Le Grand Narbonne a présenté récemment son projet : «Grand Narbonne, destination européenne d’excellence». Destination européenne d’excellence ! Nos voisins de Barcelone, Montpellier, Nîmes, Marseille, Nice… je laisse à chacun le soin d’allonger la liste autour de la Méditerranée, puisque nos édiles affirment que la Narbonnaise en est « un véritable concentré », en tremblent encore.
Il est des anagrammes difficiles à prononcer. Essayez O.P.H.L.M devant Jacques Bascou, son Président pour le Narbonnais, il brandit des gousses d’ail pour conjurer le malheur. L’Office est son chemin de croix. Tous les matins du monde, il s’y rend, l’âme en tourment. Une vraie malédiction ! Une charge de son prédécesseur, qu’il voulait mettre sur le banc des accusés, à présent un boulot qu’il porte comme un épouvantable fardeau. Procès, inspections, enquêtes de police, déficits abyssaux, ambiance au couteau dans les bureaux égrènent douloureusement le fil de son pénible quotidien. Un chapelet de misères dévidées par nos gazettes, des « protestants » sans indulgence, des paroissiens qui ne savent plus à quel Saint se vouer…et des pauvres gens qui désespérément attendent que leurs logements soient rénovés et pour d’autres mis en chantier. Quelle entrée en Carême pour Jacques et ses sous-officiers tout de même ! Alllez, pour elles et pour eux, pour tous les mal logés du Narbonnais, ayons un peu pitié !…
Manuel Cudel a mené l’enquête et nous révèle ce matin dans le Midi Libre le contenu de l’accord passé entre le Grand Narbonne et Philippe Lucas. Un achat « d’image » en réalité. Et quelle image ! Celle d’un faux voyou au physique bodybuildé et un peu empâté dont les « Guignols de l’info » et Nicolas Canteloup assurent la notoriété ! Après Forster et les lignes épurées de son futur musée, je pensais que la communication de cette ville allait enfin changer. Eh bien, voilà qu’on nous annonce, de l’Espace Liberté, le grand retour de l’antique péplumnisé et grassement rémunéré. Car, sans vouloir l’offenser, Philippe Lucas est à la communication institutionnelle ce que l’amphore géante du rond point de Narbonne est au mobilier urbain : le comble du kitsch ringardisé…Cui bono ?
«Quand j’habitais Alger je patientais toujours dans l’hiver car je savais qu’en une nuit, une seule nuit pure et froide de février, les amandiers de la vallée des Consuls se couvriraient de fleurs blanches. Je m’émerveillais de voir ensuite cette neige fragile résister à toutes les pluies et au vent de la mer. Chaque année, pourtant, elle persistait juste ce qu’il fallait pour préparer le fruit.»
Dans ce texte de 1940 : l’Eté, Camus associe la fleur d’amandier à la force de caractère, qu’il définit ainsi : «Je ne parle pas de celle qui s’accompagne sur les estrades électorales de froncements de sourcils et de menaces. Mais de celle qui résiste à tous les vents de la mer par la vertu de la blancheur et de la sève. C’est elle qui, dans l’hiver du monde, préparera le fruit.»
Une force de caractère qu’il nous demande de ne pas oublier, de toujours mobiliser; une force propre à vaincre «l’esprit de lourdeur» et ses vertus gémissantes.
C’est au retour d’une petite randonnée dans le massif de la Clape, hier, par vent violent, pluie et grésil mêlés, que cette méditation de Camus m’est vaguement revenue à l’esprit.
Devant mon clavier, une branche d’amandier. Je l’ai ramassée au pied de son arbre …
Stendhal l’avait déjà noté dans son Journal de Voyage daté de 1838. Narbonne ! « C’est la patrie du vent. » Le Midi Libre, en dénombre quatre. Quatre vents qui font l’accroche d’une rubrique quotidienne. Y sont rapportés les « on-dit », les rumeurs, les potins de la petite « société » narbonnaise ! On y médit et ironise, on se croirait dans un dîner en ville, mais sans méchancetés. Ainsi, savons nous que Gérard Dubois, notre ancien sous-préfet, était très en verve, l’autre soir, à la table étoilée de Saint-Crescent. Montaigne, la bonne chère et les cigares ont été invoqués devant une assistance fournie en notabilités. Une exotique pipe aussi a été honorée : le calumet de la paix, par les Amérindiens des plaines autrefois utilisée pour, avec leurs Dieux, communier. Il est vrai que Jacques Bascou, le maire, Didier Mouly, le fils de l’ancien maire ( qui ne rêve, à son tour, que de le devenir ! ) et Hervé Fraisse, le délégué de Patrice Millet ( qui lui, tous les matins, y pense ) étaient de l’honorable tablée . L’occasion, pour les membres de ce « club » huppé de fumeurs de havanes, de disserter sur leurs qualités afin de les départager. Le partage d’expériences, comme pour un vitole, importe en effet ; comme importe aussi son origine, l’ aspect et son remplissage. Enfin, surtout, surtout, il convient, à la bonne mine des vendeurs, de ne jamais se fier . A ma connaissance, Gérard Dubois et ses amis fument encore ! Les effluves du calumet de la paix n’ont toujours pas permis, au « grand esprit » des Amérindiens convoqué, de les aider à distinguer, des trois, le mieux doté. Quoique, en secret…