Comment la république est-elle devenue une idéologie fossilisée, et non la production vivante de tout un peuple, du plus humble citoyen jusqu’à ses plus grands hommes ? Telle est la question que pose Péguy dans ce texte: « Notre jeunesse ». Extraits lus cette fin de semaine:
Nous sommes les derniers. Presque les après-derniers. Aussitôt après nous commence un autre âge, un tout autre monde, le monde de ceux qui ne croient plus à rien, qui s’en font gloire et orgueil. Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin. Le monde des intelligents, des avancés, de ceux qui savent, de ceux à qui on n’en remontre pas, de ceux à qui on n’en fait pas accroire. Le monde de ceux à qui on n’a plus rien à apprendre. Le monde de ceux qui font le malin.
Huile sur toile, Sophie Anderson (1823 – 1903), collection privée. Londres.
Ouverture:
Ce Noël-là, le froid s’était abattu. La Bretagne était un oursin mauve et blanc, hérissé de glace. La houle torturait l’océan. Le vent sifflait, coupé par l’aiguille des pins. Les rafales froissaient la lande, battaient au carreau. Le ciel ? En haillons. Des cavaleries de nuages chargeaient devant la lune. L’eau de l’abreuvoir avait gelé. C’était rare, chez nous.
La ferme était bâtie au bord d’un talus surplombant la plage de Lostmac’h. Sur le côté du chemin, un menhir montait la garde depuis six mille ans. Le jour, la mer emplissait les fenêtres percées vers l’ouest. La nuit, il faisait bon écouter le ressac à l’abri des murs de granit. La satisfaction de contempler la tempête par la fenêtre, assis auprès d’un poêle, est le sentiment qui caractérise le mieux l’homme sédentaire, qui a renoncé à ses rêves. Au-dessus de la porte, l’aphorisme de Pétrarque gravé dans le linteau renseignait le visiteur sur notre idée du bonheur : Si quis tota die currens, pervenit ad vesperam, satis est.
Extrait de: Tesson, Sylvain. « S’abandonner à vivre. » Ceci encore pour vous inciter à vous faire ce cadeau, ou l’offrir…
À 18 heures, il gagna l’Hôtel d’Angleterre, près de la cathédrale. Il gelait, les rues étaient vides, les Lettons s’apprêtaient à la fête. Il avait réservé une chambre : s’il réussissait à convaincre Olga d’y passer la nuit, il aurait son cadeau de Noël. Devant la glace de l’armoire, il essaya son costume rouge avec bonnet à pompon et fausse barbe, acheté à la Bastille. Il avait des jouets pour les petits, du parfum pour la mère, du vin de bordeaux pour le père. Et, pour Olga, une édition de l’entre-deux-guerres de dessins de Mucha. En la feuilletant avant de l’emballer, il se dit que les cheveux d’Olga ressemblaient aux boucles spaghettis des filles du peintre tchèque.
Le concierge lui expliqua comment gagner le port. À pied, il fallait une demi-heure. Il chercha longtemps l’immeuble, monta l’escalier de béton. Sur le palier, il se changea en Père Noël et sonna. Une dame en bigoudis ouvrit la porte. L’odeur de chou lui rappela le ferry-boat. L’appartement était plongé dans le noir. Le plafonnier de la cuisine éclairait une table de formica où un monsieur en pyjama lisait le journal. Deux enfants assez gras regardaient l’apparition, bouche ouverte au-dessus de leur soupe. « Olga ? » dit la dame. Elle est à Tallinn cette semaine, elle revient pour Noël, le 7 janvier. »
Il se souvint alors de la lettre du mois d’août où elle lui avait vaguement parlé d’origines russes et de calendrier orthodoxe.
Je ne me lasse pas de cette nouvelle: « Le téléphérique », écrite par Sylvain Tesson. Elle figure dans son recueil: « S’abandonner à vivre », publié aux Éditions Gallimard, en 2014. Un vrai conte de Noël… Extrait:
De mon ami blogueur « Le lorgnon mélancolique », un extrait d’une de ses chroniques:
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