Roger Federer sur un cours était le style même…

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Je.15.9.2032
 
Du style !
 
Roger Federer a déclaré qu’il prenait sa retraite. C’était un génie. Chacun de ses gestes, de ses déplacements sur un cours de tennis signait un trait d’intelligence et d’élégance. Il ne jouait pas, il créait. Son jeu inspiré était d’une beauté irradiante. Il aura ainsi élevé la pratique de ce sport au rang d’œuvre d’art. On devrait étudier et promouvoir son style dans toutes les écoles : les petites et les grandes.
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Jean-Luc Godard est mort et l’humanité n’en est pas désarmée pour autant…

 
 
 
 
 
 
Ma.13.8.2022
 
 
J’ai lu ceci, ce matin (la dernière phrase d’un article a lui consacré) : « Jean-Luc Godard est mort et nous sommes nombreux à penser que le cinéma et l’humanité sont ce matin plus désarmés qu’hier. » Le cinéma, passe encore. Bien que ! Mais l’humanité, l’humanité désarmée ? ! Voilà le genre de phrase dont le ridicule ne tue même plus. Hélas !
JLG faisait des films. Il divertissait. Ben oui, comme ses pairs ! Quoiqu’il en disait. Il fallait les avoir vus, au risque d’être moqué, de passer pour un crétin. Ou un bourgeois ! (La pire des insultes à l’époque). L’ennui devant ses images était alors l’expression forcée d’esprits éveillés. Il fallait aussi se pâmer devant sa rhétorique obscure et pompeuse. Et se taire quand ses mots sur le peuple juif diablement dérivaient. Je dois avouer n’avoir jamais vu un seul de ses films, jusqu’au bout. Mes paupières tombaient… Des scènes de certains – rares, forcément – sont cependant restées. Celle-ci, notamment, que j’aime beaucoup – Ah, ces parenthèses, ces coupes de tempo, et la voix lente, lasse et caverneuse de JLG pour une fois audible !
 
 
 
 

« L’imaginaire » de Claire pour changer un vieux monde à l’heure du catatrophisme ambiant !

         

Je.8.8.2022

Dans son édition du dimanche 4-lundi 5 septembre, le Monde consacre une longue enquête à la « crise existentielle des vingtenaires ». Elle serait marquée, selon son autrice, par une sensation de vide devant soi, d’angoisse écologique et d’une irrésistible envie de « tout plaquer ». Pour illustrer son propos, trois ou quatre profils, censés symboliser cette classe d’âge, nous sont ainsi présentés. Tous sont ceux de jeunes gens surdiplômés, issus de la classe moyenne urbaine. Un seul dénote cependant. Celui de Florence, une jeune agricultrice qui va reprendre cet automne l’exploitation agricole de ses parents, dans un petit village des Ardennes. Avec le souci de savoir comment elle va tenir dans la durée, tout en se plaignant de ne pas recevoir suffisamment d’aides. Elle a voté pour la première fois Marine Le Pen. Les autres sont plus creux, plus fluide et plus vide. Et si l’autrice ne nous précise pas leurs préférences politiques, on devine néanmoins une inclination qui les porterait plutôt vers un vote EELV ou LFI. Ainsi le profil de Claire, 28 ans, que j’ai retenu, car le plus caricatural, le plus vrai et le plus comique. Doctorante en théorie des arts et media (?!), elle raconte qu’après avoir quitté son studio de Montreuil durant l’été 2021, elle s’est installé à la campagne et qu’elle a essayé de vivre en plusieurs éco-lieux (?!) pour finalement choisir une minuscule caravane en Bretagne. Son objectif : une vie plus simple, consacrer moins de temps au travail et plus à des activités bénévoles ou à des loisirs comme la danse folklorique, la broderie et la poésie. Jusqu’à alors, Claire vivait en couple. Mais après une rupture, elle a remis en cause sa place de l’amour dans sa vie et a décidé de s’installer avec deux de ses meilleures amies, d’acheter un champ pour construire un habitat partagé. Plus tard, elle voudrait s’essayer au polyamour (?!) et élever des enfants avec des amis. Tous ces changements lui apportent, dit-elle, beaucoup de joie. « Notre génération tatonne plus, mais on a pris conscience de la nécessité de changer de modèle. On est plus à l’écoute de ce qui fait vraiment sens pour nous », conclut-elle son histoire, assise sur des palettes à l’entrée de sa minuscule caravane. Florence et Claire ! Deux « imaginaires » et deux rapports au réel économique, social et politique radicalement opposés. Celui de Florence est simple et brutal. Il tourne autour de l’idée : comment survivre ? Celui de Claire, plus intellectualisé et scénarisé, occulte la question de Florence. Je dois dire que j’ai spontanément éprouvé de la sympathie pour Florence en pensant à la somme de sacrifices qu’elle devra s’imposer. La vie rêvée de Claire, elle, m’a plutôt fait sourire… Un aveu bien innocent, mais qui me vaudra sans doute un procès : celui d’être un vieux réac biologiquement et socialement borné par sénescence et intérêt, incapable de penser et de prendre au sérieux un autre « imaginaire » à l’heure du catastrophisme ambiant. Celui de Claire évidemment ! C’est ce que me laissait entendre, ce matin, une jeune élue verte rencontrée sur la promenade des Barques. Je lui avais posé une question toute bête : comment vous y prendriez-vous pour renverser la logique économique de ce tourisme de masse qui fait vivre notre région ? Tourisme de masse dont je connais et déplore autant que vous ses effets désastreux sur notre environnement naturel, culturel, esthétique et pour tout dire visuel ?… « Ben ! en changeant l’imaginaire des professionnels du secteur et des touristes. » Pensait-elle à celui de Claire ?

 

 

 

Mauvaises pensées de rentrée…

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Ve.2.2022
 
Humeur.
 
J’entends souvent dire autour de moi que nous vivrions dans une société où l’individu maître de soi, égoïste et borné serait désormais et malheureusement la norme. Pourtant, il suffit de voir comment la foule se comporte sur nos plages, terrasses de café et promenades, pour se convaincre que son comportement est en vérité plus proche des pingouins – pingouins, eux, parfaitement inoffensifs ! Comme ceux – c’était touchant ! – aperçus l’autre soir, sur Arte, dans un documentaire animalier. Semblables aux espèces animalières grégaires, la nôtre a donc fait sa rentrée. Et, très vite, n’en doutons pas, on va la voir défiler rituellement sur nos écrans, dans nos villes et dans nos rues, en bandes, troupes et meutes pareillement organisées.
 
 
 
 
 

Il faut aussi que toutes ces attentes cessent, pour n’en garder qu’une…

 
 
 
 
 
 
 
Place de l’Hôtel de Villee.1.9.2022
 
Lecture. Moment de vie…
 
 
Alain Monnier a inventé un de ces anti-héros très attachants, Barthélémy Parpot. Il l’a mis en scène dans quatre romans, d’abord édités par les Éditions Climats dans les années 1990-2000, puis réédités et réunis ensuite dans un seul volume publié en livre de poche : Le Petit monde de Barthélémy Parpot, Paris, Flammarion/ 2015.
Un Petit Monde que je connais, pour avoir lu, dès leur sortie, les histoires de ce rebelle passif ou involontaire qui n’a aucun projet subversif sinon d’être et de vivre comme tout le monde. Son créateur présente ainsi Barthélémy Parpot : « Le sort ne l’épargne pas mais il s’en accommode, il sourit, il est sans rancune, il trouve des excuses aux uns et aux autres, il formule des explications sans amertume ni animosité. Il est à cent lieues des revendicatifs et des acrimonieux qui envahissent l’espace public. » C’est dire aussi qu’il y a dans chacun des romans d’Alain Monnier, une part de conte ou de fable : « C’est un côté qui peut agacer mais qui personnellement me plaît… La morale permet de se tenir debout et d’installer le respect indispensable à la vie en société… Tous ces individus d’aujourd’hui, arcboutés sur leurs seuls droits, me fatiguent ».
En ce moment, je lis « Place de la Trinité », publié en 2012. Un roman d’amour, une satire de notre époque et de ses vanités ; et une fable donc sur les paradoxes de nos destinées humaines.
Voici l’histoire ! Adrien Delorme, quarante-huit ans, est « maître de conférences en littérature et rattaché au laboratoire de recherche intertextuelle qui planche avec acharnement sur l’œuvre de Flaubert. Laboratoire qui emploie douze chercheurs sur le décryptage des torchons du bougon. Le drame d’Adrien, c’est qu’il déteste Flaubert, et qu’il ne peut pas le dire… Allez clamer dans l’université que Flaubert vaut tripette, et ce sont – debout les morts ! – Sartre, Proust, Foucault qui sont convoqués, articles ou études en avant, pour démontrer à quel point vous êtes un âne. Dont acte. Donc, on se tait. Donc, on laisse douze types publier des supputations qui n’engagent qu’eux jusqu’à leur retraite. Tranquilles peinards, ce ne sont pas eux qui vont nous flinguer le CAC 40 ou le PIB. »
La vie d’Adrien Delorme a pour centre d’attraction la « Place de la Trinité », cette place que les Toulousains connaissent bien. Il y habite, a ses habitudes de café et de librairie, et surtout y déjeune une fois par semaine avec Louise. De douze ans sa cadette, la jeune femme, mariée et mère de deux enfants, ne partage pas l’amour que lui porte Adrien. Sept siècles plus tôt, Pétrarque y fit une halte et décida alors de se lancer dans l’écriture de son chef-d’œuvre, le Canzoniere, dédié à la passion platonique qu’il éprouva quarante ans durant à l’égard de Laure. Un jour, Louise ne vient pas au rendez-vous. Face à cette absence qui bouleverse son existence, Adrien ne quitte plus la place de la Trinité afin d’attendre le retour de l’aimée…
Voilà pour la trame de cette histoire qui, sous le regard tendre et doucement ironique d’Alain Monnier, présente un catalogue de tous les travers de notre modernité. Une modernité faite et écrite par des démagogues rageurs, des bien-pensants agressifs, et des cyniques de tout poil qui fait le quotidien d’Adrien Delorme et le nôtre. Le style d’Alain Monnier, d’une élégance classique qui n’est pas sans me rappeler celui d’un Sempé, ajoute au plaisir de lecture de ce petit – et vif – roman. Christian Authier note avec raison sa lucidité désolée et sa proximité de ton avec Marcel Aymé…
Un dernier mot enfin, pour dire que « Place de la Trinité » est aussi un bel éloge de l’attente… : « Adrien savoure l’idée qu’on passe sa vie à attendre. Un train, une lettre, le résultat d’un scanner, le verdict, que la nuit tombe, le lendemain, la fin du film. On attend l’année prochaine. On attend la date anniversaire, les dates anniversaires. Comme Pétrarque. On attend nos premières fois. Avec angoisse et émotion. Il faut aussi que toutes ces attentes cessent, pour n’en garder qu’une, la seule qui nous importe vraiment, qui nous concerne jusqu’au bout. Jusqu’au dernier souffle, jusqu’au dernier râle. Ce qui sera notre dernière première fois. »
C’est hier après-midi que m’est venue l’idée de cette chronique littéraire. Au sixième coup de cloche ! J’étais alors assis à la terrasse du Petit Moka, Place de l’Hôtel de Ville de Narbonne. Il y avait beaucoup de monde autour de moi. Des touristes surtout. On les reconnait à l’allure. Ils tournent, traînent et attendent. En bandes ! C’était ma première sortie en ville depuis que la Covid m’avait mis sur le flanc. Et j’attendais… Seul ! Un coup de fil de Mila, ma petite-fille, est venu interrompre mes rêveries. Elle voulait me chanter une chanson. En vérité, elle me demandait de rentrer… Et puis…, un des personnages secondaires de ce roman, un nommé Ramon Sempéré, photographe plasticien et intermittent du spectacle toujours en quête de subventions, est né à Narbonne, rue du Four-à-Chaux (des Fours à Chaux, plus précisément). Un indice qui a éveillé ma curiosité et m’a conduit à me renseigner sur Alain Monnier. Pour découvrir qu’il s’agissait du nom de plume d’Alain Dreuil, né le 14 juillet 1954 à Narbonne. Un jour peut-être prendrons-nous un café ensemble place de l’Hôtel de Ville. Qui sait ?
 
 
 
 
 
 

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