Nous avons tendance, a priori, à nous méfier un peu de ces gens qui nous expliquent a leur manière quelque chose que personne ne comprend très bien (le monde) par quelque chose que l’on comprend encore moins (Dieu) et qui paraissent, en plus, pour beaucoup d’entre eux tellement pleins de certitudes.

Tu te rappelles de Socrate…Hein ? « Je sais seulement que je ne sais rien » eh bien, eux, ils prétendent savoir plein de choses. Tu vois là la différence fondamentale entre le philosophe et le religieux, entre les sages et les fanatiques (soyons justes, ils ne le sont pas tous, mais un certain nombre, hélas le sont)

Mais enfin, me demanderas tu peut être, ce sentiment du religieux, quand a-t-il commencé ?

Tu sais, parmi les problèmes que les hommes se posent depuis toujours figurent d’abord, bien sur, la peur devant l’inconnu et ensuite, l’insatisfaction…En effet l’être humain ne se contente jamais de ce qu’il a, la vie, l’amour, la possibilité d’en jouir a sa guise mais en plus, il ne se contente pas non plus de ce qu’il est…Petit, fragile, mortel… Vois-tu, c’est le seul animal qui très vite a su faire du feu et enterrer ses morts (ce qui est sans doute la première manifestation du religieux) mais surtout a su s’abstraire de sa vie physique immédiate pour avoir le sentiment, seul parmi les êtres vivants, de l’inexistence ou de l’invisible. Il lui fallait donc, pour transposer ses frustrations, quelque chose de plus complet, de plus grand, de plus fort et comme il fallait nommer cette chose, il l’a appelé Dieu.

Ce fut d’abord par une sorte de magie quand les premiers hommes, dans les cavernes, essayaient de se concilier les puissances occultes et anonymes qu’ils percevaient comme effrayantes (le tonnerre, les éclairs, la dureté du climat, les grands fauves etc.).

La religion, proprement dite commença quand l’homme voulut se concilier aussi une divinité personnelle qui veillerait sur lui, le protégerait, prendrait en compte son désarroi devant l’incompréhensible et le rassurerait.

C’est comme cela que l’homo sapiens, notre très lointain ancêtre devint « homo religiosus » formule que j’emprunte a Régis Debray, un philosophe contemporain)

Après donc avoir défini le principe, il fallait évidemment le codifier.

Pour cela se sont manifestés des guides habilités, médiateurs et intercesseurs…Ce furent d’abord, dans les premiers temps, des devins, des sorciers, des mages, des chamans. Ensuite, au fur et à mesure que les doctrines se précisaient, des yogis, des brahmanes, des prêtres, des imams voire des commissaires du peuple (pour une religion dont je te parlerai plus tard et qui s’appelle le communisme.)

Sont venues ensuite les techniques censées t’amener à la connaissance ou à la reconnaissance de ce principe transcendant (transcendant, ça veut dire au dessus de toi)

Pour les uns ( les chrétiens), cela se traduisit par des jeunes, des macérations, toutes sortes de souffrances que le croyant s’inflige en forme d’expiation d’un certain péché originel commis au début du monde par de lointains ancêtres…Ces gens là adorent se faire mal depuis toujours.

Pour les musulmans ce fut la soumission totale, absolue, sans murmure a leur Dieu (musulman ça vient de muslim en arabe qui veut dire soumis…Alors tu vois…)

Pour les hindouistes il s’agit de se mettre en état de réceptivité extrême, quasiment hors de soi même, pour opérer le grand retour sur soi et se fondre dans le grand tout.

Les bouddhistes, quand a eux, cherchent à se débarrasser d’une individualité considérée comme illusoire, à se détacher complètement du monde visible pour retrouver un état de grâce immatériel perçu comme unique réalité. (Tu vas me dire que pendant qu’ils font tout ça, il y en a heureusement qui travaille…Hein ? Et tu auras raison)

Les juifs, dont la religion, le judaïsme, fut la mère des deux autres grandes religions dites du livre (christianisme et islam…) Le livre c’est, bien sur, la bible, mais je t’expliquerai cela plus tard), ils adorent un dieu, Jéhovah, qui n’a jamais arrêté, tout au long de l’histoire de leur faire toutes sortes de misères, mais ils trouvent ça parfaitement mérité, plus il leur fait de vacheries plus ils l’aiment…L’un d’entre eux l’a même écrit, il y a très longtemps :

« Dieu est juste, il veut que je souffre, il sait que je suis innocent »

Ne cherche pas à comprendre, c’est un peu compliqué, moi-même, j’ai un peu de mal…!

Et tu vois, tous ces gens, les uns comme les autres, se prosternent, se balancent, tournent sur eux-mêmes, s’agenouillent, psalmodient des prières…

Les uns portent une croix, d’autres mettent un turban, certains se rasent la tête, d’autres encore couvrent les cheveux de leurs femmes et se laissent pousser la barbe, quelques uns se font des papillotes aux cheveux, pendant que d’autres laissent pousser une natte…Les uns détestent le cochon, d’autres adorent les vaches…Il ya des chants et des liesses, des cris de haines et d’adoration, des larmes de douleur et d’extase…

Cela peut te paraitre assez drôle , et ça l’est quelquefois en effet, mais cela ne l’est pas vraiment même si, c’est vrai, je t’explique tout ça de façon un peu légère, car, vois tu, cela traduit l’immense désarroi de l’homme devant sa condition ainsi que cette espérance irraisonnée de croire en quelque chose qui lui donnera la clé de son existence….Cela montre aussi l’infinie diversité de toutes ces croyances écloses au cours de l’histoire dans des lieux et au cours d’époques différentes, croyances prêchées par des individus également différents mais qui ont toutes en commun d’essayer de trouver un sens et de percer le mystère incompréhensible du monde et de la vie. Et puis, c’est vrai, les religions permettent cette fusion des cœurs dans une même espérance, elles donnent un sens a la fuite du temps et des jours par cette pratique rituelle de toutes sortes de cérémonies et de dévotions qui permettent à chacun de retrouver chacun et à tous de retrouver tous.

Le religieux occupe l’espace de la vie en la sacralisant, tu comprends, et puis, tu le sais, rien n’est jamais sorti de rien, si les religions existent c’est qu’elles sont l’émanation du désir et de la volonté des hommes…C’est comme cela depuis toujours, les hommes ne sont vraiment ensemble que quand ils peuvent communier dans une même adoration…Tu le vois, c’est un Dieu ou un prophète mais cela peut être aussi (bien que sur un autre plan ) un chanteur a la mode, un footballeur qui marque beaucoup de buts, un homme politique (celui que tu veux selon que tu es de droite ou de gauche ) voire même une princesse quelconque d’un royaume d’opérette…C’est comme un tic, une seconde nature, ils faut qu’ils se prosternent, s’agenouillent, se fustigent, inventent des louanges, des prières, des invocations, bref, qu’ils se soumettent.

Peut être, tout simplement, parce qu’ils ne se suffisent pas a eux-mêmes et donc se projettent vers d’autres eux-mêmes idéalisés et fantasmés…Avec le temps, la plupart des idoles s’effondrent mais les idolâtres, eux, demeurent.

L’homme vraiment libre ne se prosterne devant rien, il est debout…Solidaire de ses semblables, pleinement parmi eux mais droit…Il n’en adule aucun, il n’a pas de manque, il se suffit a lui-même. Voilà l’idéal mais, comme tout idéal, il a la particularité d’être très rarement atteint, il faut être très fort pour être totalement libre, Cela n’empêche pas de toujours le viser !

Cela dit, chacun a son idée de la divinité…Les monothéistes (mono, un théos dieu) pensent qu’il n’y en a qu’un et  c’est le cas des chrétiens, des juifs et des musulmans.

Les polythéistes croient qu’ils y en a plusieurs (comme les hindous, par exemple).

Les panthéistes (pan c’est l’universel) pensent que Dieu est partout en chaque chose de sa création tandis que les animistes(en Afrique, surtout) imaginent Dieu comme l’âme du monde (anima c’est l’âme en latin)

Tu le vois, a chacun sa conception mais tous ont cependant un point commun…Ils prêtent a Dieu la même forme et les mêmes sentiments que les leurs.

Un philosophe Grec (encore un Grec !) disait, à peu près, que pour le cheval, si le cheval pouvait penser son dieu, celui-ci aurait forcement une forme de cheval, pour la fourmi il aurait forme de fourmi…Pour le chameau ce serait un dieu avec deux bosses, le dieu du dromadaire n’en ayant qu’une comme chacun sait…Cela veut dire que notre dieu nous ressemble, bien sur, puisque c’est nous qui l’avons crée a notre image et pas le contraire, donc, nous lui prêtons aussi nos réactions, nos sentiments, nos colères motivées par des circonstances qui n’ont rien de divin mais tiennent, simplement, a toutes nos contradictions et a toutes nos faiblesses.

Cette tentation d’identifier Dieu a notre personne humaine s’appelle l’anthropomorphisme (anthropos c’est l’humain, morphos c’est la ressemblance), elle est, elle aussi, d’essence uniquement religieuse car la philosophie, lorsqu’elle se penche sur le concept de Dieu ne le fait jamais de cette façon.

Tu vois donc comme cela est complexe et varié en même temps que multiple !

Tu sais ce qui serait formidable ? Rêvons un peu…Ce serait que tous les dieux, de partout, du sud au nord et de l’est a l’ouest, les uniques et les multiples, tous, se réunissent quelque part au plus haut des cieux (au besoin, en se faisant la courte échelle )…Ils nommeraient Allah, le dieu des musulmans président de séance parce que c’est celui qui, visiblement, a le plus de mal a tenir ses troupes actuellement.

Ensuite ils prendraient un énorme sifflet (divin, bien sur), ils demanderaient a Eole (c’est le dieu du vent, donc celui qui a le plus de souffle) de siffler la fin de la récréation dans cette cour d’école où tout le monde se tape dessus !

Stop…ça suffit…tout le monde en rang par deux et en classe pour apprendre enfin à vivre une vie meilleure, plus intelligente et plus belle !

C’est ça qui serait bien…Non ?

Mais trêve de plaisanteries, tu vois, je crois qu’il faut essayer de ne pas être des béats stupides confits en dévotions ni, non plus, des ricaneurs plus ou moins malins, se croyant au dessus des angoisses humaines.

Un grand écrivain, qui s’appelait Paul Valery a écrit « que deviendrions nous sans le secours de ce qui n’existe pas »…Un autre, encore plus grand, Fédor Dostoïevski, lui, a écrit « Si Dieu n’existe pas, alors tout est permis », et ils n’étaient profondément croyants ni l’un ni l’autre, simplement ils posaient la question dans toute sa dimension au-delà des facilités intellectuelles de tous les dogmatiques.

Il faut bien réfléchir là-dessus, vois tu…C’est, encore une fois, par les écrivains, les poètes, les philosophes et les artistes que l’on peut trouver certaines pistes.

Cela dit, bien sur, les croyants peuvent croire en toute liberté en ce qu’ils ont envie de croire…Ils n’ont simplement pas le droit de chercher à nous imposer leur croyance…Cela parait évident et pourtant, tu le verras avec surprise, cela parait compliqué pour certains d’entre eux de l’admettre.

Dans notre pays, il a fallu attendre 1905 (a peine un peu plus d’un siècle) pour que l’état Français, très sagement, décide par une loi, que l’on appelé loi de séparation de l’église et de l’état, que tout ce qui était du domaine de la gestion des affaires publiques devait être totalement séparé du religieux.

Autrement dit, l’état s’occuperait des gens, de l’organisation pratique temporelle de leur vie en commun tandis que les églises s’occuperaient de leur âme, de leur vie spirituelle et de leur relation à l’au-delà…Les deux choses ne se mélangeant pas. L’état respecterait toutes les croyances, domaine privé de chaque individu, en retour, les religions devraient respecter l’état souverain qui fairait ses choix hors de toute influence dictée par une croyance religieuse quelconque.

Cela parait d’une grande logique, non… ? Eh bien, tu vois, il y a toujours des gens, y compris chez nous en France, qui ne veulent pas comprendre ni admettre ça ! Il appartiendra à ta génération de le réaffirmer toujours, sans aucune faiblesse, et de le faire respecter, il en va d’une des libertés les plus précieuses de l’homme…Celle de penser.

Voilà, mon bouchon, j’arrive au bout de ce petit voyage ou je voulais t’emmener pour essayer de te faire mieux comprendre ce phénomène religieux si présent dans la vie des hommes depuis toujours…J’ai quelquefois été un peu moqueur, un peu ironique en te décrivant certaines choses, mais je voudrais que, au-delà de ces formes un peu critiques, tu prenne aussi en compte dans ta réflexion certaines choses qui me paraissent très importantes afin d’avoir une vision équilibrée et complète du phénomène.

Il ne faut, en effet, ne jamais perdre de vue que, pour beaucoup de pauvres gens dans le monde, cette idée qu’ils se font de Dieu, cette croyance en son existence, c’est un peu ce qui reste quand on a tout perdu…

Les paumes douces et chaleureuses qui recueillent l’oiseau blessé, la litière odorante où pourra se coucher le cheval fourbu, le baume apaisant et la cache secrète où la bête meurtrie viendra lécher ses plaies…C’est tout cet amour donné et reçu, déposé là dans le monde si on veut bien le voir et puis le prendre et qui, étonnamment grandit toujours au fur et a mesure qu’on en use…

Peu importe, finalement, comment on définit cet éternel miracle de l’amour ici bas, l’essentiel n’est il pas que cela existe ? Que cela nous donne si souvent tant de joie dans le cœur et quelquefois des larmes de bonheur dans les yeux ?

Peut être, toi aussi, sentiras tu un jour, dans le plus profond de ton être, naitre une croyance, un appel de quelque chose de plus fort, de plus grand que toi et reconnaitras tu alors, dans une de ces religions dont on vient de parler, la traduction de cette aspiration…Cela ne regardera que toi et, si cela devait te faire alors une vie plus belle, plus grande, plus haute, si cela devait répondre de façon satisfaisante a ces questions lancinantes que tout homme se pose, j’en serais extrêmement heureux pour toi et je le respecterais totalement et profondément…

Mais, vois tu, si cette croyance, cette foi, devait t’amener au fanatisme et au mépris des autres…Si elles devaient t’amener a penser qu’il est inadmissible de croire et de ressentir autre chose que toi…Alors, je le condamnerais avec toute la force dont je serais encore capable, je crois même que j’aurais alors du mal a t’aimer autant que je t’aime aujourd’hui…Parce que l’intolérance, tu vois, c’est le cancer absolu de l’âme humaine, c’est une des rares choses, peut être, contre laquelle tout être doué de raison doit prendre les armes.

Toute l’histoire de  l’humanité est jalonnée d’horreurs, de drames, de crimes causés par cet ignoble chancre de l’esprit et, cela parait fou, mais il y a encore des hommes ou des femmes qui ne veulent toujours pas le voir ou le reconnaitre ! Tu vois, contre ces gens là, après avoir tout essayé pour les convaincre de rejoindre la voie de la raison et si on n’y arrive pas, il deviendra légitime de se battre !

Mais heureusement, nous n’en sommes pas là, simplement il ne faut leur laisser aucune brèche ou ils pourraient s’engouffrer…A vous d’être vigilants !

Voilà, mon petit bouchon, nous venons de nous promener un peu, le nez au vent, la main dans la main, comme des êtres pensants, comme des êtres libres parmi le plus intime et le plus profond des hommes…Sans doute, ne comprendrons nous jamais le monde mais au moins savons nous en savourer l’ineffable et extraordinaire beauté.

Il suffit parfois d’avoir dans sa main la main de quelqu’un que l’on aime pour comprendre et pour vivre intensément l’immense bonté des choses…

Alors, qu’on le nomme Dieu ou raison, hasard ou nécessité, qu’on l’appelle miracle ou bien cadeau…Peu importe, après tout, le nom qu’on donne a l’escabeau, l’essentiel c’est qu’il t’aide à monter…

Et là haut, tout là haut…ton étoile t’attend…

Texte signé de mon ami Jacques Raynal.