Deux ou trois choses vues sur le marché de Gruissan.

  Lu.4.7.2022

Lundi matin,11 heures. C’est jour de marché à Gruissan. J’y viens pour acheter melons et abricots. Chez Frédéric. Il est d’Agel, un petit village près de Bize-Minervois. La chose faite, je m’installe à la terrasse de « Bernard artisan boulanger pâtissier », à l’ombre.

Les Halles de Narbonne : « Plus beau marché de France ! »

           

Je.6.2022

Les Halles sont à Narbonne ce que l’andouille est à Vire et la bêtise à Cambrai : sa carte d’identité hexagonale. Et l’été, nous y sommes, on y voit plus de touristes le nez dans leur « Routard » que d’autochtones tirant leurs caddies. Surtout le dimanche ! Quand sonnent les cloches, ils déboulent en effet comme bigotes à Lourdes sur l’étal des olives et celui des poissons. On leur a dit que « c’était çà le Midi » ! Ils font alors une provision effrénée d’images ; des images de cartes postales qu’ils commenteront au « bureau » autour du distributeur de café, près de la photocopieuse. On ne voyage plus, hélas ! on collectionne des clichés.
Pour en revenir à mes Halles, j’insiste sur le possessif, elles ont pour moi l’accent de mon grand-père : un mélange de « valencian », de patois et de français. Le dimanche, il occupait son centre géométrique avec ses amis espagnols originaires du même village, Cox. Tous refaisaient le monde dans leur langue natale. C’est là que je le rejoignais. J’avais alors le sentiment d’un ailleurs à la fois lointain et familier. Il m’emmenait parfois sur les Barques où son amie d’enfance vendait des « churros », gros et gras.
Ce marché couvert est aujourd’hui à la mode ! On y croise clochards et notaires, rmistes et gros bonnets. J’y rencontre toujours Maruenda, qui toujours monte et remonte l’allée centrale. Il travaillait sur les chantiers et a bien connu mon père. Chaque année, il descend à Cox. Il y possède une maison. Quand il en revient, il me donne des nouvelles de la « famille ». C’est un bon connaisseur de Miguel Hernandez *, le poète. Il a en sa possession une « somme » de bouquins en espagnol sur sa vie et de son œuvre.
Je ne sais si ces Halles sont le cœur de Narbonne, comme l’affirment les guides touristiques, mais elles font battre le mien. Quand j’en parcours les allées, il bat toujours au rythme de ma mémoire et de mes souvenirs… C’est le plus beau des marchés de France ! Marie-Sophie Lacarrau l’a confirmé aujourd’hui, lors de son journal télévisé de 13 heures, sur TF1. Les narbonnais et les élus sont enthousiastes. La presse locale est au diapason. Oui, ces Halles sont belles ! Et elles  le sont plus encore sublimées par le souvenir.
 
*Il vécut à Cox !
 
 
 
 
 

Des chats et des hommes !…

    Sa. 6..6.2022

Quand j’ai été interpellé par cette dame d’un âge moyen fraîchement permanentée et bourgeoisement mise dans ce hall d’entrée d’un magasin alimentaire, j’ai tout d’abord cru que j’avais à faire à une intermittente du spectacle s’apprêtant à m’exposer les principes philosophiques et politiques de ce que je pensais être, à la vue de ces panneaux explicatifs, une performance artistique et militante d’un genre comique jusqu’ici et à moi inconnu. Aussi, grande fut ma surprise quand j’appris de sa voix aux modulations stridentes, quasi féline, qu’il s’agissait en réalité d’une action « citoyenne » pour venir en aide et porter secours au peuple des chats et chattes errants d’Occitanie ; « peuple » victime, selon elle, d’un véritable génocide mené dans l’indifférence générale de gens comme moi sans doute, avides de consommation et malheureusement inconscients de l’appauvrissement général de notre planète en général et de « notre » biodiversité en particulier. J’exagère à peine ! Pressé cependant de commencer mes courses, elle m’a hélas suivi, collée à mon charriot, tout en continuant à déclamer son évangile animaliste jusqu’à ce qu’elle finisse enfin par me lâcher devant le portillon donnant accès au rayon fruits et légumes du dit magasin. J’ai alors senti sur ma nuque tout le poids d’un regard chargé d’un vague mais puissant sentiment d’incompréhension, pour ne pas dire de colère. J’en tremble encore !

     

Quand je la quitte, mon corps souffre !

 
 
 
 
 
 
 
 
Jeudi 19 mai !
 

Elle est toujours assise sur la même chaise. Toujours correctement vêtue. Comme « avant ». Ses mains jointes reposent sur ses cuisses serrées. Légèrement penchée, le regard vague, toute enclose dans son corps. Un corps si léger, si fragile. « Ah ! Voilà mon fils. » Ces mots seuls, elle les prononce d’un trait.

Quelques mots sur une carte postale du 28 juillet 1907, mais que d’histoires…

     
Cette vieille carte postale a été écrite le 28 juillet à la gare de Narbonne par un nommé Armand. Il disposait d’une heure avant de prendre l’express de Toulouse. Il devait se rendre à Foix. Il faisait « beau temps », précise-t-il à ses « chers parents ». Son écriture est précise et soignée. Notamment, l’adresse du destinataire, remarquablement calligraphiée. Surtout les majuscules F et P. Magnifiques ! Dans ses courbes, ses pleins et ses déliés, sans doute Armand tenait-il à montrer aussi à ses « proches » son profond respect et la noblesse de ses sentiments.
Cela fait bien longtemps que cette carte postale me sert de marque page et passe ainsi d’un livre à l’autre. Comme pour cet « anonyme » qui l’avait insérée dans ce « pavé » des éditions « Bouquins » rassemblant les grands romans de Graham Greene ; livre que j’ai trouvé au pied d’une poubelle publique et qui figure désormais en bonne place dans ma bibliothèque.
Je me suis toujours demandé ce qui, ce jour-là, dans cette gare de Narbonne, avait traversé l’esprit d’Armand après qu’il eut posté cette carte. Se remémorait-il les évènements dramatiques survenus dans cette ville un mois plus tôt : la troupe tirant sur des viticulteurs et faisant quatre morts dont une jeune fille de vingt ans, Julie Bourrel ? Et quel âge avait-il et qu’allait-il faire à Foix, le 28 juillet 1907 ? (Une semaine plus tard, le croiseur cuirassé « Gloire », bombardait la ville de Casablanca…)
Cent quinze ans me séparent d’Armand. Je ne connais rien de lui que cette modeste carte postale. Quelques mots assez banals finalement. Quand je l’ai retirée d’entre les pages de la « Puissance et la Gloire », précisément, j’aurais pu m’en débarrasser. Mais voilà, quelques traits de plume m’ont retenu. Ceux, indiscutables, j’aime à le croire, d’un jeune homme au caractère vif, à l’éducation sûre et au style affuté. Depuis, quand je l’ai sous les yeux, je me raconte, au milieu de la grande, la sienne et la mienne aussi, de petites histoires.
 
 
 
 
 
 

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