On crétinise bien les esprits!

La communication institutionnelle et politique (souvent la même) envahit nos écrans, pollue nos radios, engorge nos boîtes à lettres et s’insinue, sournoisement ou ostensiblement, sous la plume de journalistes de plus en plus pressés ou incompétents. Des journalistes qui, plutôt que de faire un vrai travail d’information se contentent de reprendre des dossiers de presse généreusement distribués par des « services com » tout entiers mobilisés sur l’image de leurs « patrons ». Il faut habiter en province, et en Languedoc-Roussillon en particulier, pour mesurer à quel point  cette crétinisation des esprits, est devenue un phénomène de masse, notamment avec la décentralisation. Un exemple parmi cent : le bilan touristique estival de cette année. Eh bien, le Comité Régional du Tourisme, annexe de la Région et piloté par un fidèle de George Frêche, nous « informe » qu’après : «  l’embellie constatée au mois d’août, le mois de septembre suit la même tendance avec de très bons résultats enregistrés pour le tourisme régional » Avec de plus : «  Une fin de saison estivale exceptionnelle marquée par le retour des clientèles étrangères en Languedoc-Roussillon … Les professionnels du secteur hébergements (41%) constatent une progression de leur activité…les hôtels (40%) observent des résultats nettement en hausse. » Et l’ensemble (!!!) de nos quotidiens régionaux (deux seulement, avec des rédactions de même tonneau) de reprendre en chœur l’idée générale de ce communiqué : l’exceptionnalité du tourisme en Languedoc Roussillon, pour y associer, ce faisant, dans le reste du «  cerveau disponible du lecteur », celle de George Frêche. Objectif atteint ! Alors qu’il suffisait pourtant de contrer ce genre d’instrumentalisation en allant voir un peu plus près sur le site de l’INSEE  qui, lui, titre  «  Une activité hôtelière déprimée », pour préciser ensuite : « En août 2009 par rapport à août 2008, en Languedoc-Roussillon, la tendance à la baisse de l’activité hôtelière se poursuit avec un recul des nuitées de -2,1 %, proche de la moyenne nationale (-2,5 %). Sur l’ensemble du territoire métropolitain, la fréquentation est en baisse dans 2 régions sur 3. » A la condition de le vouloir, évidemment ! Au risque de se transformer en filiales d’agences ou de services de communications missionnés pour la seule gloire d’élus plus soucieux de leur égo que de la « vérité » de leurs infos…

L’anesthésie intellectuelle de nos élites.

Le bavardage médiatique est décidément de tous les instants, dans tous les domaines et dans toute la presse. Y compris celle qui se prétend de référence. Ainsi, dans «  le Monde », où on apprend plus grand-chose, Jean-Baptiste de Montvalon, qui nous explique, pour s’en désoler : «  Alors que le lien potentiel entre crise et radicalisation est dans tous les esprits – crise de 1929 oblige -, M. Perrineau a constaté que, aujourd’hui, « la dynamique militante des extrêmes est très faible ou inexistante »» Et d’en conclure, c’est le titre de sa chronique, que : « Le malaise social met en cause les règles du jeu institutionnel. ». Une mise en cause, enfin, qui résulterait du fait que : «  Dans notre République monarchique, un homme, un seul, gouverne le pays en crise. Il est de tous les déplacements, de tous les arbitrages et de toutes les annonces, ou peu s’en faut. Le gouvernement agit sous ses ordres» CQFD

Bref, au lieu de pointer que la dynamique militante des extrêmes ou pas est très faible ou inexistante, contrairement à 29, parce que l’ensemble des pays touchés par la crise, directement ou indirectement, ont su répondre collectivement en usant des principes et des moyens habituellement utilisés par la social-démocratie. Que cette dernière se trouve désormais, partis et syndicats confondus, dans une position où il lui est quasiment impossible d’offrir une alternative fondée sur son fond de commerce habituel. Que les perspectives de croissance et les montants des déficits publics à vingt ans, lui interdisent de le conserver (son fond de commerce) en le bonifiant « d’un toujours plus » d’impôts, de dépenses publiques, de fonctionnaires… Qu’il lui reste a inventer de nouveaux outils pour dégager des marges de manœuvres budgétaires pour satisfaire son électorat et rester fidèle à ses valeurs. Qu’elle ne peut plus rester campée sur la défense des droits acquits…
Au lieu donc d’inventorier ce qui devrait changer dans le camp de l’opposition pour que vive une authentique démocratie, on nous serine sentencieusement ce qu’on reproche à la gauche en général de faire « ad nauséum » et qui se résume à une seule et simple formule : « c’est la faute à Sarko ». Et d’ajouter ainsi au malaise social constaté par l’auteur de cet article, un malaise intellectuel qui, du coup, contribue à l’anesthésie générale de nos élites.

Ce qui n’est pas dit du tourisme en Languedoc-Roussillon.


Allez, soyons sérieux! sortons notre boîte à outils. Pour énumérer ce qu’on ne trouve pas dans le Midi Libre et qui, pourtant, est nécessaire si l’on veut vraiment comprendre quelque chose au  » tourisme « : son importance et sa place dans l’économie générale de la région:

1
)      Ce n’est pas une branche d’activité, mais un agrégat de branches d’activités: services ( commerce , hôtel, commerces, restaurants, construction…)

2)      Les entreprises de ses secteurs sont considérées comme relevant plus ou moins du tourisme selon deux critères : la localisation et leur activités. Par exemple un supermarché en centre ville d’Alès ne sera pas considéré comme relevant du tourisme alors que celui installé à Narbonne dans la  direction des plages ( et pas ailleurs ), oui… Un bureau de tabac et un restaurant de Gruissan aussi, alors que ceuxdu centre ville de Quillan, non…

3)      Le ratio: Revenus du tourisme sur Produit Intérieur Brut régional est un trompe l’œil . Il ne permet pas de mesurer la richesse apportée par le tourisme dans la richesse totale. Un exemple parmi cent, celui du touriste qui achète une bière 2 euros et qui, se faisant, finance le producteur de houblon, de levure; le fabricant de bouteille et de bouchons ( continuez la liste )… situés à l’extérieur de la Région . En réalité, il ne faudrait retenir que la marge de 1 euro du tenancier et non son revenu pour la rapporter au produit intérieur brut régional. Et à la condition  qu’il réside en LR et non en Andorre ( paradis fiscal de proximité )…

4)       L’effet d’optique produit par les chiffres et complaisamment diffusés par une presse paresseuse ou incompétente ( pas toute quand même ), les services communication des élus, et les Comités Régionaux du Tourisme ( dont les directeurs craignent de se faire virer…) résulte de l’énorme concentration dans le temps et dans l’espace des touristes : 1 200 000 personnes. Ce qui veut dire que durant les deux mois de la pleine saison, sur deux personnes résidants en Languedoc-Roussillon il y a un touriste.

5)      Depuis 15 ans, on entend le même discours incantatoire sur l’allongement de la saison, alors que les courbes de fréquentation sont quasiment identiques. Cet allongement, en effet, ne se décrète pas, surtout pour le tourisme de masse sur le littoral. Outre les caractéristiques climatiques, le comportement des touristes dépend de facteurs socio-culturels sur lesquels les opérateurs du secteur, régionaux ou pas, n’ont aucune prise : fractionnement des séjours, vacances scolaires etc… Par contre le tourisme urbain de proximité plus diffus lui échappe à ses contraintes…

6)      Les emplois créés sont saisonniers ou de courte durée. Les entreprises liées au tourisme raisonnant en emplois tendus les conséquences en sont: intérim … faible qualifications…  conditions de travail difficiles etc… 

 7)     Enfin, de l’autre côté de la balance, il y a les dépenses payées par l’impôt des résidents permanents, de la région et d’ailleurs, pour les réseaux et les infrastructures nécessaires au fonctionnement de ce secteur d’activités: eaux, assainissement, ordures ménagères; entretien des espaces naturels et des équipements publics etc…

Bon! pas trop dur? Ah! une dernière petite info.Impertinente. Les régions les mieux classés, quand on rapporte les emplois et les revenus liés au tourisme à leur richesse totale, sont… les moins développés. En France, c’est la Corse qui est en tête du tableau et notre région lui colle à la roue…