D’épais nuages gris poussés par un vent d’Est assez fort donnait au paysage une couleur inhabituellement sombre. Le ciel et la terre semblaient alors confondus. Rien n’apparaissait des arbres et des hommes.
Elle a 93 ans. Ses idées s’égarent, s’affolent, se perdent. Les mots lui manquent pour les retenir. Ils se brisent, se disloquent ; gisent en petits tas à la surface d’une mémoire trouée de toutes parts.
8h30 ! Un café, quelques troubles pensées, et soudainement l’envie me prend d’aller voir la mer. C’est l’heure où elle m’appartient. Mes voisins dorment encore. Ils rêvent d’un temps sans horloges ; d’un présent qui s’éterniserait. J’aime seul regarder les vagues, écouter leur bruit qui semble provenir du fond de la terre. Tumultueuses ou frémissantes, peu m’importe, elles m’apaisent, me guérissent. Ainsi va la mer de siècle en siècle, tandis que sur ses côtes se fait l’histoire des hommes. Une histoire qui demain sera vite oubliée, quand les vagues et la mer n’en finissent jamais de toujours recommencer…
L’été est une saison propice à de singulières rencontres. Une observation que j’ai pu hier encore vérifier, assis à la terrasse d’un glacier. De cet inconnu installé à la table voisine, quand je l’ai quitté, assommé par sa verve insensée, pour le laisser finir son énorme coupe de glace débordant de « Chantilly », je savais l’essentiel de sa vie professionnelle et personnelle.
Longue et mince, elle est arrivée sur la plage en marchant sur la pointe des pieds. Ainsi marchant, elle tirait en souplesse sur ses appuis pour étendre son corps finement sculpté ; en souligner les lignes, ses courbes, jusqu’au plus haut de son crâne qu’un chapeau à larges bords couvrait.