Les limites du don?





Ce soir là, nous étions entre amis et la discussion tournait autour des limites du don. L’actualité en toile de fond. Qu’en retenir aujourd’hui, pour mieux en reparler à l’occasion?
Que nous vivons dans une économie de marché, dont le fonctionnement suppose l’échange et dans un système juridique, qui  exige la réciprocité.Et que ces deux domaines étroitement imbriqués finissent par structurer notre pensée au point d’envisager toute relation sur le seul mode de l’échange. Au point de considérer comme douteux, suspect ou hypocrite tout acte qui n’aurait pas de contreparties matérielles ou « symboliques ».

C’est ainsi, par exemple, que le « sourire de la boulangère ou de la crémière » ne peut être qu’intéressé par ses éventuelles retombées commerciales.
Bref, il n’est pas d’actes gratuits. Chaque don a nécessairement sa contrepartie. A la seule exception, peut-être, du  » juste  » qui, pour sauver la vie d’un inconnu donnerait la sienne.
Que ces propos visent tout ce qui relève du « pathos de la bonne conscience satisfaite », certes. Mais peut-on en déduire, conséquemment, qu’il serait inutile de chercher la gratuité dans le don et qu’il convient de le considérer, comme tout échange, qu’intéressé et forcément imparfait au plan moral ?
Soit! Admettons que tout don ait sa contrepartie. Mais pourquoi donc devrait-elle induire chez le « donateur » un sentiment d’incomplétude ou d’imperfection ? Ou que le peu de fierté ressenti dans le fait de donner de son temps, ou d’autres choses, soit vécu comme une déchéance morale ? Et qui ne voit, qu’à trop   » filer  » cette idée, on offre ainsi, paradoxalement, au cynisme propre à notre époque l’argument « moral » qui le justifie.

Alors, entre ne pas donner pour ne pas être « dupe » et donner dans l’espoir d’en tirer quelques « bénéfices », convenons tout simplement de suivre la sagesse de nos cœurs. Celle qui commande de nous conformer à notre nature profonde. Et qui nous invite à accepter tout aussi naturellement la seule joie de donner…

Choir?



C’est en lisant le bel article de Patrick Kéchichian, dans la Croix , consacré au dernier livre d’Eric Chevillard « Choir », que j’ai découvert le site de cet auteur. Tous les jours, il nous livre, au rythme de trois phrases, des notations d’une rigueur toute pascalienne. L’humour en plus. Non point pour nous distraire, mais pour, au contraire, exalter les us et coutumes, les rêves et cauchemards des habitants d’une île-monde qui se trouve partout et nulle part. Des petites fictions, souvent des aphorismes, qui nous donnent un sentiment de réalité que ne parvient pas à nous donner la prose dite réaliste.
 « On blâme la servilité du chien. Mais le roi ne sera pas même reconnu du sien s’il ne lui sert sa pâtée en personne. » lisais je, hier matin, après avoir survolé, les lèvres pincées, un nouvel article de la presse locale relatant «  l’inauguration », par le glorieux des glorieux régionaux, d’une de ses maisons régionales. Deux phrases qui nous jettent dans les eaux glauques du pouvoir et de la puissance hors desquelles nous ne pouvons malheureusement bondir. Sinon par la seule force de notre pensée et au risque d’y brûler nos propres raisons d’espérer… Ce qui n’est pas le plus inquiétant.

De Rome à Narbonne…


Georges Frêche est un grand humaniste. Amoureux de culture et des plus grandes œuvres de l’esprit, il promène le sien, subtil et éclairé, dans tous les sites marqués et dotés par l’histoire d’œuvres emblématiques du Languedoc-Roussillon. Toujours à la recherche de ce qui pourrait donner du lustre à son ouvrage de grand bâtisseur, à l’image du Laurent Médicis qu’il se figure incarner pour la ville de Montpellier, il égrène, en ces temps de campagne électorale, un chapelet de projets régionaux qui feront assurément la renommée de notre beau département de l’Aude. On savait son désir d’installer un téléphérique à Peyrepertuse pour soulager des touristes tendanciellement en surpoids, le voilà à présent décidé à les installer, à Narbonne, dans un musée de la romanité pour y faire la claque. Un musée
qui ,selon ses dires, devrait être : « un mélange ultra scientifique pour les spécialistes comme (lui) et un truc pour les touristes, du style arènes en carton pâte avec des tournois de gladiateurs bidons » . La raison sans doute pour laquelle il a nommé l’ancien conservateur du musée de la bande dessinée d’Angoulême pour en styliser les grandes lignes. Du grand art ! Ave Georges…

La leçon de Camus.

Le 4 janvier 1960, Albert Camus se tuait dans un accident d’automobile. Il y eut des éloges sincères. Et d’autres qui ne l’étaient pas, prononcés par ceux qui, de son vivant, ne « voulant pas désespérer Billancourt » au nom de la défense du « socialisme réel », l’avait traîné dans la boue. Ceux là même qui préférèrent avoir eu tort avec Sartre et qui occupent toujours les esprits d’une « petite bourgeoisie intellectuelle » toujours prête à cautionner, au nom d’un anti-américanisme pathologique, les diverses formes de terrorisme et de fanatisme pourvues qu’elles se présentent sous les traits d’un peuple idéalisé ou d’une classe dominée.

Camus avait pourtant averti que le bacille de la peste veillait et veillerait jusqu’à la fin du monde; et qu’il était tapi au plus profond de nos consciences, fussent-elles éclairées par la recherche du bonheur ici-bas.

Cette leçon, je l’ai comprise un peu tard. L’attrait et le charme d’une posture romantique sans risque, théorisée  par les détracteurs de Camus, étaient à l’époque trop puissants pour des jeunes gens avides de changer le monde.

Depuis, il est mon compagnon de route… 

A Nîmes, la romanité!



Michel Renouleaud vit à Nîmes . Nous nous connaissons bien pour avoir exercé quelques responsabilités ensemble à la Région , et sommes amis.
Dans son dernier billet il s’interroge : « 
… quand je lis qu’à Narbonne, avec le soutien financier du conseil régional, on s’apprête à construire un musée de la Romanité, projet également inscrit dans le programme municipal nîmois… ». Eh bien, mon cher Michel, non seulement je m’interroge comme toi sur ce projet « fréchien », mais trouve l’idée surtout assez démagogique . Si la romanité de Narbonne est bien avérée au plan historique, son patrimoine antique réel est lui malheureusement très pauvre. Il se résume en effet en une collection de « pierres », certes intéressante, mais qui ne saurait rivaliser, bien entendu, avec « la maison carrée » et « les arènes » de la préfecture nîmoise.Des trésors qui illustrent tous les livres d’histoire de la planète traitant de la période romaine. S’il doit donc se faire un musée de la romanité en Languedoc-Roussillon, c’est donc bien dans la capitale gardoise . Narbonne, a bien d’autres atouts, avec notamment son ensemble monumental autour du « palais des archevêques ». Un « bijou » négligé,  mal entretenu et insuffisamment mis en valeur. Alors, plutôt que de courir à grands frais après une « romanité » qui jamais ne pourra rivaliser avec celle de Nîmes, nos élus seraient plus avisés de concentrer leurs énergies intellectuelles, politiques et financières sur le « cœur de ville narbonnais ». En ces temps d’agitations politiciennes, est-ce trop leur demander que de faire montre de sérieux et de cohérence, pour ne pas dire de solidarité, régionale ?