Edwy Plenel est reçu sur tous les plateaux de télévision. On ne voit plus que sa moustache à la Léon. Sur Soir 3, vendredi, le présentateur lui demande si, pour lui, les musulmans sont des cibles . Des cibles… Quand il y a en eut 17: journalistes, policiers et juifs abattus pour venger le prophète. Indécent! Et Plenel d’accuser la laïcité, « agressive » et stigmatisante, qui serait responsable des « violences » physiques et verbales des jeunes français de culture musulmane. Attaque de la laïcité suivie de tout un discours misérabiliste sur l’immigration maghrébine. Sa thèse, vieille et permanente, comme son trotskisme culturel revendiqué : en agitant les querelles religieuses, on détourne l’attention des enjeux politiques et sociaux. Rosa Luxembourg n’écrivait-elle pas déjà : « La guérilla permanente contre les prêtres est pour la bourgeoisie française l’un des moyens les plus efficaces de détourner la classe ouvrière des questions sociales et d’étouffer la lutte des classes. » Tout, chez lui, est donc compris comme le résultat d’une situation économique et sociale donnée, ou plutôt subie. Mais il faudrait qu’il nous explique alors pourquoi les immigrations précédentes, l’espagnole – j’en viens – et la portugaise, qui n’ont pas bénéficié de logements, même en des quartiers isolés – dans ma petite ville, nous étions concentrés dans le quartier le plus délabré et vivions dans des quasi-taudis – ni de la Sécurité Sociale pour les artisans, ni RMI, ni RSA, ni CMU …, il faudra donc que Monsieur Plenel nous explique alors pourquoi les fils et filles de ces immigrés n’ont perpétré aucune violence armée, symbolique ou verbale envers les autorités de la République: éducatives ou sécuritaires, notamment. De ma seule et petite histoire, je retiens que me fut toujours enseigné par mes parents, dès mon plus jeune âge, que nous devions accepter la règle commune, à commencer par l’usage de la langue, et, en toutes circonstances, « faire au mieux ». À l’école, dans son entreprise, son syndicat , son parti… La laïcité, contrairement à ce que prétend monsieur Plenel, ne nous ne l’avons donc jamais perçue comme « agressive ». Prétendre aujourd’hui qu’elle l’est alors qu’elle vient de subir une agression d’une violence inouïe, c’est nous – m’ – en faire supporter la responsabilité. Et cela, je ne peux pas le supporter! Et à défaut de ne pouvoir le lui dire de vive voix, il m’aura au moins permis de l’écrire; et à certains lecteurs de partager un peu de ma colère à l’écouter ainsi discourir…
C’est Jacques Drillon qui nous le dit dans un de ses excellents articles : « Tout est dans la connotation. Le sens permanent du mot, son sens objectif, sa «dénotation», n’ont plus d’importance. Voilà le but du totalitarisme : supprimer la dénotation, au profit de la connotation. Vieille histoire, vieil attentat contre le vocabulaire. Déjà, sous l’Occupation, les Allemands appelaient les Résistants des «terroristes». Lorsque tout est dans la connotation, le raisonnement devient impossible, la communication faussée, et l’exact se confond avec l’erroné. »
Et de noter que : « Les têtes pensantes de l’islamisme l’ont très bien compris. Ils ont mis une bombe sous chaque mot du vocabulaire. C’est ainsi qu’on déclenche une guerre civile. La dernière Une de «Charlie Hebdo» est «raciste», a dit l’un d’eux. Entretenir la confusion entre anti-islamisme et racisme, voilà un bon exemple de connotation chargée de l’emporter sur la dénotation, voilà un mot prêt à exploser. »
Le 11 janvier, un ministre saoudien manifestait à Paris. Le 9, dans son propre pays, un blogueur recevait 50 coups de fouet et était lourdement condamné pour « insulte à l’islam. Ainsi: « On peut donc être Charlie et charia. » C’est cela l’amalgame, comme à propos de l’islam et de l’islamisme, de l’islamophobie et du racisme…
La guerre contre le terrorisme est aussi une guerre des mots. L’aurions-nous déjà perdue?
En complément de mon billet publié ce matin (ici):
« Pour Naser Khader, ancien membre du Parlement danois d’origine syrienne, «les islamistes radicaux sont les nazis de l’islam». Il estime que les musulmans sont à même de les combattre.
Ce dimanche, dans le New York Times, 23 intellectuels musulmans influents des États-Unis, du Canada et de Grande-Bretagne, soutenus par le Gatestone Institute, ont signé un appel vibrant à une «réforme de l’islam1». «Que peuvent faire les musulmans pour se réapproprier leur “belle religion”», s’interrogent-ils, soulignant que les massacres, les décapitations et mutilations perpétrés par l’État islamique2, les prises d’otages de jeunes filles innocentes orchestrées par Boko Haram ou la mise en esclavage de chrétiens en Irak4 sont autant de crimes menés au nom d’Allah. «Notre déni et notre silence relatif doivent cesser», écrivent ces personnalités.
«Nous devons nous engager dans la promotion de réformes quand nécessaire, y compris une réinterprétation honnête et critique des écritures et de la charia, utilisées par les islamistes pour justifier la violence et l’oppression.» «La théocratie est un échec prouvé», disent-ils encore. «Le chemin vers la justice et la réforme doit se faire à travers la liberté», ajoutent ces musulmans laïcs, dévoués à la cause de la démocratie. Un propos bien éloigné du discours généralement entendu dans le monde musulman, selon lequel l’islam n’a rien à voir avec les dérives terroristes de certains de ses membres. » La suite dans le lien ci-dessous:
Il y a déjà bien longtemps que je suis le blog et la page Facebook de Koz Toujours. Le 21 au soir, après Joué-les-Tours et Dijon, il écrivait ces lignes, que je fais miennes. Elles expriment ce que je pense du climat dans lequel nous vivons cette fin d’année. Voici:
« Ce soir, je me demande si nous ne sommes pas à un point de bascule. J’ai déjà expérimenté plus d’une fois ici à quel point il n’est pas possible de parler sereinement de l’islam, des musulmans. Après Joué-les-Tours et Dijon, est-ce seulement envisageable ? Tenir un discours raisonné va-t-il seulement être possible alors que le faire, avant ces événements, vous conduisait déjà à vous faire qualifier de lâche, de naïf, de dhimmi, etc. ?
Extrait d’un entretien Pascal Bruckner-Bruno Le Maire. Sans langue de bois, et roboratif!
Quoique l’on pense de ces deux personnalités, leur mode d’expression, qui ne lâche rien, sur le fond, des valeurs de la République, donne un sérieux coup de vieux politique et rhétorique à une grande partie de nos élites politiquestétanisés par le politiquement correct. Un indice supplémentaire de ce que je crois entrevoir d’une libération de la parole politique.b