L’homme-pie !

Me.18.10.2023

C’est sur le trottoir de la rue qui mène à mon appartement que le débonnaire patron des « Délices d’Italie » installe ses tables à boire et à manger. D’ordinaire, Gioacchino, c’est son nom, réserve celle située près de l’entrée de sa pizzeria à deux, ou trois selon, de ses fidèles amis ; amis qu’il rejoint quand il n’est pas devant son four. Un rituel quotidien : matin, midi et soir, immuable. Parfois, je m’arrête devant leur table et nous échangeons quelques mots ; des mots habitudes qui rassurent et donnent de l’agrément au commerce social. Ce soir-là, c’était un soir de la semaine dernière, nous rentrions de la plage – il devait être environ 19 heures –, toutes les tables étaient vides. À l’exception toutefois de celle de Gioacchino où était assis un petit homme coiffé d’un chapeau bleu pâle. Un fidèle, lui aussi, mais du soir ; et toujours accompagné d’un petit chien sautillant, amputé d’une patte. Seul, raide, impassible, les yeux doucement rieurs, il regardait dans notre direction, comme s’il voulait nous prendre à témoin d’un évènement extraordinaire. Et qui l’était ! En effet, sur le haut du dossier de la chaise qui lui faisait face était sagement perchée une pie. Calme, désinvolte même, elle semblait dédaigner son voisin. Le snober. Comme si, par un de ces mystères propres à la gent volatile, elle avait reconnu en notre homme la réincarnation d’un corvidé prisant comme elle l’art du caquetage. De l’avis unanime de ses amis, elle ne s’était pas trompée : « C’est un pipelet intempérant, de grande classe » affirment-ils. Depuis, je regarde autrement cet homme du soir qui s’attable devant « chez Gioacchino ». Et j’aime à penser qu’une pie désormais l’habite. Ou l’inverse. D’ailleurs ses amis m’ont fait remarquer que sa voix avait changé : plus rauque, plus gémissante.

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