Le maître et ses disciples.

 

Dans ce roman, Paul Bourget met en cause les responsabilités des maîtres à penser de l’époque sur leurs élèves . Sa clef: montrer que tout savoir abstrait, toute idée est mauvaise pour des hommes privés de liberté de penser. Une mise en cause percutante de la responsabilité des élites quant aux effets de leurs  » discours  » sur ceux qui leur accordent leur confiance. Un texte, comme tous les classiques, qui nous renseigne sur notre époque. A lire, ou à relire, donc, plutôt que d’écouter un Guillon, par exemple… 

C’était en 2009 au Bac philo!

Dissertant sur le progrès technique, nos jeunes gens écrivaient , en 2009, entre autres perles, ceci:

 » Ceux qui n’acceptent pas le progrès technique sont obligés de s’exclure de la société, de vivre dans la jungle, dans la forêt.

Cette individualisation aura des répercussions sur le quotidien de la société, l’absentéisme aux élections en est un exemple.

Ainsi les ménages travaillent de moins en moins, de plus l’invention de la télévision, de l’ordinateur n’arrange pas le tout.

Par exemple si l’homme n’arrive pas à s’orienter avec une boussole il en conclura qu’il devra pour le futur se munir d’un GPS afin de ne pas reproduire la même erreur, de plus son point de vue sur l’orientation sera positive.

Le développement technique a aussi amélioré le confort en ce qui concerne les commodités. Nous ne sommes plus obligés de s’en occuper et de déposer dans le jardin ou ailleurs comme dans le temps, puisque maintenant tout part dans des stations faites pour. « 

On redoute de les lire demain sur le même sujet… Car, à «  cette question “le développement technique transforme-t-il les hommes ?” la réponse à extraire n’est donc pas une évidence. « 

Le capital érotique de Catherine Akim.

 
   

 

LLafranc, dimanche 26 avril. Assis à la terrasse du LLevant, une de mes « querencias » de ce petit coin de la « Costa brava » encore protégé, je lis l’édition dominicale de « la Vanguardia » et m’arrête, alléché par son titre, sur la chronique de Luis Racionero : « Las eroticas capitalistas ». Il y présente une étude de la sociologue britannique Catherine Hakim selon laquelle le capital érotique serait le 4e pilier d’une personnalité moderne, en sus du capital économique, du capital culturel et du capital social. Un capital érotique qui ne concernerait pas que les  «  choses » du sexe ou le mariage. Dans nos sociétés modernes  où la culture est hyper sexualisée, nous est-il, en effet, précisé, le capital érotique prend de plus en plus de valeur sur le marché du travail, au sein des médias, de la politique, de la communication et de la publicité. Et les femmes seraient mieux dotées que les hommes ! Question de Luis : pourquoi ? parce que (je le traduis) « Dans la loi de l’offre et de la demande de coït, l’injuste nature a truqué la balance de sorte que la demande du mâle sera très supérieure à l’offre de la femelle et, comme tout le monde le sait, le prix monte et celui qui met le prix et le perçoit, c’est la femme. » Mais comme elles vivent dans des sociétés patriarcales, elles seraient tentées de ne pas se servir de cet «  avantage comparatif », les hommes « s’efforçant de construire des idéologies morales pour empêcher les femmes d’exploiter leur capital érotique et d’en tirer des bénéfices économiques et sociaux ». Et l’auteur(e) de se lamenter que les féministes ne soient pas capables de libérer les femmes de la perspective patriarcale. Certes, mais il est de nombreuses femmes qui plutôt que de suivre les méthodes radicales des féministes, préfèrent continuer d’exploiter leur capital érotique avec ou sans patriarcat, conclue L. Racionero.

Ce que je n’ai pas manqué de constater à la table voisine…

 

 

De l’art de la dispute.

     

Toujours d’actualité notre cher Montesquieu! Sa 36 ième lettre, notamment…:

 

 » Usbek à Rhédi, à Venise.

Le café est très en usage à Paris : il y a un grand nombre de maisons publiques où on le distribue. Dans quelques-unes de ces maisons, on dit des nouvelles ; dans d’autres, on joue aux échecs. Il y en a une où l’on apprête le café de telle manière qu’il donne de l’esprit à ceux qui en prennent : au moins, de tous ceux qui en sortent, il n’y a personne qui ne croie qu’il en a quatre fois plus que lorsqu’il y est entré.

Mais ce qui me choque de ces beaux esprits, c’est qu’ils ne se rendent pas utiles à leur patrie,  et qu’ils amusent leurs talents à des choses puériles. Par exemple, lorsque j’arrivai à Paris, je les trouvai échauffés sur une dispute la plus mince qu’il se puisse imaginer : il s’agissait de la réputation d’un vieux poète grec dont, depuis deux mille ans, on ignore la patrie, aussi bien que le temps de sa mort. Les deux partis avouaient que c’était un poète excellent ; il n’était question que du plus ou du moins de mérite qu’il fallait lui attribuer. Chacun en voulait donner le taux ; mais, parmi ces distributeurs de réputation, les uns faisaient meilleur poids que les autres. Voilà la querelle ! Elle était bien vive : car on se disait cordialement, de part et d’autre, des injures si grossières, on faisait des plaisanteries si amères, que je n’admirais pas moins la manière de disputer, que le sujet de la dispute. « Si quelqu’un, disais-je en moi-même, était assez étourdi pour aller devant un de ces défenseurs du poète grec attaquer la réputation de quelque honnête citoyen, il ne serait pas mal relevé, et je crois que ce zèle, si délicat sur la réputation des morts, s’embraserait bien pour défendre celle des vivants ! Mais, quoi qu’il en soit, ajoutais-je, Dieu me garde de m’attirer jamais l’inimitié des censeurs de ce poète, que le séjour de deux mille ans dans le tombeau n’a pu garantir d’une haine si implacable ! Ils frappent à présent des coups en l’air. Mais que serait-ce si leur fureur était animée par la présence d’un ennemi ? »

Ceux dont je te viens de parler disputent en langue vulgaire, et il faut les distinguer d’une autre sorte de disputeurs, qui se servent d’une langue barbare qui semble ajouter quelque chose à la fureur et à l’opiniâtreté des combattants. Il y a des quartiers où l’on voit comme une mêlée noire  et épaisse de ces sortes de gens ; ils se nourrissent de distinctions ; ils vivent de raisonnements et de fausses conséquences. Ce métier, où l’on devrait mourir de faim, ne laisse pas de rendre : on a vu une nation entière, chassée de son pays, traverser les mers pour s’établir en France, n’emportant avec elle, pour parer aux nécessités de la vie, qu’un redoutable talent pour la dispute.

Adieu.

De Paris, le dernier de la lune de Zilhagé 1713. »

Les masques de la vérité.





On trouve ceci, à la page 50 de l’édition électronique Mobipocket du « IIéme livre des masques de Rémy de Gourmont 1858-1915 » :
« D’autres disciples allèrent plus loin dans la connaissance de leur maître et ils surent que pour arriver à la vie bienheureuse—qui comme dans Sénèque comporte beaucoup d’or et beaucoup de pourpre—il faut plaire, et que pour plaire il faut avoir l’air de faire coïncider sa pensée avec l’émotion générale. Ils comprirent qu’il faut à un certain moment être boulangiste, et socialiste à un autre;
qu’on rédige un roman anarchiste à l’heure où l’anarchisme est respiré avec bienveillance, et une comédie parlementaire quand le Parlement compromis est le sujet des conversations au déjeuner des gens simples: ainsi l’on devient soi-même un sujet de conversation; ainsi l’on arrive à hanter doucement l’esprit de ceux-là même que l’on bafoue et que l’on méprise. »

C’est du « profil » psychologique et moral de Maurice Barrès et de ses disciples dont il est question dans cet extrait. Un profil intemporel qui s’expose impudemment sur les panneaux électoraux de nos villes.
Ici même, en 2010.
Des masques ! Des masques qu’il faut savoir arracher. Pour affronter la vérité, et ses brûlures… Des masques qui sont aussi les nôtres…