J’ai plongé, ces deux derniers jours, dans les profondeurs de nos cerveaux en compagnie de Lionel Naccache*. Une exploration passionnante. C’est ainsi que j’ai trouvé dans celles de nos lobes temporaux deux hippocampes – deux petites régions dont la forme épousent fidèlement celle du petit cheval de mer. Deux hippocampes donc où s’activent les neurones indispensables à la création de souvenirs conscients et nous orientent dans l’espace. Le plus extraordinaire est que cette mémoire des lieux sous-tend celle des scènes que nous avons vécues. Mieux, la nuit, quand nous sommes plongés dans les profondeurs du sommeil, nos GPS se rallument et se mettent à jouer en accéléré les trajectoires de la journée passée. Et des centaines de fois. Un « replay » nocturne qui nous permet de consolider les souvenirs des épisodes que nous avons vécus dans la journée. Au passage, Lionel Naccache nous rappelle que Cicéron déjà avait remarqué qu’une excellente façon d’apprendre par cœur une longue tirade consistait à imaginer une promenade dans un lieu familier (une maison, par exemple) et à déposer chaque fragment du texte en question à une étape de cette navigation mentale (de la cave au grenier…) Une méthode toujours en usage parait-il : « la méthode des palais de mémoire ». Il convient de noter aussi que cette découverte du rôle de nos « deux petits chevaux de mer », par John O’Keef et le couple Moser, a été récompensée par le prix Nobel 2014 et, chose étonnante (n’est-ce pas), Patrick Modiano, écrivain de la mémoire, s’il en est, a reçu celui de littérature la même année.
Enfin, il ne faudrait oublier que la mémoire ne se limite pas aux seuls épisodes de notre vie. Nous sommes en effet dotés d’une douzaine de systèmes de mémoire, chacun reposant sur un système cérébral différent. Enfin ! le plus important, peut-être, pour terminer. Il ne faut jamais oublier aussi que, quand on se souvient, on se souvient toujours au présent. On ne se souvient jamais de la même façon suivant le présent dans lequel on est. Il n’y a pas de souvenir objectif !
*Lionel Naccache et Karine Naccache : « Parlez-vous cerveau ? » Odile Jacob 2018
La dernière fois que je l’ai croisé, c’était sur la place Verdun. Il revenait des Halles, je sortais de chez Adeline, notre boulangère. Peut-être s’y rendait-il ! Souvent nous nous y retrouvions, en fin de matinée. Malgré son grand âge, 96 ans, sa haute et puissante stature en occupait tout l’espace, déjà très restreint. Et son « bonjour », grave et profond, donnait au lieu et au temps toute leur épaisseur. Cet homme, je ne le reverrai plus.
D’ici quelques années, verra-t-on des bus décharger leur horde de touristes, appareils photo autour du cou, devant le Bataclan ou les anciens locaux de Charlie Hebdo ? Au Rwanda, à Dallas, à Tchernobyl, et bien sûr à Auschwitz, c’est déjà le cas. Ce tourisme ni vraiment mémoriel, ni totalement macabre est admirablement décrit dans ce reportage de Philippe Pujol publié par le site suisse d’information et longs formats Sept.info en septembre 2015.
Remarquable « film-docu » sur Marie Curie, hier soir, sur la « 2 ». Et de biens « belles » et terribles images sur son combat de scientifique et de femme engagée sur plusieurs lignes de front. Celles de la guerre, de l’ignorance, des préjugés sexistes, de la bêtise bureaucratique, des jeux de pouvoirs. Deux prix Nobel et pas une seule médaille au titre de ses actions « militaires »! Elle avait mon âge quand elle est morte – de maladie.
Picasso Pablo (dit), Ruiz Picasso Pablo (1881-1973). Paris, musée national Picasso – Paris. MP72. Partager :ImprimerE-mailTweetThreadsJ’aime ça :J’aime chargement… […]