C’était au temps où j’exerçais le métier de DGA à la Région Languedoc-Roussillon. Avec, plus précisément, dans mon champ d’intervention et de responsabilités, l’économie, l’enseignement supérieur, la recherche et la formation professionnelle. Parmi mes interlocuteurs, des chefs d’entreprises, dont certains, comme Laurent Spanghero, sont devenus depuis des amis. Lui et tant d’autres s’étonnaient toujours de « l’énergie » que je dépensais, inutilement à leurs yeux, à lire ce que l’on appelle communément les grands auteurs (en réalité les miens correspondent assez peu à ce cliché aux contours ostensiblement balisés). Invité à déjeuner chez lui, à l’occasion d’un match du tournoi des cinq nations regardé devant sa télévision, je lui avais amené le classique« Art de la guerre » de Sun Tzu.« Tout est là Laurent, tu gagneras du temps et de l’énergie à le lire ! ». Et je lui conseillais aussi, pour faire bonne mesure, le« Lucien Leuwen » de Stendhal.Cette scène m’est revenue à l’esprit, ce matin, après voir pris connaissance des réactions des proches de Patrice Millet, à l’annonce de son retrait brutal de la vie politique locale. Coïncidence étrange, je lis en ce momentSimon Leys et son savoureux : « Le bonheur des petits poissons ».J’y ai noté ceci, pas plus tard qu’hier au soir : « En d’autres mots : les gens qui ne lisent pas de romans ni de poèmes risquent de se fracasser contre la muraille des faits ou d’être écrabouillés sous le poids des réalités. Et il faut alors appeler de toute urgence le Dr Jung et ses collègues pour essayer de recoller les morceaux. » Et un peu plus loin encore : « Ce que je voulais souligner est simplement ceci : notre équilibre intérieur est toujours précaire et menacé, car nous sommes constamment en butte aux épreuves et agressions de la réalité quotidienne ; l’issue des luttes de l’existence demeure à jamais incertaine, et finalement c’est peut-être un personnage de Mario Vargas Llosa qui a donné la meilleure description de notre commune condition : « La vie est une tornade de merde, dans laquelle l’art est notre seul parapluie. » Je ne connais pas les goûts littéraires de Patrice Millet, mais si je devais lui recommander trois livres à lire, à tête à présent reposée, ces trois là surement s’imposeraient…
DSK et le pape font l’actualité. Benoît serait la victime d’un prétendu complot « gay » ! Quant à D.S.K une « romancière », une nommée Marcela Iacub, complètement givrée, vient de l’achever. À la curée à la Curie de «La Repubblica» répond l’égorgement littéraire d’un goret, c’est Marcela qui le nomme ainsi. Une mare nauséabonde dans laquelle nous entraînent des gens, journalistes, intellectuels dont le métier est pourtant d’informer. Et qui mettrait les médias en émoi, affirme, subtilement!, le Monde…
Un lecteur du Midi Libre s’indigne duprojet de Musée régional de Narbonne antique (Muréna), conçu par l’architecte britannique Norman Foster. «Où est l’esprit visionnaire de Georges Frêche dans ce choix calamiteux?», s’étrangle-t-il! Calamiteux ! Bigre ! Je le trouve très beau, moi, au contraire. Elégant, sobre, d’une grande simplicité de lignes, il me fait penser au Carré d’Art de Nîmes.
Jacques Raynal, qui depuis quelque temps nous avait quitté, nous revient aujourd’hui, pour notre plus grand plaisir, avec ce délicieux conte de Noël. Qu’il en soit remercié!
C’est en parcourant le blog (excellent !) de Patrick Corneau, que je suis tombé sur un texte de Jean Sulivan. Coup de foudre ! Et achat immédiat de son Abécédaire, que je ne connaissais pas. En attendant d’en feuilleter les pages, et pour vous donner l’envie d’y aller voir, deux extraits. Que voici :
« Nous nous croyons éclairés. Nous avons lu tant de livres, écouté tant de débats. L’aliénation religieuse, nous connaissons. La foi alibi: peur de la vie, peur de la mort, refuge pour la faiblesse. Nous avons dépassé. Mais nous supportons que les sociétés contemporaines prospèrent au sein de l’aliénation économique. Le ressassement idéologique, la compétition permanente, la course vers l’an 2000, l’obsession du niveau de vie, fascination des apparences qu’on nomme réalité au théâtre de l’audio-visuel ont pris la place des méditations religieuses, tandis que les consciences surinformées deviennent désertiques sans autres consolations que l’argent, les gadgets sans cesse renouvelés d’une société qui ne survit qu’en exaspérant les désirs et en créant de nouveaux besoins. »
La dévotion moderne
« Si vous lisiez, par exemple, non pour être confirmé en ce que vous pensez, mais pour sortir de votre sommeil. Lire, c’est partir, accueillir. Hélas ! Ce que l’on veut souvent sans le dire jamais, c’est s’abriter, prendre, s’enrichir, sans aucun risque. Car n’avoir jamais été blessé, réveillé, mis en marche, en joie par un livre, c’est n’avoir jamais lu. Quel temps réservez-vous à votre nourriture spirituelle ? Où la prenez-vous ? Êtes-vous capable de solitude ? On meurt seul dit Pascal. On vit seul aussi pour l’essentiel. Réservez-vous quelques heures pour aller marcher sous les arbres ou le long de la mer. Regardez-vous dans votre vérité. Vous êtes un passant. Ce qui est à vous ne vous appartient pas. Dépositaire provisoire : tout ce que vous êtes. Quand je dis: vous, c’est aussi bien : je, moi, n’importe qui. Qui que vous soyez, vous n’êtes pas important. Vous donnez trop d’importance à la réussite. Ce que vous nommez échec, n’en ait un que si vous le décidez. Vous dites que vous êtes irrémédiablement blessé par le passé. Cela dépend de vous à l’instant même. »