Contre-Regards

par Michel SANTO

Les « Pompes Funèbres » tenaient leur messe au Théâtre Scène nationale…

 

   

J’apprends que les « croque-morts » publics ont tenu leur messe annuelle au Théâtre Scène Nationale. Ne pouvait-on pas trouver équipement plus adapté à cette honorable corporation, pour y débattre d’obsèques, d’enterrements et de crémations ? 

Les socialistes, pas tous, chantent « J’aime Narbonne ! », alors qu’ils ne s’aiment pas entre eux…

         

Ces socialistes sont décidément impayables. Dimanche, par la voix d’Éric Andrieu, député européen et ancien premier secrétaire de la fédération de l’Aude, en présence du secrétaire de la section de Narbonne, la procédure de désignation de leur candidat pour conduire leur liste aux prochaines élections municipales était clairement exposée devant la presse : primaires internes ; ainsi que leur stratégie : alliance avec les partis « amis » (je note au passage qu’Éric Andrieu n’a pas intégré l’idée qu’il n’y avait plus de « partis amis » : les anciens souhaitant sa « peau » ; que le PRG n’existait plus et que ses élus locaux étaient plutôt des Marcheurs décomplexés).

Le Théâtre+Cinéma de Narbonne vendu « à la casse » ?!

Sur le coup, j’ai cru que le Théâtre était à la « casse ». Manquait le prix, cependant. À le chercher imprudemment au volant de mon véhicule, j’eus droit à un concert de Klaxons où s’exprimaient toutes les nuances de notre bienveillante humanité.

Zola, analyste de notre société de l’information de masse…

   

La presse est friande d’informations bruyantes, tapageuses, voire « scandaleuses ». Est-ce nouveau ? Non ! (Émile Zola, dans le Figaro du 24.11.1888 – son supplément littéraire –, analysait déjà, et brillamment, ce phénomène : voir ci-dessous des extraits de son article).

Le Livre des séjours et des lieux de Mathias Rambaud.

   «Avant de lier aux êtres, l’amour lie aux lieux. Tel horizon marin où se respire l’appel de la vie neuve, telle lumière qui distribue la terre en pleins et vides et permet que soit composé un paysage, tel vent qui se lève soudain, venu de nulle part, telle chambre, tel jardin aussi bien : voilà les vraies, car indéfectibles, ligatures. Ces lieux sont ceux que l’on a quittés, ceux dont on est privé, ceux qui se tiennent désormais dans le lointain et qui causent notre tristesse (aussi les grands nostalgiques sont-ils de grands sensuels par voie de dégradation, le corps présent valant comme ersatz du lieu perdu). »

Ces lignes sont les premières du premier livre de Mathias Rambaud ; un livre composé de textes brefs d’un homme hanté par la terre où il a grandi entre Corbières et Méditerranée (Narbonne, Gruissan, Bizanet, Leucate, ces noms composant sa géographie la plus intime) ; une terre de vents, de mer et de vignes, d’étangs et de garrigues ; une terre  – où qu’il vive ! – , qui « le requiert avec « une autorité singulière, inattendue » et  l’empêche  » de concevoir d’en vivre à jamais séparée. »

C’est de  Ljubljana – où habite désormais Mathias Rambaud – , que nous vient son récit. Son origine remonte à une dizaine d’années, nous dit-il. C’était à Duino, en compagnie de Zala – on pense à Rilke ! –, au pied d’un château jaune, face a la mer  que : « nageant dans la baie – seul, mais sentant la présence du rivage dans mon dos comme le bras tiède d’une femme plus forte que moi qui suis faible et qui me portait – , que me submergea une bouffée délirante de ce mal du pays dont je n’aurais jamais cru être frappé, mais qui dorénavant ne me quitterait plus à l’idée que, loin de ma terre natale, je restais cependant relié à son rivage par le corps immémorial et ductile, le grand corps conducteur de la mer. »

Lisant et relisant – dans la discontinuité – , cet admirable livre d’exil et d’amour, on est gagné par l’émotion que suscitent la profondeur et l’intense musicalité de ses longues phrases.  Que l’on ne s’y trompe pas cependant, ce que célèbre Mathias Rambaud dans ses pages s’étend au-delà des seules frontières de ce « pays » – qui est aussi le mien. Sa prose élégiaque, dense et limpide (Frédéric Beigbeder) dans laquelle il enclot un peu de ses « affinités secrètes » nous offre, en effet, plus profondément, l’occasion de méditer sur la littérature et son rapport au monde. Loin du bruit, de la foule et des vanités éditoriales, il magnifie, par la grâce de son style élégant, « l’absolu de cette singularité »  qu’est cette terre d’étang où, petit garçon rentrant de Rivesaltes dans un train, seul dans sa voiture, il lui semblait « rouler sur l’eau » ; et ce faisant nous arrache de cet universel politico-éthique (Richard Millet : L’enfer du roman) où « l’homme » est  contraint de séjourner, coupé de ses origines, de sa langue et de soi.

On voudrait tout citer pour montrer à quel point ces 110 pages sont une merveille. Merci Mathias Rambaud pour m’avoir permis de retrouver, dans le silence et le souvenir de cette lecture, la beauté et l’amour de ces lieux…

Extrait (dernières lignes) :

Narbonne / Âmes souffrantes

« Et un an plus tard, juste avant l’été et à l’issue d’une conversation éprouvante, ce qui de même manière donnerait subitement corps à cet état d’incertitude dans lequel nous nous trouvions depuis quelques temps, cette souffrance qui, à défaut d’explication, nous apparaissait comme le résultat d’un éloignement irrémédiable de toute source, à l’image du lieu où nous nous trouvions, non plus allongés dans notre jardin au bord de l’écluse mais assis sous les platanes de la promenade des Barques, un peu plus en aval du même canal, comme si nous avions tout simplement dérivé, emportés à notre corps défendant vers la mer immense où tout disparaîtrait, ce furent ces simples mots : « Alors, c’est fini ? »

Le Livre des séjours et des lieux, Mathias Rambaud, éditions Arléa, 110 pages, 15 euros.          

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