Journées de lecture: Marcel Proust…

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Extrait de: Marcel Proust. « Journées de lecture – extrait. » iBooks pages 3, 4 et 5

Il n’y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré. Tout ce qui, semblait-il, les remplissait pour les autres, et que nous écartions comme un obstacle vulgaire à un plaisir divin : le jeu pour lequel un ami venait nous chercher au passage le plus intéressant, l’abeille ou le rayon de soleil gênants qui nous forçaient à lever les yeux de la page ou à changer de place, les provisions de goûter qu’on nous avait fait emporter et que nous laissions à côté de nous sur le banc, sans y toucher, tandis que, au-dessus de notre tête, le soleil diminuait de force dans le ciel bleu, le dîner pour lequel il avait fallu rentrer et pendant lequel nous ne pensions qu’à monter finir, tout de suite après, le chapitre interrompu, tout cela, dont la lecture aurait dû nous empêcher de percevoir autre chose que l’importunité, elle en gravait au contraire en nous un souvenir tellement doux (tellement plus précieux à notre jugement actuel que ce que nous lisions alors avec amour) que, s’il nous arrive encore aujourd’hui de feuilleter ces livres d’autrefois, ce n’est plus que comme les seuls calendriers que nous ayons gardés des jours enfuis, et avec l’espoir de voir reflétés sur leurs pages les demeures et les étangs qui n’existent plus. Qui ne se souvient comme moi de ces lectures faites au temps des vacances, qu’on allait cacher successivement dans toutes celles des heures du jour qui étaient assez paisibles et assez inviolables pour pouvoir leur donner asile. Le matin, en rentrant du parc, quand tout le monde était parti faire une promenade, je me glissais dans la salle à manger, où, jusqu’à l’heure encore lointaine du déjeuner, personne n’entrerait que la vieille Félicie relativement silencieuse, et où je n’aurais pour compagnons, très respectueux de la lecture, que les assiettes peintes accrochées au mur, le calendrier dont la feuille de la veille avait été fraîchement arrachée, la pendule et le feu qui parlent sans demander qu’on leur réponde et dont les doux propos vides de sens ne viennent pas, comme les paroles des hommes, en substituer un différent à celui des mots que vous lisez.

 

les intellectuels, la politique et la morale…

Capture d’écran 2015-05-22 à 09.22.43De ce texte, voici ce qu’en dit son éditeur François Bon: 

On est en 1921. La première guerre mondiale finie, le monde s’ébroue, et ça concerne aussi bien la politique ques les arts, et la façon de vivre ensemble. Dada et le surréalisme ont éclaté. Ceux qui ont survécu à l’horreur la portent dans leurs phrases. Dans ce contexte de chaos et d’éveil, dans cette fatalité de la violence et de la domination, quelle responsabilité pour les artistes, et notamment les écrivains et poètes ? Comment se révolter, et comment s’assurer que l’ancien ne conditionne pas le surgissement du neuf ? C’est un texte sombre et âpre, qui pose les problèmes et limites de l’engagement. Qui mesure à chaque pas le défi personnel de l’art à ce qu’il affronte au dehors. Où se situer dans les extrêmes, comment garder distance dans l’agir ?

De l’utilité du latin, du grec et… de la poésie. La leçon de Fabrice Luchini…

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En pleine contreverse sur le réforme des collèges et le contenu des programmes, cette petite leçon de Fabrice Luchini donnée à des millions de téléspectateurs lors du « 20 heures » de David Pujadas, hier…

PS: Fabrice Luchini est actuellement au théâtre des Mathurins où, tous les soirs, il récite pendant deux heures les plus grandes poésies françaises : de Paul Valéry à Rimbaud, en passant par Baudelaire, Flaubert et Proust.

« Les mots sont des planches jetées sur un abîme, avec lesquels on traverse l’espace d’une pensée, et qui souffrent le passage et non point la station. » Paul Valéry. C’est en découvrant un texte de Paul Valéry sur le langage et la poésie que j’ai eu envie de me confronter de nouveau à des textes de pure poésie, des textes de Laurent Terzieff et en souvenir des dîners qui prolongeaient nos représentations, j’ai eu envie de lui rendre un hommage discret, lui qui disait  » être un poète, c’est une manière de sentir. »  Fabrice Luchini 

 

Serais-je un « zombie-catho » selon Emmanuel Todd ?

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La sortie de « Qui est Charlie ? », d’Emmanuel Todd, a provoqué une violente polémique dans les médias. Le premier ministre Manuel Valls, lui même, s’est cru obligé d’y participer en se fendant d’une tribune dans « le Monde » pour condamner le livre et son auteur. Maintenant que le reflux se précise, et après « décantation », si je puis dire, quels sont les thèses de cet auteur qui font encore tant scandale. Le mieux pour les connaître est de lire, et de le lire dans une interview donnée à « l’Humanité » où il expose sa pensée sur les manifestations du 11 janvier d’une façon aussi claire que concise:

On m’oppose que tous ces gens étaient dans la rue pour défendre la liberté, l’égalité, la fraternité. Mais, dans mon livre, j’écris clairement que le 11 janvier, toutes sortes de manifestants étaient là un peu par hasard, sans savoir vraiment pourquoi, émus par l’horreur de la tuerie du 7 janvier. La méthodologie statistique que j’utilise laisse tout à fait sa part à la liberté humaine. Les gens qui ont défilé dans les rues de Paris sur la base d’une émotion simple et saine peuvent se dire au pire que l’auteur de ce livre se trompe. Mais la fureur que j’entends autour de moi provient sans doute plutôt des autres, c’est-à-dire des gens qui ont été identifiés comme étant là pour de moins bonnes raisons…Mon livre a un rôle de dévoilement d’une réalité qui était cachée aux acteurs. C’est ce que je rappelle dans mon introduction en citant Marx, la fausse conscience, Durkheim, Max Weber… C’est un livre wébérien dans le sens où l’on doit révéler aux acteurs les motivations profondes de leurs actes, et je le fais avec des méthodes scientifiques banales. Avec le concept de « catholicisme zombie », je m’appuie sur une notion élaborée dans un autre livre, « le Mystère français » (1), écrit avec Hervé Le Bras. Nous avions constaté empiriquement, dans l’analyse des performances éducatives et des taux de chômage, la permanence de deux France (une laïque, républicaine, traditionnelle et une France catholique récemment passée à un autre type de laïcité). La culture actuellement dominante au Parti socialiste, avec sa bonne conscience, sort de la France catholique périphérique, jusqu’à très récemment de droite, autoritaire et inégalitaire. Elle a produit ce néo-républicanisme qui promeut une politique économique (dont l’euro) menant à des mécanismes d’exclusion, et qui conduisent eux-mêmes au développement de la xénophobie, arabophobie, puis islamophobie, puis antisémitisme. Les fondements culturels du néo-républicanisme socialiste sont ici dévoilés: c’est vraisemblablement ce qui produit un effet de fureur chez certains des individus concernés.

Chronique de Narbonne. De l’air, et au large, bon sang!

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Radical changement de cap à la Société nautique de Narbonne ! La dynastie Déjean ayant repris la barre du petit port de la Nautique, son comité directeur a décidé de ne pas organiser les championnats de France d’Extrême glisse de windsurf, à la fin du mois d’août, et ce pour la troisième année consécutive. Trop de monde, trop de jeunes, trop de tout dans ce petit monde protégé où ne sont tolérés, par une majorité de nauticards semble-t-il, que les effluves de grillades et les jurons de pétanqueurs;  et encore… Peut-être y verrons-nous, un jour prochain, l’apparition de jardinières de pétunias et de nains de jardin. L’annulation de cet évènement, dans ces conditions en tout cas, est tout à fait symptomatique de la « culture » dominante dans notre petite cité. Auto-centrée, jalouse des « autres »… Conservatrice, pour l’essentiel, elle reste fermée, malgré quelques petites concessions, à la « prise de risques ». Pour tout dire, elle est l’expression d’une petite-bourgeoisie provinciale satisfaite d’elle-même et qui , par dessus tout, ne supporte pas le « dérangement ». L’entre-soi comme planche de salut dans un monde ouvert à tous les vents… Suicidaire. De l’air, et au large, bon sang!

Photo: l’Indépendant. Pasquier Caroline.