Contre-Regards

par Michel SANTO

Un petit acte de barbarie.

Mercredi soir,18 heures 30 environ, assis à la terrasse d’un café place de l’hôtel de ville, à deux pas de chez moi, j’assiste à une scène surréaliste. Un colosse et son ami portant tous les deux les  attributs du « SDF » estival. Pas de chiens en laisse cependant, mais, pour chacun, une canette de bière à la main. Le premier, pris d’une pulsion irrésistible, sort ostensiblement un « pétard », éloigne brutalement de son site deux jeunes gens qui voulaient s’asseoir sur un banc de pierre pour y manger un sandwich, tandis que le second prend le temps de se coller gaillardement un portable à l’oreille ( La modernité au coeur de la marginalité et de sa misère physique et morale! ). A quelques mètres d’eux, au milieu de nombreux promeneurs, deux policiers municipaux dans une discussion animée avec le propriétaire d’une pizzéria:  » l’ Ago.a « , se marrent. Quelques instants auparavant, ils venaient d’houspiller nos mangeurs de sandwichs qui se tenaient assis trop près des vestiges de l’antique voie domitienne… C’était mercredi soir, 18 heures 30  environ, j’étais assis à la terrasse d’un café place de l’hôtel de ville, et il ne s’est rien passé. Seulement un petit acte de barbarie, au sein d’une petite société indifférente goûtant les derniers instants d’une chaude et lourde journée d’août. Ce soir là, j’ai espéré l’orage que tout le monde attendait. En vain ! 

L’universelle mauvaise foi.

  mauvaise-foi

Dans un  de mes billets précédents, je rappelais la figure de Miguel Torga pour exprimer cette conviction que l’universel de l’humanité pouvait se penser dans l’observation des mœurs en usage dans son village ou sa cité. Où qu’ils se trouvent. Dans la pauvre et secrète province de Trás-os-Montes, dans le dur et sec massif des Corbières ou la capricieuse et molle plaine narbonnaise. Ainsi de l’universelle mauvaise foi qui, dans la bouche des politiques, s’expose sans pudeur dans toutes les langues, avec un identique pathos. Comme à Narbonne, précisément, où son député-maire-président d’agglomération… adversaire déclaré du cumul de mandats mais partisan décidé de n’en manquer aucun, se lançait lundi dernier dans un plaidoyer sur l’art de l’anticipation alors même que dans l’opposition il pratiquait celui de la conservation. A l’instar de celle obstinée et systématique concernant l’entrée de Port la Nouvelle dans l’agglomération de Narbonne aujourd’hui présentée comme la marque de son ambition visionnaire. Des exemples de ce genre, un lecteur choletais ou polynésien pourrait  m’en fournir «  à la pelle ». A la condition toutefois d’échapper à cette maladie chronique de nos sociétés du « zapping » qu’est l’amnésie politique. Cette forme d’oubli de soi et du monde entretenu à loisir par tous les spécialistes de l’enfumage médiatique. Et qui requiert, pour s’en protéger et la dénoncer, la plus grande attention. Celle qu’on accorde à la recherche de la vérité. Quel qu’en soit le prix. Même au risque de se tromper…

 

Il est 5 heures Narbonne s’éveille!

Il est ( l’heure est imprécise, 5 heures peut-être ), Narbonne (ou Paris, peu importe ) s’éveille, s’éveille.Les journaux sont imprimés.Les ouvriers sont déprimés.Les gens se lèvent, ils sont brimés… Il est…  ( 5 heures disions nous ),  » la give rauche » ( le nom du bar est discutable ) s’éveille, s’éveille.Les journaux sont commentés. Les lecteurs sont déprimés. Les gens se lèvent, ils sont blindés. Il est ( je ne sais plus…), la rue s’éveille, s’éveille. Les feuilles mortes sont ramassées. Les éboueurs sont consternés. Les gens se lèvent, ils sont frustrés. Il est ?, Narbonne s’éveille (?), s’éveille (?). Les cafés nettoient leurs glaces.Le rosé est dans les tasses ( ah bon!). Les gens s’embrasent, ils sont sidérés….
Avec l’aide de J. Dutronc

Les primaires à gauche ou le leurre de Martine.

Les éditorialistes voient toujours le monde en noir et blanc. La nuance et la mise en perspective sont, disent-ils, « invendables ». Hier, Martine Aubry gouvernait un bateau à la dérive, aujourd’hui, le voilà aux mains d’une « patronne » (!!!). La raison ? Pour l’essentiel son ralliement à l’organisation de primaires à gauche pour sélectionner le meilleur candidat pour les futures présidentielles. Ce qui suppose l’adhésion des principaux partis de l’ex gauche-plurielle à cette procédure. Le PC, qui a déjà donné en se noyant dans le « programme commun de gouvernement » , n’est pas prêt à repasser à la tronçonneuse. Et les autres, instruits par l’histoire ont déjà envoyé à Martine une fin de non recevoir. De sorte que ces primaires ne concerneront probablement que le PS qui, par ce dispositif, essaiera  en réalité de régler son incapacité collective à désigner son leader. Difficulté qui le fait échouer lors des grandes consultations nationales. C’est dire que  cette question, la seule dans une élection présidentielle au suffrage universel, est loin d’être réglée. Et qu’on n’a pas fini d’en parler…En reprenant et  tendant habilement ce leurre des primaires (1), Martine Aubry a donc fait un joli coup et momentanément rappelé ses oiseaux de proies. Mais jusqu’à quand  resteront-ils sur son bras, le bec fermé?

(1) leurre, définition : Bout de cuir rouge servant à rappeler l’oiseau de proie apprivoisé. Sens figuré ( Artifice pour tromper, illusion ).


L’Or de Cendrars.

Il est tôt ce matin, et je tombe sur ces deux remarques de Sylvain Tesson, toujours dans le même numéro de la NRF, le 588, ( 400 pages quand même! ) à propos de l’Or ( le roman de Cendrars, celui d’un prophète! ).
1°  » Et si l’Or était le  premier roman de la mondialisation? … le premier ( livre ) à faire entrer dans la littérature ce que Heidegger appelait l’arraisonnement du monde, c’est à dire la mise en demeure adressée à la Nature de nous livrer ses ressources. »
2°  » Cendrars savait que la Nature était bonne mais aussi que l’Homme était fou. Et l’Or, en ce sens, est un roman écologique. Non pas un prêche environnementaliste à la Thoreau, ni un appel londonien à la régénérescence dans les vertes forêts des âmes débilitées par la civilisation. Mais une peinture de la démesure de l’homme qui mène à la destruction de la Terre. L’écologie selon Cendrars, ce n’est pas panser les plaies de la Nature. C’est d’abord guérir l’Homme de sa voracité. Pour  faire tomber la fièvre. « 
Ce sera tout pour aujourd’hui!