Contre-Regards

par Michel SANTO

Nous sommes tous grecs!




Qu’est ce qui importe pour notre avenir et celui de nos enfants ? Les prochaines élections régionales en Languedoc-Roussillon et ses dernières péripéties politiciennes ou les décisions que prendront aujourd’hui les responsables de l’Union Européenne concernant une Grèce à la dérive ? La réponse est évidemment dans la question.
Ce n’est pas avec une richesse produite par habitant qui nous place en queue du peloton des régions françaises depuis des lustres et une institution régionale sans pouvoir réel sur les  » fondamentaux économiques et sociaux  » que son futur « patron » pourra modifier cette situation. A l’inverse, que l’Union Européenne laisse « tomber » la Grèce, que ses Etats et sa banque centrale ne prennent pas sa dette à des taux d’intérêts acceptables en contrepartie d’ajustements budgétaires sérieux, et c’est toute la zone euro qui en pâtira. Les marchés (c’est-à-dire les gestionnaires de notre épargne….) ne manqueront pas en effet d’aller demander des comptes à d’autres.Y compris à la France dont on ne peut pas dire que sa politique budgétaire et fiscale soit marquée du sceau de la responsabilité. Les marchés, mais aussi les pays vertueux comme l’Allemagne qui commencent à en avoir assez de « payer » l’incompétence et les mensonges de ceux qui pratiquent la plongée dans les dépenses publiques et dans la dette comme seuls leviers de leurs politiques économiques et sociales.
Ce que révèle la situation de la Grèce, c’est que le « pacte de stabilité » de Maastricht comme moyen de coordination des politiques budgétaires et fiscales de l’Union Européenne n’est plus suffisant. Si tant est qu’il ne l’ait jamais été! L’heure est donc venue d’une plus grande « intégration » de ces politiques. Ce qui signifie moins de « souveraineté nationale » et donc plus de contraintes sur les choix des «  peuples ». Les accepteront-ils ? Avec toutes leurs conséquences ?
Dans les dix ans qui viennent c’est à ces questions que nos dirigeants devront répondre. Quant à celle de savoir qui sera, dans ce contexte et dans les mois qui viennent, le prochain président du Languedoc-Roussillon, j’avoue ne lui accorder d’autre intérêt que celui que l’on peut allouer au dérisoire et à la bouffonnerie.
C’est à Bruxelles en effet que se joue aujourd’hui et pour demain notre avenir et celui de nos enfants.Pas à Montpellier!

Le plus dur est devant nous.

Avant de tenir chronique dans la Croix, Alain Vernholes le faisait dans le Monde. L’économie est son sujet. Ou plutôt les politiques publiques économiques. Sa dernière, datée du 8 février 2010, est titrée «Le plus difficile est pour demain». Sa conclusion est qu’il faudra 10 à 12 ans d’équilibre budgétaire pour retrouver le niveau d’endettement qui était le nôtre en 1997 (60% du PIB ) et, en conséquence aussi serrer les budgets de l’Etat, des collectivités locales et de la sécurité sociale. Donc réformer sans désordre, agir sans autoritarisme et assainir les comptes publics en évitant le risque de la stagnation économique. Trois « grands écarts » qu’une droite fatiguée pourrait refiler à une gauche pas très motivée afin de gérer la crise sociale que ne manquera pas de produire ces ajustements budgétaires au combien nécessaires!Mais qui en contrepartie de ce transfert démocratique de la gestion du pays à la gauche lui permettrait, à l’occasion d’élections intermédiaires, de reprendre, mairies, départements et régions… En attendant, observons à la manœuvre les gouvernements espagnols, grecs et portugais, socialistes et sous pression des marchés financiers. Un avant goût de ce qui pourrait, peut -être, nous échoir un jour…

Le rire pour rester sérieux.





« Et si le handicap structurel
économique de l’Aude avait été une demi-chance pour que la crise se passe ici, un peu moins durement que dans des départements fortement industrialisés ? »  C’est le message que tenait à faire passer Madame le Préfet de l’Aude lors de sa dernière conférence de presse .
 Un peu comme si Dominique Strauss Khan, le patron du F.M.I, affirmait que le sous développement du Burkina Faso avait été une grande chance et que  la crise financière et la montée du chômage avaient moins affecté ses habitants que ceux des pays industrialisés ou en voie de développement.
Un détournement du sens des mots et des réalités comme on en trouve des centaines dans la bouillie médiatique qui nous est quotidiennement servie.
Il fut un temps où je m’en indignais.J’ai désormais pris le parti d’en rire.
Le seul instrument qui nous reste pour rester sérieux…

La voix de Léon Blum nous manque!




En  juillet 1931, Léon Blum (1) présidait la cérémonie de la distribution des prix au lycée de Narbonne. Narbonne dont il était le député.
Il y fit
cette déclaration d’amour : « J’aime Narbonne parce qu’elle m’a révélé un des plus beaux types de la nature et du caractère humain ; parce que votre lumière, digne de la Toscane ou de l’Ombrie, baigne à tous les points de l’horizon, des lignes âpres et nobles ; parce qu’ici, comme eût dit Stendhal, “ rien n’est plat ” : parce que le mélange heureux des sangs a produit chez vous une race ardente, fière, généreuse, capable de toutes les exaltations et de tous les dévouements. ».
On admirera le style, si loin de tous ceux qui lui succédèrent jusqu’à ce jour ! Un style qui définit une âme. Une âme dont la grandeur ne s’est jamais abaissée à justifier l’injustifiable que sont, en politique comme dans la vie, la vulgarité d’esprit et le mépris des hommes.
On devine aisément aussi ce qu’il aurait pensé, aujourd’hui, de l’attitude de ses propres amis politiques languedociens qui toujours et encore défendent un G.Frêche…
Sa voix manque pour leur faire entendre raison.
A Narbonne, plus qu’ailleurs…

(1) Léon Blum, battu par Jacques Duclos lors des législatives de 1928 à Paris, avait été élu député de Narbonne, lors d’une partielle en 1929.

Les limites du don?





Ce soir là, nous étions entre amis et la discussion tournait autour des limites du don. L’actualité en toile de fond. Qu’en retenir aujourd’hui, pour mieux en reparler à l’occasion?
Que nous vivons dans une économie de marché, dont le fonctionnement suppose l’échange et dans un système juridique, qui  exige la réciprocité.Et que ces deux domaines étroitement imbriqués finissent par structurer notre pensée au point d’envisager toute relation sur le seul mode de l’échange. Au point de considérer comme douteux, suspect ou hypocrite tout acte qui n’aurait pas de contreparties matérielles ou « symboliques ».

C’est ainsi, par exemple, que le « sourire de la boulangère ou de la crémière » ne peut être qu’intéressé par ses éventuelles retombées commerciales.
Bref, il n’est pas d’actes gratuits. Chaque don a nécessairement sa contrepartie. A la seule exception, peut-être, du  » juste  » qui, pour sauver la vie d’un inconnu donnerait la sienne.
Que ces propos visent tout ce qui relève du « pathos de la bonne conscience satisfaite », certes. Mais peut-on en déduire, conséquemment, qu’il serait inutile de chercher la gratuité dans le don et qu’il convient de le considérer, comme tout échange, qu’intéressé et forcément imparfait au plan moral ?
Soit! Admettons que tout don ait sa contrepartie. Mais pourquoi donc devrait-elle induire chez le « donateur » un sentiment d’incomplétude ou d’imperfection ? Ou que le peu de fierté ressenti dans le fait de donner de son temps, ou d’autres choses, soit vécu comme une déchéance morale ? Et qui ne voit, qu’à trop   » filer  » cette idée, on offre ainsi, paradoxalement, au cynisme propre à notre époque l’argument « moral » qui le justifie.

Alors, entre ne pas donner pour ne pas être « dupe » et donner dans l’espoir d’en tirer quelques « bénéfices », convenons tout simplement de suivre la sagesse de nos cœurs. Celle qui commande de nous conformer à notre nature profonde. Et qui nous invite à accepter tout aussi naturellement la seule joie de donner…