Chronique du Comté de Narbonne.

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Ah, mon oncle dans quel étrange monde vivons nous ! Le Dieu des chrétiens peut être offensé ici sous toutes les formes et ses adeptes tués en terre d’islam, nos autorités morales, médiatiques et politiques se taisent. Comme elles se taisent ou s’expriment si peu, quand des foules ignares et fanatisées  cassent et tuent dans les rues de Benghazi du Caire parce que le leur aurait été insulté. Tu me le faisais remarquer dans ta dernière lettre, il ne peut plus être émis de critiques dans le Royaume envers certains actes et pratiques de mahométans « intégristes » résidant ici (certes minoritaires) ou ailleurs (ils le sont moins)  sans que leurs auteurs soient mis, par la caste régnante sur les consciences, au banc de l’infamie. Islamophobes et racistes seraient ces esprits libres ne supportant plus qu’ « on » les assigne à un silence surveillé et honteux. Pour nos gardiens du camp de la bien pensance, leur liberté ne serait que le masque hideux d’un conservatisme ranci, d’une réaction pathologique et nuisible, d’une haine maladive de la « diversité ». Ainsi, va l’esprit du temps, mon oncle, la liberté de critiquer les religions est revendiquée par les antipapistes militants, qui ne l’exercent guère envers d’autres traditions, l’islam fondamentaliste, notamment, il est vrai beaucoup moins « pacifiste ». Dans le Royaume, récemment, un Christ plongé dans l’urine, une pièce de théâtre ridiculisant le messie des chrétiens, n’ont évidemment déclenché que des réactions pacifiques et sévèrement stigmatisées au nom de la liberté d’expression. Espérons, tout de même, que la manifestation organisée à Paris par « ces fous de Dieu » près de l’ambassade du « Nouveau Monde » saura redresser – un verbe prononcer en boucle par tous les conseillers du Roi – nos esprits amollis par trente ans d’arrogance intellectuelle et de lâcheté morale perpétuellement touillées dans la marmite de la repentance coloniale et de la haine de soi. A l’exemple de Manolo Valsez, le solitaire chef rosien de nos pandores royaux, que des bouffons accrédités auprès de gazettes gardiennes du Bien caricaturent en l’affublant d’un bonnet bleu tricoté par  feu Roi Tarkoly ! Faut-il que je te précise, mon cher oncle, afin d’éviter toute ambigüité à mon propos de ce jour, que j’ai toujours gardé à l’esprit tes leçons sur cet Islam des lumières et ses  savants du Moyen-Âge, sans qui nous aurions oublié Platon et Aristote, et une grand part de notre propre culture ; ce dont l’identité française ne peut  à l’évidence se passer. Est ce donc trop demander que les mots cernent enfin les faits et l’histoire plutôt que de remplir le vide d’une plate et peureuse pensée prétendument moderne ? A ce sujet, des mots et du vide, les fortes paroles de dame Ripittiti , en charge de la culture (!!!), à « L’Univers », sonnent comme un marteau pilon dans un bain de vapeur notre entrée dans l’ère du creux. Il lui faut montrer, dit-elle, « que la culture est le disque dur de la politique, du point de vue de la citoyenneté et de l’économie. » Passons sur le style d’une élégance atavique et proprement lorraine, pour le reste, c’est à dire l’essentiel, j’ai beau tourner la phrase dans tous les sens, j’avoue n’y rien comprendre. Des mots sans queue ni tête, lourds et grossiers,  pour colmater  son  néant conceptuel. Une forme de mensonge somme toute banale et grossière, et du plus haut comique, me faisais tu remarquer dans ta dernière lettre,  tout en m’invitant à traquer sans pitié la colonisation de notre langue par ces pernicieux euphémismes inventés tous les jours par nos professeurs de vertus. Ainsi Mme Delaniaise, chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie qui, ne pouvant redresser nos « anciens » forts courbés, veut ajouter aux désormais classiques « jeunes des banlieues, banlieues sensibles et sans papiers »,  « avancer en âge et « monter amoureux » : vieillir et tomber amoureux étant chargés de connotations négatives, affirme-t-elle sottement. Ce qui pourrait donner d’épicés dialogues : « Mademoiselle, je suis éperdument monté amoureux de vous ». « Quoi ! Vous voulez me monter ? ». Et ton ami Christian Millau, qui n’écrit pas que de savoureuses chroniques gastronomiques, de proposer la modification d’urgence par l’Académie de l’expression  chômeur par «  en situation de rupture de la chaîne citoyenne du travail » ou clandestin renvoyé dans son pays par «  nomade interrompu dans son projet de société ». Tout un programme ! Ne changeons pas le monde, changeons les mots et l’histoire sera plus belle, n’est ce pas mon oncle ? Pour la petite, histoire, t’ai je dit que j’avais cheminé sur le sentier de Nietzsche, à Eze, dans le Comté de Nice, où j’ai séjourné quelques temps ? C’est là, sous le ciel alcyonien de Nice, qu’il trouva le troisième Zarathoustra, cette partie décisive de son oeuvre qui porte le titre : « Des vieilles et des nouvelles Tables ». Il dormait bien et riait beaucoup ; et vivait dans un parfait état de vigueur et de patience. C’est là qu’il écrivit aussi cette phrase, que je récitais sans cesse sur ce sentier autrefois emprunté par lui : « Frotte tes yeux, afin d’en chasser le sommeil, toute myopie et tout aveuglement. Écoute-moi aussi avec tes yeux: ma voix est un remède, même pour ceux qui sont nés aveugles »… Bonne nuit mon oncle !

 

 

La rose et le résidu.

 

 

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Je voulais trousser un petit madrigal en l’honneur de nos nouveaux gouvernants puisqu’aussi bien, depuis la tragique disparition de leur barde officiel et patenté dans la forêt vosgienne (tu sais, celui qui célébrait le passage des ténèbres à la lumière et qui a vécu là dessus pendant trente ans), ils paraissent dépourvus de thuriféraire officiel.

A priori la chose est difficile car il faut bien avouer que le sujet n’inspire pas particulièrement les envolées épiques et il faut une certaine imagination pour y voir une quelconque épopée…Mais, cependant, tel Clément Marot a la cour de François 1er (celui de Marignan et du drap d’or, pas celui de l’observatoire), je voudrais essayer, en l’honneur de François deux dit « le normal » (second de la lignée dont l’avènement date de cette lumière dont je parlais plus haut, le premier étant François 1er dit « le futé »… ) de lui donner un petit triolet, une suite enjouée et guillerette destiné a soutenir son moral et sa déjà légendaire combativité face aux jours difficiles qui s’annoncent.

Paraphrasant un peu Aragon, j’avais d’abord pensé comme titre à « la rose et le résidu », tant il apparait que, pour reprendre en la modifiant un peu une célèbre formule, le PS d’aujourd’hui, c’est ce qui reste du socialisme quand on a tout oublié….

Et puis, le reste venait bien… « celui qui croyait aux promesses et celui qui n’y croyait pas »… etc., ça paraissait coller…

Mais finalement et j’en demande pardon aux mânes du bon Jean de la  Fontaine, je me suis replié sur un petit pastiche d’un de ses petits tableaux que tout le monde reconnaitra…Un peu, également, c’est vrai,  parce que, dès qu’il est question de fables, le nom du PS vient immédiatement à l’esprit tant il excelle dans ce domaine…La transition apparaissait donc très facile…

Voici donc le résultat de cette cogitation en espérant bien, je l’avoue, que cela me vaudra une croute de fromage dans l’une quelconque de ces petites cours de province ou les baronnets des lieux dispensent leurs bienfaits aux affidés avec tant de largesse.

Après tout, semble-t-il, être journaliste, poète ou créateur appointé et subventionné est désormais le rêve de tout artiste qui se veut libre ! Non…?

 

Le PS ayant sifflé cinq années,

Se trouva fort dépourvu

Quand son heure fut venue…

Plus un seul petit euro

Pour faire encore le Zorro…

Il alla crier famine

Chez Angela sa voisine,

La priant de lui prêter

Quelques euros pour subsister

Jusqu’aux élections prochaines…

« J’ai tout bouffé, foi d’animal

Intérêt et principal ! »

La teutonne n’est pas prêteuse,

C’est là son moindre défaut…

Que faisiez-vous aux temps beaux … ?

Dit-elle à cette emprunteuse…

Euh, je promettais…

Je braillais, éructais, m’étranglais de colère,

Je sauvais en discours l’humanité entière,

Oh, oui,, je promettais aux foules laborieuses

Des lendemains qui chantent, des fins de mois heureuses,

Je faisais rendre gorge à tous les possédants,

Je matais la finance avec tous ses mandants,

J’appelais au combat les damnés de la terre

Et je multipliais par trois les fonctionnaires…

Je haïssais l’argent, surtout celui des autres,

Je reprenais de Marx les actes des apôtres.

Empli de compassion, j’expliquais aux agents,

La façon dont il faut réprimander les gens,

Les Roms, les trafiquants et autres délinquants

Car ce n’est pas leur faute si le grand capital

Fait sur eux sa pelote et les oblige au mal…

Je cognais, je tapais…ça ma défoulait bien…

Oh, oui, je promettais…

                                         Et, là…Me voilà bien…

 

Ach…S’écria la teutonne,

Vous promettiez ?

Eh bien, tenez, maintenant…!

 

Le votant, honteux et confus,

Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus…

(Je sais, ce n’est plus la même fable mais je trouve que cela fait une très jolie et très morale fin)

 

 

Chronique du Comté de Narbonne.

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Hier enfin de tes nouvelles, mon oncle. Je connais la lenteur des malles- postes en ces temps où le Royaume grelotte sur les côtes normandes     et étouffe sur les plages languedociennes, mais j’étais loin de penser qu’il eût fallu 21 jours à l’administration des postes pour que j’apprenne ton arrivée prochaine dans notre cher Comté. Le rythme estival de François de Gouda, qui s’en revient du fort de Péperçon où il s’est  reposé trois semaines de trois mois à peine de ces premiers travaux royaux, deviendrait-il la règle dans le fonctionnement des services publics ? Je remarque incidemment qu’il n’est pas une  seule profession dans ce royaume où le nombre de jours de repos payés soit égal à ceux qui furent travaillés. Pour l’apôtre de la normalitude dans l’exercice du pouvoir, tu conviendras, mon oncle, que notre jeune Roi à de sérieux progrès à faire. Il est vrai, à sa décharge, que sa vie professionnelle fut anormalement courte et que la haute fonction publique dans laquelle il exerçât s’exonère de biens des contraintes du monde des entreprises. Intuitivement, j’ai le sentiment, mon oncle que cette façon d’être et de faire est en train de sérieusement énerver bon nombre de ses sujets : ceux là mêmes qu’excitait pourtant le comportement enlevé et baroque de son prédécesseur. Et je fais le pari que, dans peu de temps, la comparaison des tempéraments et des actions va bénéficier à ce dernier. La côte de Manolo Valsez, qui vient de procéder à l’évacuation musclée d’un camp de nomades roumains en utilisant des méthodes mises au point par l’ex-ministre Gaiement me semble le justifier. Tu auras aussi noté que les gazettes ne trouvent plus rien, ou presque, à redire à ce qui fut considéré du temps de feu Tarkoly comme proprement criminel. Ainsi vont les affaires du monde, mon oncle, quand le parti rosien les gouverne : il n’est  de vilenies qu’à droite, les mensonges et l’indignité, à gauche, n’étant que pour le bien de l’humanité. Combien de temps encore règnera dans les esprits d’une large partie de l’opinion cette présomption d’innocence? Espérons que les cinq ans qui viennent se chargeront d’en faire éclater l’arrogante mystification. Dans le Comté, c’est en partie fait depuis que le sieur Labatout a décidé d’armer sa police, de multiplier les lunettes de surveillance, et de mettre à pied un de ses employés qu’il soupçonne de « tauper » pour les gazettes locales. Le Tirelire s’en émoie et tous les nouvellistes du Royaume se font l’écho de cette tentative de museler la presse qui, chez nombre de beaux esprits, ne pouvait germer que dans les consciences d’un parti bleu, évidemment ! Et d’avancer des raisons pour la justifier que nos rosiens contestent dans leur principe même à leurs adversaires. Que je dise aussi, mon oncle, que ton ami,  l’ex-journaliste Patrick de la Natte, dans le passé si sourcilleux sur la liberté d’informer, n’a pas encore démissionné de sa charge de propagandiste en chef que lui a confié tantôt en grandes pompes le Comte de Labatout. Ne lui reste plus désormais qu’à couper sa petite queue de cheval pour symboliquement entrer dans une normalité répressive qu’il présentait jadis du temps du sieur Lemonyais, qui ne fit jamais rien de la sorte, comme une démoniaque pathologie. Exemple contemporain et comtal d’une éternelle loi qui fait de la transgression d’une norme une vertu dans l’opposition à tout pouvoir et un vice pour ceux qui l’exercent.

Demain commence le « Festival Charles Trenet », mon oncle ! Je ne t’en dirai mots ce soir, il se fait tard. Quelques paroles seulement d’une de ses amusantes chansonnettes pour terminer cette lettre et te souhaiter le bonjour quand elles te viendront aux lèvres sur un air que tu connais bien : «  Que s’est-il donc passé depuis l’an dernier ? Vous m’aviez vu bien habillé Et d’puis c’temps-là, si je n’suis plus aussi chic, C’est qu’voyez-vous, il y a un hic…  

 

 

 

Chronique du Comté de Narbonne.

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Lundi 1 juillet de l’an 2012,

Hé bien, mon oncle ! nous voilà donc, enfin, dans la gestion des affaires du Royaume. Notre bon roi François, qui nous avait promis de fesser l’opulente Mèrequel, s’en revient de Belgique avec quelques petites pincées d’écus pour relancer une hypothétique croissance et de grosses mesures d’austérité pour diminuer nos  déficits publics.

Chronique du Comté de Narbonne.

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Mercredi 13 juin de l’an 2012,

 

Fin du second acte, mon oncle ; et, comme prévu, la prime batavienne donne au parti de la rose la quasi certitude d’une majorité absolue, ou presque, à la Cour. Les français ont donc fait preuve d’un « esprit » rationnel en donnant à nos nouveaux gouvernants tous les moyens politiques qu’ils  souhaitaient dans l’espoir qu’ils les sortiront de la crise économique et financière, sans diminuer l’ensemble des dépenses publiques et sans augmentation de la fiscalité : le rêve ! Ainsi, à partir de dimanche prochain, plus aucune dérobade ne sera permise à François de Gouda  quand viendront inévitablement à  l’ordre du jour de son Conseil des décisions douloureuses  à des clientèles électorales qui n’en voulaient pas du temps du précédent Roi ; ce qu’elles ne manqueront pas de  lui vertement , et rougement, rappeler. Combien de fois, mon oncle, faudra-t-il répéter que la vie humaine est un combat contre la malice de l’homme même ; en politique plus qu’en toute chose où s’y emploient les stratagèmes de l’intention, voire même la vérité, dans la seule visée de tromper. Mais laissons aux bedeaux  et aux gardes suisses de toutes les chapelles leurs illusions, même s’il me faut accepter que l’humanité est ainsi faite qu’il y ait pour elle des illusions nécessaires ; que trop de raffinement amène la dissolution et la faiblesse, et que trop bien savoir la réalité des choses lui devienne nuisible. Tenons donc, comme tu me l’as si souvent enseigné, mon oncle, les deux termes de cette contradiction, tout en conservant cette implacable et brûlante lucidité dont ton ami poète dit qu’elle est la blessure la plus rapprochée du soleil. A ce propos, notre présent monarque me semble n’en point trop posséder dans le choix de ses dames. Sa première portait culotte et ne manquait pas de toupet ; l’actuelle, d’une féroce jalousie, en porte aussi et vient de lui administrer une offensante et publique fessée. Tout le Royaume en rit ! le roi, lui, en pleure… de rage ! Mais n’en peut mais… Je le crois en effet, d’un tempérament soumis envers les dames : il les aime dominatrices. Un trait de caractère sans doute consécutif à une enfance, me dit-on, où, avec sa mère, il subissait les foudres d’un homme autoritaire et violent. Te souviens tu aussi de ce qu’il récemment affirmait : « Il y a des trucs que Sarkoty a tués, notamment l’affichage permanent du conjoint. Les Français ne supportent plus cette confusion du privé et du public. » Un certain docteur viennois  dirait, dans ce langage à la mode prisé par nos boboisantes élites : «  il y a là quelque chose comme un retour du refoulé. » Aie, aie ! Vite, vite un divan, mon oncle…

Dans le comté, c’est la marquise de Fade qui a gagné la guerre des roses ; elle sera opposée au marquis de Leucate, le seigneur Si, du parti bleu. Le prince de Gruissan, dit le petit, et Daredare du Rocher, son sémillant maître de chapelle, mais aussi les sieurs Fraise et Labombe, de la Brindille et du Félé, qui rêvaient de l’y voir en de pieuses mains dès dimanche prochain, ont les traits ravagés. Je te le disais dans ma dernière missive, mon oncle : « la marquise surfera sur la vague batave, l’officielle ; tandis que Bodorniou, anciennement «  rosien », n’aura que l’officieuse suivie de celle, qu’il espère, toute droite dirigée, si je puis dire, vers le sieur Labatout, pour le noyer » Hélas, hélas ! la droite vague ne fut que vaguelette et voilà nos Bodorniens dans le sable à ramer . Pari perdu aussi pour Dédé de Navarre et son « Dépendant », qui tractait contre Fade et ses troupes. Il avale son encrier et ne sait plus, de sa barbe, à quel saint la vouer. C’est de la Natte qui doit bien se marrer, mon oncle ; et un coup d’estoc ne saurait tarder. Le temps presse, il se fait tard. De ce champ de bataille comtal, je t’en dirai davantage tantôt. Mais que la navigation de la vie civile  et politique est dangereuse ! Elle est pleine d’écueils où la réputation se brise, mon oncle ! Le plus sûr serait de s’en détourner, en prenant d’Ulysse des leçons de finesse. C’est ici qu’une défaite artificieuse est de grand service ; qu’une belle retraite fait honneur. Cela, j’eusse aimé en parler à Bodorniou et aux siens. Je t’embrasse, mon oncle. Que ce jour où tu me liras te soit le plus agréable. Ton neveu, qui pense à toi!