Contre-Regards

par Michel SANTO

L’ennui de l’homo festivus .

images-copie-9.jpeg

 

Simon Leys faisant escale à Hawaii fait cette remarque : «  Le plus horrible, ce sont ces foules de touristes qui ont payé des sommes considérables pour s’assurer huit jours de bonheur et qui, dans leurs uniformes bigarrés de forçats du loisir, patrouillent lugubrement ce vaste Luna-Park en cherchant à se convaincre qu’ils en ont vraiment pour leur argent. Léon Bloy, commentant le fameux passage de saint Paul selon lequel, dans cette vie, nous ne percevons les choses que « de façon obscure et comme dans un miroir », se demandait si cette vue inversée du miroir ne suggérait pas, par exemple, que les plaisirs des vivants fussent un reflet des tourments des damnés. Et en effet, on voit bien comment les délices de Hawaii (ou d’un paquebot de croisière, ou du Club Méditerranée, etc.) pourraient donner une idée assez exacte de l’enfer. » C’est ce genre de réflexion, notée dans «  Le bonheur des petits poissons », qui, ces jours ci , m’est venue à l’esprit à regarder, de ma terrasse favorite située sur la place de l’hôtel de ville, le défilé des premiers touristes arpentant les rues ensoleillées de Narbonne. Tee-shirts informes sur les mêmes pantalons multi poches ; tennis, sac à dos et casquettes pour les hommes, les femmes n’étant pas en reste dans l’accoutrement standardisé de style Décathlon ! Le « guide vert ou rouge » à la main, c’est surtout leur allure et leur regard qui inquiètent. Ils semblent errer, en effet, comme s’ils traînaient un énorme et pesant ennui ; celui sans doute de vainement chercher ce qui pourrait ressembler à de la beauté ou du plaisir ; et qui ne réside dans nul autre part que leur âme…

 

Chronique de Narbonne: Pinet 1, Mouly 0 !

images-1-copie-1.jpeg

Dans plusieurs de mes billets concernant la scène politique narbonnaise, j’ai insisté sur un fait d’évidence à savoir que le « marché politique » obéissait à des lois que personne ne pouvait méconnaître au risque de sérieuses déconvenues. Et que sur Narbonne, dans le contexte de plus très particulier d’un pays en crise profonde, tant sur le plan économique que moral, la bataille pour la conquête de l’hôtel de ville s’organiserait principalement sur le rejet ou pas de la politique menée par le gouvernement et sa majorité, et soutenue par le maire sortant. Ce qui ne veut pas dire, bien entendu, que la personnalité et la qualité du bilan de ce dernier, comme celles de ses concurrents ne compteront pas, mais qu’elles en seront seulement les conditions préalables. Dans un tel contexte, où, circonstance locale supplémentaire, les partis traditionnels phagocytés jusqu’ici, surtout l’U.M.P, ne pouvaient pas ne pas prendre le risque d’investir la scène politique narbonnaise, une offre « apolitique » ou « gestionnaire, ne pourra pas,  pour ce qu’il en reste après la sortie de Patrice Millet, rivaliser. Reste à présent pour Messieurs Frédéric Pinet (UMP) et Didier Mouly (Nouveau Narbonne) à ressouder autour d’eux, dans un premier temps, les troupes qu’avait su agréger autour de sa personnalité Patrice Millet, lui même ayant annoncé, on peut le comprendre, qu’il ne soutiendrai personne…Monsieur Pinet a tiré le premier et vient de « recruter » une personnalité de premier plan jusqu’ici liée de très près à Nouveau Narbonne, madame Delagrange. Didier Mouly s’en offusque, et je crains pour son humeur qu’elle ne vive encore cette sorte d’aigreur. Je le redis ici, le processus de décomposition de ce qui fut un « apolitisme » de centre droit s’est brusquement accéléré avec la défaite de Michel Moynier, et l’abandon du combat par celui qui fut son DGS en est  un symptôme supplémentaire, symptôme que le transfert de madame Delagrange vient, s’il en était besoin, de confirmer. D’autres, j’en fait le parie suivront…Objectivement donc, l’avantage est à F. Pinet et à l’ U.M.P, d’autant que la cible visée est au mieux mars 2014, mais à coup sûr 2020. Pour espérer gagner, il lui faut donc d’abord « dégager le terrain »… et récupérer, si je puis dire, toutes les troupes qui auparavant se « masquaient » derrière un apolitisme politique en son temps fort utile, mais payé au prix fort d’une inexistence partisane (dont profitait aussi le Parti Socialiste…aux élections législatives! ) J’aurai certainement l’occasion de revenir sur ces « petites guerres locales » : le feuilleton est en effet loin d’être terminé. Quant à sa fin !…

 

Les mots, le pouvoir et la politique !

 

images-copie-8.jpegimages-copie-8.jpeg

 

Dimanche soir, j’ai regardé et écouté le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, annoncer sur la « Une » son intention de réduire les parts de l’Etat dans des entreprises cotées. Une annonce à de forts marris manifestants (Au fait, connaissez vous la pièce de Claudel:   » l’Annonce à Marie  » ? Un « drame de la possession d’une âme par le surnaturel », selon sa définition. Mais je dérape…) Revenons à des choses, sinon plus sérieuses en tout cas plus triviales. Je disais donc que les troupes toutes de rouge vêtues qui défilaient hier, menées par d’anciens combattants trotskystes devenus depuis d’honorables sénateurs et patrons de presse , ont du recevoir cette sainte annonce gouvernementale comme un véritable coup de matraque . Une parole aussitôt récupérée par un Moscovici en pleine possession, si je puis dire, d’une syntaxe sans doute acquise auprès de la « Compagnie de Jésus », transformée ensuite en un déni d’un prétendu «  retour à des privatisations » pour être enfin confirmer par ce génial euphémisme «  d’une gestion fine du capital de l’Etat… ». Ah ! cette gestion fine du capital… Une merveille ! Finalement, si l’on devait retenir une chose de ce premier anniversaire du pouvoir exercé par Hollande et les siens, c’est bien cette capacité à normaliser, à édulcorer le langage ; et donc notre représentation du réel. Tout ce qu’il peut contenir de tensions, de conflits voire de violence symbolique est en effet débusqué et chassé. On parle désormais aux français comme à de grands malades avec des mots-lexomil aux effets apaisants. On me dira qu’il n’y a là rien de nouveau. En effet, Platon et ses sophistes nous ont depuis longtemps  appris le poids de la parole et des mots dans la conquête et l’exercice du pouvoir. Ce n’est cependant pas une raison pour cesser de les interroger, de les déconstruire et d’en dénoncer, comme hier, les usages parfois mal intentionné…

 

Le Mai de Mélenchon !

 

 

 

imgres-copie-43.jpeg

 

La semaine dernière, sur France 2, c’était la grand-messe de Jean-Luc Mélenchon. Costume sombre, chemise blanche et cravate rouge, braillant, interrompant, gesticulant, haranguant, virevoltant, menaçant, exigeant, provoquant, bataillant, criant, sautant…jusqu’à ce que Jacques Attali, notre spécialiste en prévisions jamais réalisées, vienne lui servir la soupe en expliquant dans un phrasé de moine tibétain qu’il était tout à fait d’accord avec l’idole des lecteurs de Libération, à la condition toutefois que son programme s’appliquât au niveau européen. Ah la mine de Jean Luc ! Que l’ancienne sherpa de Tonton Mitterand, cet expert en tout et en rien platement adulé par nos faiseurs d’opinion, partage ses analyses et propositions, lui accorde un statut de politicien crédible et lui laisse entendre qu’il possède le statut d’un premier ministre de rupture, était tout bonnement inespéré. Ces yeux ne lançaient plus des éclairs et sa mine prenait des airs de donzelle prise dans les filets oedipiens d’un  vieux professeur de philosophie partiellement chauve et plein de fatuité . Un moment  pathétique ! Envouté par ces préliminaires diaboliques , le prévisible, l’inévitable coup de grâce pouvait être donné. Il vint comme la foudre, à la fin de leur ébats faussement complices : « Monsieur Mélenchon, si on appliquait votre programme, il ne faudrait pas six mois pour que la France se retrouve dans le même état que la Corée du Nord » . Ces derniers mots, Corée du Nord, prononcés sur un ton glacial en même temps que son locuteur quittait son fauteuil pour se diriger vers la sortie, accompagné du sourire narquois d’un Pujadas vengé et des lamentations de Mélenchon blessé : « c’est pas bien ça, c’est pas bien ! … » Du grand art !  Une victoire, pour être franc, que je n’ai cependant pas aimée. Parce que trop facile, trop déloyale !  Un grand torero n’humilie jamais son adversaire et Jean Cau vivant aurait, de sa plume,  « occis  » cet Attali d’opérette. Aujourd’hui, nous sommes le 5 Mai et Mélenchon et ses amis manifestent contre l’austérité et pour une VIème République. Une date symbolique qui ne doit rien au hasard. Ce jour là, en effet , mais en  1789, s’ouvraient les états généraux du Royaume. Toujours la même histoire! C’en est lassant…Au château, l’on ne voit rien venir !

 

 

Pierre Brossolette mérite d’entrer au Panthéon !

 

Portbrossolette.jpg

 

 

Un collectif amené par Robert Badinter, signe un appel au Président de  la République, publié dans « le Monde » du 16 avril 2013, pour que, le moment venu, les cendres de Pierre Brossolette soient transférées au Panthéon. Je l’ai paraphé ; et m’étonne que la presse locale n’est pas relayé cette initiative afin d’en informer  les élus et habitants du Narbonnais. Car ce héros de la Résistance appartient aussi, en effet, certes pour une petite partie de son existence, à l’histoire de ce territoire situé entre Narbonne-Plage et Saint Pierre la Mer. C’est, rappelons le, dans les premiers jours de septembre 1942, que  Pierre Brossolette partit pour la seconde fois à Londres d’une plage située à une dizaine de kilomètres de Narbonne qui, à cette époque et à cette date, était totalement déserte . Après une nouvelle mission en France entre janvier et avril 1943, Brossolette repartira une dernière fois en automne 1943. Il sera arrêté lors d’une tentative d’embarquement pour l’Angleterre en février 44, sur la côte bretonne et , identifié peu après, il se jettera dans le vide d’une fenêtre de la Gestapo, entre deux interrogatoires, pour ne pas livrer sous la torture les secrets qu’il détenait. Un monument a été érigé, près de la plage qui était alors un lieu-dit : Saint-Pierre-sur-mer. Elle est devenue depuis une station animée fréquentée chaque été par de nombreux touristes. Combien d’entre eux, et combien de Narbonnais connaissent cette petite histoire d’un grand Monsieur ? Le poète Philippe Soupault, dans ses Mémoires de l’oubli, dit de lui que c’était un homme « … perspicace sans être cynique, si doué, si modeste, orgueilleux sans être vaniteux. »…