Sur le style, en littérature, mais pas seulement, cette page lue dans « La culture des idées » de Rémy de Gourmont (1858-1915). Ce matin, juste après mon café. Corsé!
Mes lectures:
«Déprécier l’écriture, c’est une précaution que prennent de temps à autre les écrivains nuls; ils la croient bonne; elle est le signe de leur médiocrité et l’aveu d’une tristesse. Ce n’est pas sans dépit que l’impuissant renonce à la jolie femme aux yeux trop limpides; il doit y avoir de l’amertume dans le dédain public d’un homme qui confesse l’ignorance première de son métier ou l’absence du don sans lequel l’exercice de ce métier est une imposture. Cependant quelques-uns de ces pauvres se glorifient de leur indigence; ils déclarent que leurs idées sont assez belles pour se passer de vêtement, que les images les plus neuves et les plus riches ne sont que des voiles de vanité jetés sur le néant de la pensée, que ce qui importe, après tout, c’est le fond et non la forme, l’esprit et non la lettre, la chose et non le mot, et ils peuvent parler ainsi très longtemps, car ils possèdent une meute de clichés nombreuse et docile, mais pas méchante. Il faut plaindre les premiers et mépriser les seconds et ne leur rien répondre, sinon ceci: qu’il y a deux littératures et qu’ils font partie de l’autre. Deux littératures: c’est une manière de dire provisoire et de prudence, afin que la meute nous oublie, ayant sa part du paysage et la vue du jardin où elle n’entrera pas. S’il n’y avait pas deux littératures et deux provinces, il faudrait égorger immédiatement presque tous les écrivains français; cela serait une besogne bien malpropre et de laquelle, pour ma part, je rougirais de me mêler. Laissons donc; la frontière est tracée; il y a deux sortes d’écrivains: les écrivains qui écrivent et les écrivains qui n’écrivent pas, — comme il y a les chanteurs aphones et les chanteurs qui ont de la voix.»
Andrée Chédid est morte.hier!On est triste. Très! Ce soir on relira : « L’Etoffe de l’univers ». Comme je le fis un soir où le sommeil manquait. C’était il y a quelques semaines. Un soir froid où soudain surgit le feu d’un poème.
Le voici ce petit texte que je consacrais alors à cette grande et belle dame:
Mes lectures
Il est des nuits comme çà! On se couche très tard, après un copieux repas, trop ! Trop de bruit aussi… Et le froid et le vent qui vous glacent les os… Et le sommeil qui s’attarde, longtemps…Trop. On tourne autour et on finit par l’ouvrir ce livre posé là, sur un fauteuil. Des poèmes, ceux d’Andrée Chédid. Pour tomber sur celui-ci: » Bruits « .
La nuit Parfois S’anime Du clapotis de l’eau Et des sanglots du vent Vibrante,comblée Par cet étrange bruit Je brûle soudain pour un feu qui S’embrase Puis pour me recueillir Je brûle pour le silence glacé d’un feu éteint
Un poème qu’elle prolonge d’un commentaire de l’admirable métaphore de Kulluka Bhaffa(le plus fameux des exégètes des lois de Manou): » Comme le feu qui pénétrant les mondes prend la forme inombrable des choses, le Soi unique au fond de tous les êtres emplit les formes et l’espace autour d’elle « . Il me suffit, dit-elle, de remplacer le mot » feu » par » poésie « … Ce langage des Dieux.
Elle part en vacances dans un pays, la Tunisie, en plein troubles sociaux et politiques. Elle y voyage dans un avion privé appartenant à un homme d’affaire tunisien qui souhaitait l’été dernier un nouveau mandat pour Ben Ali en 2014. Et, à son retour en France, au plus fort de la révolte, elle propose le « savoir faire » sécuritaire français aux hiérarques du clan Ben Ali. Cette dame est Ministre d’Etat, Ministre des Affaires Etrangères ! Elle devrait être l’incarnation d’une « République irréprochable », elle représente désormais la figure même de l’incompétence, au mieux, de l’irresponsabilité politique et morale, au pire. Ou des deux à la fois ! Au moment où les peuples de Tunisie et d’Egypte cherchent une voie pour enfin vivre en démocratie, on est en droit d’attendre un devoir d’exemplarité de la part de ceux qui se sont engagés dans la vie publique pour en défendre ses valeurs. A tous les étages de nos institutions et quelque soit leur niveau de responsabilité. Cette dame qui s’était engagée à promouvoir le bien commun s’est disqualifiée. Elle devrait en tirer toutes les conséquences. Affaire de dignité !
On » plonge » dans le » Gai Savoir » comme il convient de le faire: sans réfléchir. Sur d’y trouver un petit bonheur de lecture et de méditation.
Mes lectures: Livre premier- § 8
» Dignité perdue. – La méditation a perdu toute sa dignité de forme, on a tourné en ridicule le cérémonial et l’attitude solennelle de celui qui réfléchit et l’on ne tolérerait plus un homme sage du vieux style. Nous pensons trop vite, nous pensons en chemin, tout en marchant, au milieu des affaires de toute espèce, même lorsqu’il s’agit de penser aux choses les plus sérieuses; il ne nous faut que peu de préparation, et même peu de silence :- c’est comme si nous portions dans notre tête une machine d’un mouvement incessant, qui continue à travailler même dans les conditions les plus défavorables. Autrefois on s’apercevait au visage de chacun qu’il voulait se mettre à penser – c’était là une chose exceptionnelle! – qu’il voulait devenir plus sage et se préparait à une idée : on contractait le visage comme pour une prière et l’on s’arrêtait de marcher; on se tenait même immobile pendant des heures dans la rue, lorsque la pensée « venait » – sur une ou sur deux jambes. C’est ainsi que cela « en valait la peine »! «
C’est intéressant ! Combien de fois l’avons-nous nous entendu dire. Par un ami, hier, de retour d’une FIAC qui porte si bien son acronyme, et par un autre, récemment, revenant d’une interminable procession d’adoration populeuse devant des « Monet ». Par cette présentatrice platinée aussi à propos d’un affligeant film coproduit par sa chaîne. Ou dans la bouche de ce critique verbeux en panne d’idées et de mots. Jamais comme aujourd’hui une époque ne fut indifférente au sens des mots et des choses. Comme aux rapports qu’ils entretiennent avec ceux qui les font naître. Des êtres de surface blasés, oublieux d’un temps qui les écrase par la surabondance d’un imaginaire de pacotille, et qu’ils consomment dans une ivresse désespérée.
Martin Heidegger,« Que veut dire Penser ? « , in Essais
» Inter-esse veut dire : être parmi et entre les choses, se tenir au cœur d’une chose et demeurer auprès d’elle. Mais pour l’intéressé moderne ne compte que ce qui est « intéressant ». La caractéristique de ce qui est intéressant, c’est que cela peut, dés l’instant suivant nous être déjà indifférent et être remplacé par autre chose, qui nous concerne alors tout aussi peu que la précédente. [..] On croit honorer ce qu’on trouve intéressant. En vérité un tel jugement fait de ce qui est intéressant quelque chose d’indifférent et bientôt d’ennuyeux. »
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