15h 15 ! Sur la ville, d’épais nuages bas poussés par un fort vent de mer, filent vers l’intérieur des terres. Par moments, des trouées de lumière donnent à voir un peu de ciel bleu. Le soleil s’y glisse et colore des façades aux volets tristes. Tout semble las et respire l’ennuie.
Il est 10h 45 ! Lavé, rasé, habillé et chaussé, je déplis mon attestation de déplacement dérogatoire, coche la deuxième case, la date, la signe ; prends la porte et descends l’escalier pour aller faire mes « achats de première nécessité ». Aux Halles, là tout près. La rue en bas est déserte, et le ciel très bleu. Un vent marin, un brin frisquet, pousse une canette de bière.
J’ai croisé Carole, ce matin aux Halles. Je venais d’y entrer, elle en sortait. Masquée et gantée, elle allongeait ses pas, je retenais les miens. Ce sont ses gestes, ses cheveux et ses yeux qui m’ont permis de la reconnaître. Il m’a semblé voir ses lèvres prononcer mon prénom sous son voile de tissu vert plaqué sur le bas de son visage, aussi.
Il est 15h30, cet homme seul, grand, qui marche à pas lents, le haut de son corps comme aimanté par le sol et ses bras sur son dos tenus par ses mains jointes, que j’aperçois de ma fenêtre sur ce large trottoir ensoleillé, est mon voisin.
« M » et « J » habitent à l’année dans un mobil-home situé à une dizaine de mètres de la plage des Ayguades. Ils y vivent depuis trois ans ; sans rien regretter de leur maison, de leurs voisins et amis de leur ancienne petite cité ariégeoise. À les entendre, n’en restent dans leur mémoire que de vagues souvenirs qu’enveloppent une sorte de brume.