Contre-Regards

par Michel SANTO

Priez et se taire?

 

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Mardi 2 novembre, vers 18h30, alors que Bruno Garrouste célébrait la messe pour les défunts dans l’église du quartier sensible du Viguier à Carcassonne, deux jeunes adolescents d’origine maghrébine sont entrés dans l’église et ont lancé des pierres sur les fidèles qui participaient à l’office. Une profanation qui a laissé de marbre les autorités publiques locales. Mais qui les auraient certainement jetées dans la rue en même temps que l’information propagée sur l’ensemble des chaînes de télé et de radios nationales si elle avait eu lieue dans une mosquée. Ainsi va le filtre médiatique qui, de deux faits sociaux parfaitement identiques, fait de l’un un banal incident de quartier et de l’autre un odieux sacrilège raciste. Du premier, un vague et inutile bruit de fond et, du second, une forte et très rentable information. Une forme de discrimination positive bien à la mode dans les milieux « progressistes » qui assimilent encore l’Eglise et les chrétiens à la classe dominante. Une discrimination validée par des médias pour qui  le jeune musulman de banlieue opprimé est en effet plus vendeur sur le marché de l’indignation morale que le chrétien «  caillassé » du même quartier. Ne resterait-il , pour ce dernier, sur le parvis du droit à la dignité, que celui de prier? Et de se taire ?…

Cimetière.com!

 

 

 

 

C’était dans le cimetière de Bages. Un joli petit cimetière aux tombes bien entretenues. Un jour de cette semaine, par un bel après midi ensoleillé. Un cimetière couvert de fleurs et plein de vie. Celle de familles se croisant et se parlant comme si elles ne le pouvaient plus ailleurs. Des éclats de rires aussi, venants de derrière un cyprès. Ou d’une chapelle, porte ouverte. C’est au coin d’une allée que je l’ai rencontré. Fatigué, courbé par les ans. Un panier à la main rempli de tout son matériel de jardinier. Terreau, sarcloir, bouteille d’eau et un peu d’engrais. Perdu et épuisé. Je lui ai proposé mon aide et nous avons bavardé jusque devant la tombe, qu’il n’aurait jamais trouvée me dit-il. Sur la stèle, des noms italiens. Les seuls en ce lieu. Des vies qu’il m’a racontées le sourire aux lèvres. Le bonheur de les dire pour l’amour qu’il leur porte.

 

Plus tard, repensant à cette étrange communion des vivants et des morts dans une ambiance sereine et joyeuse qui m’a rappelé celle du cimetière de Séville où les andalous se promènent en famille le dimanche, m’est revenu à l’esprit cette annonce d’un cimetière virtuel. Un cimetière sans terre et sans ciel. Sans âme. Avec sa boutique et ses tarifs. Un cimetière où se croisent des signes et des images. Plates. Sans profondeur. Où la mort semble communier avec la mort. Un monde lisse et glacé comme la préfiguration de celui à venir. Un monde sans amour et sans les mots pour le dire. Sans les mots et l’amour de ce Monsieur Gentili qui, les disant par ce bel après midi de cette semaine, m’a fait l’offrande d’un instant de bonheur.

Les vieux préjugés sont moins funestes que les nouveaux!

 

Ce soir, je le disais à une amie, je n’avais pas le coeur ( ni l’esprit ) à l’écriture. Aussi me suis je plongé, un peu au hasard, comme d’habitude, dans la lecture du  » Jardin d’Epicure « . Le livre refermé, je note ces deux extraits.

 

 

 

Extraits du  » Jardin d’Epicure  » d’Anatole France

 

 

 

« Je suis persuadé que l’humanité a de tout temps la même somme de folie et de bêtise à dépenser. C’est un capital qui doit fructifier d’une manière ou d’une autre. La question est de savoir si, après tout, les insanités consacrées par le temps ne constituent pas le placement le plus sage qu’un homme puisse faire de sa bêtise. Loin de me réjouir quand je vois s’en aller quelque vieille erreur, je songe à l’erreur nouvelle qui viendra la remplacer, et je me demande avec inquiétude si elle ne sera pas plus incommode ou plus dangereuse que l’autre. A tout bien considérer, les vieux préjugés sont moins funestes que les nouveaux: le temps, en les usant, les a polis et rendus presque innocents. »

                                      .°.

« Quand on dit que la vie est bonne et quand on dit qu’elle est mauvaise, on dit une chose qui n’a point de sens. Il faut dire qu’elle est bonne et mauvaise à la fois, car c’est du mauvais. La vérité est que la vie est délicieuse, horrible, charmante, affreuse, douce, amère, et qu’elle est tout. Il en est d’elle comme de l’arlequin du bon Florian: l’un la voit rouge, l’autre la voit bleue, et tous les deux la voient comme elle est, puisqu’elle est rouge et bleue et de toutes les couleurs. Voilà de quoi nous mettre tous d’accord et réconcilier les philosophes qui se déchirent entre eux. Mais nous sommes ainsi faits que nous voulons forcer les autres à sentir et à penser comme nous et que nous ne permettons pas à notre voisin d’être gai quand nous sommes tristes. »

Chronique d’un déclin annoncé?

 

 

 

 

Dans un de ces derniers billets, A. Argoul brosse les « Atouts de la France ». Il s’appuie, pour ce faire, sur les chiffres et enquêtes établis par le rapport global sur la compétitivité 2010, édité par le Forum économique mondial de Genève. Loin de vouloir contester ces données et les leçons qu’il en tire, je voudrais, ici, les mettre brièvement en perspective. Pour cela j’utiliserai quelques éléments de prospective figurant dans un rapport de l’IFRI sur le « Commerce mondial au XXI siècle » coordonné par P.Colombani, qui détaille le scénario « Chronique d’un déclin annoncé ».

 

Selon ce scénario, qui repose sur la projection des tendances lourdes de la population active, de la productivité du travail, et de la production, le centre de gravité de l’économie mondiale se déplacerait vers l’aire Asie-Pacifique. L’Union Européenne passant de 23% de la production mondiale en 2000 à 12% en 2050 ! Soit une division par deux de notre puissance économique et commerciale en un demi-siècle ! l’Amérique maintenant sa place .En conséquence, L’Union pèserait de moins en moins sur le cours de la mondialisation et une « une lente mais inexorable  sortie de l’Histoire » serait envisageable. Les raisons? Une démographie et une productivité du travail défaillantes. Deux moteurs qui bénéficient d’abord aux Etats-Unis, qui parviennent à maintenir leur hégémonie, même si la Chine rattrape à grands pas son retard de productivité et l’Europe en engrange d’importants par son élargissement à l’Est.

 

A partir de ce scénario de référence deux variantes plus positives sont envisagées pour l’Europe. Mais qui, toutes les deux, passent par la création d’une vaste zone comprenant la Russie et les pays du Sud de la Méditerranée. Seule solution imaginée pour résister. Et à la condition de jouer sur deux leviers fondamentaux.

 

La démographie, en premier lieu, qui requiert un « policy mix » d’un genre nouveau : politique de l’enfance et politique d’immigration. Une question de l’immigration d’ores et déjà sur l’agenda politique des Etats membres et du Conseil des ministres européen, mais sans qu’aucune politique d’immigration à la hauteur des enjeux n’ait été ,pour le moment, définie. Les auteurs de l’étude concluant que «  La régulation des flux migratoires et l’intégration des immigrés tant sur le plan économique que socioculturel constituera l’une des questions majeures du 21ème siècle. »

 

Quant au deuxième levier, l’innovation,il suppose, comme le premier, des investissements considérables. Et donc des arbitrages budgétaires douloureux «  alors que de nouvelles sources de dépenses vont se faire jour : les budgets des Etats membres devront endosser la charge financière résultant du vieillissement de la population européenne ; les transferts sociaux (retraite) et de santé devraient peser de plus en plus sur les finances publiques des Etats ; quant au budget européen, il devra financer l’élargissement et la remise à niveau des pays de l’Est. »

 

Ce qui nous ramène en France, en plein conflit idéologique et social sur le financement des retraites. Et qui nous permet, grâce à cet éclairage de long terme, de mesurer des enjeux dont la portée dépasse largement celui de savoir s’il convient de partir à 62 ou 65 ans.

 

En 2050, nos lycéens auront 55 ans.Et plutôt que de se laisser instrumentaliser par leurs aînés qui, à cette date, n’auront d’autres soucis que « la paix de leurs âmes », ils feraient mieux de réfléchir sérieusement à ces grandes tendances géopolitiques aux retombées économiques, sociales et politiques considérables pour leur avenir. Sauf à s’enivrer de slogans inspirés des anciens et s’enfoncer tête baissée dans une histoire qui se fera sans eux.Sur d’autres continents!

 

La jeune gauche et la vieille droite.

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Nos étudiants et nos lycéens claironnent dans les cortèges que « si on repousse l’âge de la retraite, les vieux vont rester plus longtemps sur le marché du travail et ça va augmenter le chômage des jeunes. » Les vieux ! C’est vrai qu’ils nous gonflent, pour parler jeune. Ils durent les c… ! Nous piquent les emplois, nous plombent la Sécu et nous font suer le burnous pour financer leurs vacances à Cuba. Bien, bien ! Mais il faudra alors que l’UNEF et l’UNL militent aussi contre l’immigration : « car si plus d’étrangers entrent en France, ça fera du chômage en plus pour nos jeunes aussi… » Non ? Il paraît pourtant que le niveau monte, affirment nos pédagogues (qui, au passage, assurent leur service d’ordre dans les manifs…). Certes, certes ! Il atteint en effet des sommets ces jours ci. Où la bêtise rejoint l’irresponsabilité. Et la jeune gauche la vieille droite.