Le chien couché.

Hier.

Géraldine m’attendait. On aurait dit une adolescente. Menue. Jolie. Ses yeux brillaient comme si elle partait en vacances. Elle est chirurgienne.

Elle m’attendait pour m’arracher une dent de sagesse. « Énorme ! » m’a-t-elle dit, ravie, en la désignant. Comme si c’était un caillou trouvé sur la plage.

Puis vint la chaise. La position allongée. Le projecteur. La lumière aveuglante. Le métal froid des instruments.

Le bruit sec des os qui craquent. Comme un marteau-piqueur dans la bouche.
Une heure à transpirer, les poings serrés.

Chez moi, deux heures plus tard. Dans le noir. La douleur montait malgré les cachets. Elle était dans la chair, dans le temps qui ne passe pas.

Le front pesait lourd. J’ai fermé les yeux. Pour rien.

Le soir, la douleur s’est arrêtée. Immobile. Comme un chien couché. Les médicaments faisaient effet. La tête cognait encore, un tambour sourd.

La nuit passa sans sommeil. Les heures lentes, interminables. Le corps voulait sombrer. Les yeux restaient ouverts.

À l’aube, tout s’est arrêté. La douleur s’était enfuie. Restait la fatigue. Lourde. Comme un sac de pierres.

J’ai bu un café. Il était tiède. Mauvais. Mais c’était un café. La journée commençait.

Illustration : Francis Bacon.

Griggio dresse ses totems comme on réveille une mémoire endormie.

C’était dans les années 2000. À Moux, dans les Corbières. Là que j’ai rencontré Serge Griggio. Dans son atelier : l’ancienne épicerie du village. Aux murs, une série de toiles : « Dyptique Griggio Pirotte ». Pirotte ! Pirotte admiré. Ici, lu, commenté. En plein cœur des Corbières. Ma surprise fut grande.

Benjamin à la plage.

Me 23.07.2025

Il passe tous les jours devant ma cabane. Vers quinze heures.
Trente ans peut-être. Blond. Le visage doux.
Il dit « Bonjour » sans insister. Toujours avec la même jeune fille. Discrète. Ils se ressemblent.
Il tire une petite remorque. Parasols, chaises, serviettes.
Et tout ce qu’il faut pour pêcher.
Sur la plage, ils s’installent un peu à l’écart.
Ils se baignent. Moins que les autres.
Lui, il prend un masque et un tuba. Il part loin, chercher des appâts.
Elle l’attend.
Puis lui caresse les cheveux.
Il rêve.
Quand la plage se vide, il plante ses cannes dans le sable. Lentement.
Seul.
Parfois il prend deux dorades. Trois, rarement plus.
Ce soir-là, le ciel était rose, lavé de bleu.
Benjamin ne bougeait presque pas.
Ses gestes épousaient le murmure des vagues.
Il respirait avec la mer.
C’était le dernier souffle du jour.

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